Face à l’opacité du monde, Pierre Lurçat offre des étincelles

 

Face à l’opacité du monde, Pierre Lurçat offre des étincelles

En 1945, on a dit « plus jamais ça ».

Le 7 octobre 2023, « ça » a recommencé et au lieu de voir les nations civilisées prendre le parti de l’agressé et exiger des représailles impitoyables contre l’agresseur, c’est le contraire qui s’est produit.

 

Les erreurs de la post-vérité

Face à ce que l’écrivain-traducteur-analyste Pierre Lurçat décrit comme « la multiplicité des interprétations et des opinions érigées en vérités », il nous propose de prendre du recul grâce à de grands autres, au nombre desquels ses propres parents, la psychologue Liliane Lurçat et le physicien et philosophe des sciences François Lurçat.

Les éclairages des Lurçat senior révèlent à quel point leur point de vue était visionnaire sur ce monde schizophrène, dont ils n’ont connu que les prémices.

Pierre Lurçat nous invite aussi à « lever les yeux », avec Yves Marry et Florent Souilly, qui ont fondé une association portant ce nom, et à rencontrer Byung-Chul Man, que son origine sud-coréenne et sa formation polymorphe (métallurgie et théologie catholique) ont peut-être prédestiné à enseigner la philosophie en Allemagne. Autres lumières, autres philosophes et un choix d’idéo-pathologies : Jean-François Bronstein a scruté « La religion woke » et Éric Sadin s’est penché sur « L’individu-tyran ». Autres invités de ce petit livre de grands penseurs, les sociologues Gérald Bronner, lauréat de l’Académie des sciences morales et politiques et Shmuel Trigano, qui ajoute à sa casquette de sociologue des religions celles de philosophe et de sage (Tzaddik en version originale). Enfin deux historiens, Neil Postman, théoricien des médias et Pierre-André Taguieff, spécialiste de l’antisémitisme et d’autres pathologies mentales contribuent aussi à donner du sens à cette histoire de fous qu’est l’Histoire contemporaine.

« Le fil conducteur qui relie les différents auteurs n’est pas seulement celui de la technologie, de la mutation de l’identité humaine ou de la nécessité de protéger les acquis de la civilisation contre les dérives anti- ou post-humanistes », avertit l’auteur : il a aussi l’ambition de reconnecter l’humanité de dieu à la transcendance de l’homme.

 

Informer, désinformer, déformer, formater

« À l’ère des réseaux sociaux, on n’échange plus des idées, on « partage » des informations » explique Lurçat, qui voit dans ce partage, non plus un dialogue, mais des monologues parallèles rappelant ceux des tout-petits, isolés chacun dans la bulle de son ego en construction.

De ce fait, les flux d’informations se croisent sans enrichir les émetteurs ni les récepteurs, les ondes deviennent des vagues et se conjuguent en un tsunami qui empêche les naufragés de distinguer les bouées flottant au milieu des requins.

La connaissance de l’actualité devrait nous rendre le monde intelligible, mais l’information étant de plus en plus formatée en fonction de présupposés et les sources émettrices devenant pratiquement aussi nombreuses que les individus récepteurs, il en résulte une méfiance généralisée vis-à-vis des médias, paradoxalement aggravée par les « décodeurs » que chacun d’entre eux met en place pour imposer sa propre vérité.

 

Sans la morale, l’homme est soumis à la loi du plus fort

Il ne s’agit pas d’incriminer les seuls médias pour l’opacité du monde actuel, quand notre propre incapacité à porter des jugements y participe à responsabilité égale. C’est là le résultat du « symétrologisme » pratiqué par la plupart des commentateurs. Ils n’ont rien inventé : ils copient les politiques, habitués à renvoyer dos à dos agressés et agresseurs, bourreaux et victimes, de manière à s’éviter le dilemme de juger et donc, d’être jugés sur les résultats de leurs choix.

Le jugement implique que le juge possède des critères lui permettant de distinguer le vrai du faux et le coupable de l’innocent. Ces critères sont réunis dans un corpus nommé morale.

Cette indispensable boussole situe le bien et le mal, distinction sans laquelle l’injonction de Lurçat ne peut rester que lettre morte :  « Toute analyse cognitive doit s’accompagner d’une analyse morale. »

Le conflit Hamas-Israël n’est pas un conflit territorial et pas seulement une guerre de religions. C’est l’opposition de deux projets de civilisation incompatibles, l’un ouvert et tolérant, articulé autour du bien et du mal et l’autre centripète, fonctionnant sur la soumission aveugle à une déité que l’altérité insupporte.

Seul l’homme occidental, que sa culture a doté d’un libre-arbitre, est susceptible d’évoluer (en bien comme en mal) en fonction de son environnement physique, technologique et humain, car il n’est pas, comme le Hamas et ses supporters, momifié dans un carcan d’interdictions.

 

L’homme a inventé la technologie qui a réinventé l’homme

Les changements technologiques ont transformé le mode de communication de l’homme, et les idéologies dont il est submergé l’ont lui-même transformé de l’intérieur, le rendant perméable à la « déconstruction » de son psychisme, qui prélude à la déconstruction de son mode de vie et de ses valeurs.

L’homme post-moderne est conduit à se débarrasser de ses racines, à oublier ses origines, à nier son histoire, son passé, ses repères. Sa déconstruction « a des visées politiques évidentes, qui convergent dans la criminalisation de l’Occident. La dénonciation de l’ethnocentrisme occidental et la critique radicale de l’humanisme aboutissent ainsi à jeter le bébé avec l’eau du bain, en abandonnant tous les acquis de la civilisation occidentale et pour ainsi dire tous les acquis de la civilisation humaine. »

Le sexe, le genre, l’Histoire, la langue, tout y passe. Lurçat cite Trigano : « À l’opposé de la pensée moderne, qui conçoit une rupture entre les mots et les choses, la déconstruction ramène les choses aux seuls mots… Aujourd’hui le réel n’est plus qu’un texte. » Ajoutons qu’il n’est pas anodin que les plus acharnés à cette déconstruction, les néo-féministes, aient comme revendication l’ajout, à chaque substantif et adjectif, d’un pénis symbolique en forme de « e muet » flanqué de deux points, pour signifier que désormais, l’homme n’a plus le privilège de la virilité.

Ce n’est plus l’intelligence qui se substitue à la force pour aider Homo Sapiens à réaliser ses aspirations, mais la technologie, qui vise à le remplacer, lui, y compris dans son essence : la procréation.

« La technologie inhérente aux nouveaux médias a ainsi instauré une nouvelle relation entre l’homme et la technique, dans laquelle celle-ci n’est plus un outil au service de l’homme, mais un instrument de sa nouvelle servitude. »

 

L’espoir : une vue de l’esprit

Lurçat n’est pourtant pas désespéré : face à la rupture anthropologique, il estime que l’Homme a encore des atouts. « Refonder un nouvel humanisme en tirant les leçons de l’échec de l’humanisme occidental, sans sacrifier l’idéal qui a porté celui-ci pendant des siècles. » Autrement dit, revenir aux fondamentaux : « ceux de la tradition d’Israël, redevenue d’actualité avec le retour du peuple juif sur sa terre ancestrale. »

 

Cette espérance (qui est le nom de l’hymne israélien) de renouer avec la morale, avec les dix paroles qui ont servi de modèle à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne pourra hélas advenir que si les deux milliards d’humains acharnés à faire disparaître cette morale avec ses disciples changent de logiciel.

Ce n’est pas gagné.

Liliane Messika – 26 novembre 2023

Face à l’opacité du monde

Pierre Lurçat

Éditions de l’Éléphant

104 pages – 13,70€

www.amazon.fr/Face-lopacit%C3%A9-monde-livres-%C3%A9clairent/dp/2322506001

 1,137 total views,  1 views today

image_pdf

8 Commentaires

  1. C’est l’éternel conflit entre le Bien et le Mal.
    Si on ne comprend pas que l’islam détruit toute civilisation depuis 1400 ans, alors on ne pourra rien régler.

  2. Pour ma part, pour vivre en paix, j’estime que la moitié de l’humanité devrait trucider l’autre.

      • Comme je suis un homme de paix, qui aime la paix, je me situe dans la moitié qui veut vivre en paix. Donc de facto…

  3. Bonjour,

    Merci pour cet article.

    L’islam n’a pas le Décalogue : « contrat » auquel nous sommes, parfois, amenés à donner des coups de canif voire à opposer un refus obstiné, certes, mais boussole et puissante force de rappel.

    • Oh que si qu’ils ont le leur il est l’opposé de celui de Moïse. Et croyez moi depuis 1400 ans il n’a subi le moindre coup de canif

      • Je voulais dire qu’ils n’ont pas besoin de lui donner des coups de canifs de temps à autre leur  » décalogue  » étant taillé sur mesure certainement écrit avec le concours du diable,rare sont les défroqués la soupe
        etant si bonne

    • Le décalogue des enculeurs de chèvres adorateurs de mahomet les 10 formes de djihad.

Les commentaires sont fermés.