Comment Hollande et Juncker trahissent notre identité en piétinant notre droit, issu du droit romain

Christine m’a demandé de choisir un avatar me représentant sous les articles que j’écris sur notre site. J’ai choisi pour me représenter, fort peu modestement à première vue, une mosaïque de l’Empereur romain Justinien.

Ce choix s’explique par mon parcours à certains égards : malgré mon amour pour l’Antiquité gréco-romaine, j’ai choisi d’étudier le droit, pour finalement l’enseigner, ce qui était ma vocation première.

Or, tant dans mon enseignement que dans ma recherche, je ne manque jamais l’occasion de rappeler les racines gréco-latines et judéo-chrétienne de notre droit, qui coïncident avec celles de la civilisation occidentale.

L’étymologie des termes juridiques est systématiquement envisagée dans mes enseignements. Le droit regorge de maximes célèbres en latin, comme « Summum jus, summa injuria ». Je continue à les signaler, non pas pour briller, mais pour le caractère marquant de leur formulation, toujours synthétique et efficace, et le plaisir de rappeler à mes étudiants que nos racines sont gréco-latines.

Précisément, le droit français est empreint dans sa tradition d’un souci de mesure et de douceur, tout en employant une terminologie rigoureuse propre à l’esprit romain et en contenant des règles qui cherchent à réaliser un équilibre entre diverses préoccupations dignes d’intérêt. Or, c’est le Digeste de Justinien (Corpus juris civilis) qui synthétise le meilleur état du droit romain, le droit romain le plus perfectionné, le plus précis sur le plan de la technique et influencé par le christianisme. Redécouvert au Moyen Age à Bologne, il a influencé notablement le droit français dans bien des domaines, notamment le droit civil contenu principalement dans le Code civil actuel.

Il s’agit moins ici d’envisager les solutions adoptées, qui correspondent souvent alors dans ce modèle à des conceptions qui ne correspondent pas aux valeurs que l’on défend (notamment une conception patriarcale du droit de la famille, qu’ont corrigées des réformes ultérieures, notamment celles du statut de la femme au XXème siècle), que la technique juridique dans sa finesse, s’agissant par exemple des techniques juridiques d’utilisation des biens, de la finesse du droit des obligations (relations contractuelles, responsabilité), autrement dit des concepts que la science juridique a réussi dès cette époque à dégager grâce à un vocabulaire riche et des techniques bien conçues, pour atteindre un résultat qui puisse être juste et équilibré.

Le droit se distingue des lois. Les lois sont votées depuis environ trente ans, souvent de façon brouillonne, précipitée, pour servir des desseins politiciens et deviennent un outil de communication.

Le droit s’est complexifié considérablement aussi, au-delà de ce phénomène, sous l’influence de la mondialisation et de l’appartenance de la France aux instances européennes que sont l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, qui en ont fait un outil technocratique de plus en plus éloigné du citoyen, tout en conduisant à la remise en cause des concepts juridiques forgés dans la Grèce et la Rome antiques et redécouverts au Moyen-Age.

Je dois souvent m’intéresser au Digeste de Justinien car je travaille sur des concepts juridiques, ce qui m’amène à discuter des choix de traduction qui en ont été faits par exemple. C’est un grand plaisir de pouvoir ainsi remonter le cours du temps, une manière de redécouvrir ce qui fait notre identité, car notre tradition juridique fait aussi notre identité, contrairement aux lois qu’un législateur qui semble parfois devenu fou nous impose.

Bien sûr, il ne faut pas s’arrêter à cette époque, la Révolution française est une autre grande période qui doit nous inspirer et dont nous sommes héritiers, mais il ne faut jamais oublier qu’une révolution change une société, mais ne peut faire table rase de tout le passé : pour reconstruire il faut des techniques, et ces techniques resteront toujours issues de notre tradition juridique car c’est un moule adapté à n’importe quel choix politique viable. Parmi ces techniques, figure par exemple le droit de propriété et les démembrements dont il est susceptible, qui conduisent toutefois toujours à reconnaître un droit légitime d’une personne sur une chose et le pouvoir de s’opposer à son usurpation, sa confiscation illégitime.

Bien sûr aussi, le droit romain n’est pas un idéal dans la mesure où la société romaine présentait des défauts, elle était inégalitaire ; mais les concepts forgés à cette époque font partie de l’identité française et peuvent servir pour n’importe quelle réforme politique au service du bien commun. Surtout, ce sont des concepts qu’un Français peut manier aisément, même sans avoir reçu une éducation religieuse, car ce sont des concepts laïques, alors que les concepts du droit musulman ne trouvent pas d’équivalents dans notre tradition et sont difficiles à assimiler. Le choc des modèles s’observe aussi dans ce domaine.

Aujourd’hui, l’islamisation menace également notre identité juridique.

La finance islamique commence à s’imposer en France, avec ses instruments juridiques qui remettent en cause nos concepts, exactement comme l’européanisation et l’internationalisation le font avec ce que l’on appelle le « common law », le droit anglo-saxon.

Ainsi, la loi française a récemment reconnu la fiducie, dont le nom vient du latin fiducia, une opération qui existait en droit romain ; mais elle l’a fait non pas pour nous reconnecter à nos racines, mais pour permettre une concurrence avec le trust anglo-saxon, en le prenant comme modèle. Les systèmes juridiques entrent en concurrence, ce qui nous oblige à abdiquer notre tradition, à changer de modèle, sous l’influence de rapports accablants de la Banque mondiale, rapports « Doing business », qui soutiennent que le droit d’origine romaine serait inadapté à l’économie d’aujourd’hui, à nous déconnecter du droit issu des traditions gréco-latine et judéo-chrétienne.

L’islamisation conduit les juristes à devoir découvrir le droit musulman. Ils n’ont plus le choix.

Ce sont par exemple, présentées devant les tribunaux français les « kafalas », sortes d’adoptions qui posent d’importantes difficultés d’analyse aux juristes français, car elles correspondent à une conception de la famille qui n’est plus la nôtre, en raison des évolutions propres au droit français et issues, pour les quelques bienfaits que l’on a pu en retirer, de la jurisprudence de la CEDH en matière de filiation, qui consacre l’égalité des enfants quant à leurs droit successoraux, qu’ils soient nés ou non hors mariage. https://fr.wikipedia.org/wiki/Kafala

Sans la mondialisation du droit, nous n’aurions pas ce problème, imputable dans ce cas précis au choix de parents français qui veulent adopter un enfant d’un pays musulman plutôt qu’un français.

Il peut sembler vieux jeu aujourd’hui de continuer à étudier le droit romain, les notions et maximes qui en sont issues. C’est pourtant, d’une certaine façon, un acte de résistance.

 

 626 total views,  2 views today

image_pdf

9 Comments

  1. @Maxime
    Complètement OK avec votre article : j’ai véritablement dégusté chaque mot !
    Vous savez quoi ?…J’aimerais suivre vos cours de droit romain pour me rafraîchir la mémoire. J’ai beaucoup aimé faire du droit romain.
    J’ai bien aimé aussi le code d’Hamourabi : les congés payés 1500 ans avant JC, et nous, nous avons attendu 1936 pour ce qui était une réinvention !!!
    Et bien évidemment vous avez raison : le droit romain, ce sont nos racines, encore aujourd’hui.
    La philosophie du droit est un domaine passionnant : pourquoi tel ou tel concept ? Quelle en est la genèse ? Et le droit romain incontournable dans ces questions.
    J’ai mis quelque part sur RR un commentaire, je ne sais plus où, sur la polygamie et la répudiation, deux notions tolérées aujourd’hui en France à cause de l’islam et qui sont totalement en contradiction avec nos principes juridiques et avec notre culture et nos moeurs (et à ne pas confondre avec le divorce ou compagnonnage comme le font les gens de mauvaise foi)
    Résister en faisant du droit romain, quelle bonne idée ! Bravo !… Moi je résiste en faisant observer, quand je peux, à quel point certains concepts musulmans sont contraires à nos modes de pensée.
    Quant à « summum jus, summa injuria », cet adage me rappelle une discussion avec un prof de philosophie politique. Je soutenais que trop d’égalité nuit à la liberté, et donc aussi à l’égalité. Il n’était pas d’accord et me regardait avec suspicion…cet adage me donne raison je crois.

    • Le droit romain, et le droit grec… car les femmes portèrent le voile en Grèce… j’aimerais bien comprendre pourquoi, quelle différence il y a avec l’islam à ce sujet par exemple… ma bibliothèque est pleine d’ouvrages qui m’appellent quand je passe devant et me disent de les lire, mais mes journées ne font que 24 heures 🙁

  2. Bonjour Antiislam,
    merci pour votre commentaire ! Je comprends que l’article ne déchaîne pas les foules. Néanmoins, il est regrettable qu’aujourd’hui, la plupart des juristes se préoccupent de réformettes, alors que la France est en faillite. Bon nombre de nouvelles lois sont dispensables ; les vrais problèmes, personne n’ose s’y frotter.

  3. Bonjour,

    Un grand merci pour cet article très intéressant !

    J’ai toujours eu une passion pour ces mosaïques de Ravenne et … un faible pour Théodora :=)

  4. @maxime,

    Le christianisme n’a pas fixé la loi comme l’a fait l’islam avec la charia. Nous savons tous que la loi est faite pour la majorité et parfois extrêmement injuste pour quelques malheureux. C’est une avancée majeure du droit que de vouloir adapter les lois à chaque cas qui sont tous particuliers. Le coran se veut un corpus juridique rigide et donc par conséquence arbitraire expéditif et obligatoirement inique. Qu’en pensez-vous?

    • Oui, il faut des lois pour améliorer la société et aussi l’adapter aux évolutions technologiques, par exemple. Le droit romain est évidemment inadapté à notre société, il faut l’enrichir et l’épurer de certaines règles inhumaines, mais il pose les bases de techniques utilisées au quotidien.
      Mais aujourd’hui, il y a trop de législation, trop de révision aussi de ce qui existe déjà, des modifications subreptices parfois qui font qu’on se prend la tête pendant des heures pour analyser un bout de phrase.
      On perd le sens de l’essentiel, et si vous lisez le Digeste ou des oeuvres de jurisconsultes romains, vous trouverez toujours des exemples de bon sens, vous percevez l’essentiel dans une législation.
      Et pour le christianisme, c’est aussi à son influence que l’on devrait le caractère sophistiqué et mesuré du droit de l’époque de Justinien.
      Il a surtout influencé le droit à partir du Moyen-Âge, mais alors ce qui demeure de cet héritage, et c’est important, est entré dans notre culture sans s’imposer en tant que tel. L’usure, par exemple, reste prohibée, mais le concept n’a plus de dimension religieuse. D’ailleurs, l’usure à l’égard des professionnels n’est en principe plus sanctionnée.
      Autre exemple : le mariage, qui a d’ailleurs raté sa laïcisation et qui aurait sans doute mieux fait de rester une institution religieuse, même si le mariage existait aussi en droit romain par exemple… je ne sais pas comment les Romains auraient réagi face au « mariage pour tous »! c’est sans doute anachronique!
      Quant au caractère « attardé » de la charia, je le perçois au travers de tous les moyens détournés qui existent pour éviter hypocritement les interdits de l’islam. Vous trouvez l’interdiction de l’usure, en gros, avec la même justification que dans l’ancien droit français, et aussi avec des moyens de rémunérer quand même ce qui aura la fonction économique d’un prêt.
      Notre droit garde des racines chrétiennes en plus des racines romaines et dans une moindre mesure grecques, mais la justification des règles changent avec la sécularisation du droit. C’est sans doute le plus important car c’est ce qui fait que notre droit est laïque. Le mariage civil n’est pas le mariage religieux. La prohibition de l’usure peut être vue comme un moyen de contrebalancer le pouvoir des banques. Il ne s’agit plus de dire que le temps appartient à Dieu, ce qui constituait la justification de la prohibition de l’usure.
      Les traits fondamentaux de la législation, de l’art de légiférer ont changé depuis en gros quarante ans. L’européanisation est la principale responsable de la « folie » législative que j’évoque un peu dans l’article. Le droit romain constitue une épure que tout passionné d’histoire ou de littérature peut découvrir à titre de loisir !

      • @maxime
        Merci de m’avoir répondu, votre article est intéressant car un pays existe aussi par ses lois. Je signalais que le droit islamique est basé sur la charia qui est un corpus juridique qu’il est hérétique (pour les musulmans) de vouloir modifier. Ce qui signifie que de facto ce système ne peut être qu’injuste et contre-productif puisqu’il ne tient aucun compte des cas particuliers.
        La laïcisation du droit français provient du christianisme car Jésus a séparé intentionnellement le religieux du séculier. Il a ainsi anticipé l’évolution obligatoire de toutes sociétés a tous les niveaux : droit, science …
        J’ai pensé, de part vos propos, qu’une sophistication « exagérée » du droit peut être à l’origine du laxisme que l’on constate actuellement. À l’inverse un système juridique primaire et radical est source d’abus de pouvoir et de condamnations aussi aléatoires que d’une sévérité sans appel.
        Cordialement.

  5. Il y a une petite erreur sur la version publiée… ce n’est pas grave ; j’avais apporté quelques modifications, effaçant des éléments trop nombrilistes pour être publiés et modifiant des analyses qu’on peut critiquer… notamment parce qu’il est fort difficile d’adopter un enfant français, donc j’avais modifié cette formule entre autres. J’apporterais des précisions si nécessaire à partir de l’autre document rédigé.
    Bonne semaine aux patriotes, avec la bonne nouvelle que l’on sait depuis hier soir !

    • Désolée Maxime je n’ai pas dû voir qu’ily avait une autre version ???

Comments are closed.