Hanoukka à Marrakech… c’est d’abord un hésitant début d’hiver qui asperge d’une pluie fraîche nos ruelles étroites du Mellah… c’est des écoliers emmitouflés dans leurs larges écharpes en laine bariolée, tricotées amoureusement par leurs mamans, qui pressaient le pas vers l’école… c’est aussi pour les plus chanceux des bottes en cuir qui protègent leurs petits pieds… mais c’est surtout les beignets croustillants enfilés dans une lanière de feuille de palme que nos parents allaient acheter chez l’Arabe du coin à six heures du matin…
Je le revois encore avec sa panse qui s’étalait sur ses jambes et son visage joufflu et imberbe. Je revois surtout ses doigts épais qui crevaient la pâte en son milieu avant de la jeter d’un geste théâtrale dans son immense poêle à frire débordant d’huile bouillante. Dieu seul sait combien de fois il l’avait chauffée et réchauffée puisqu’elle sentait fort le surchauffé…
Pour moi, c’était surtout le couchant doré qui baignait les murs féodaux de notre école primaire de l’Alliance israélite Jacques Biggart de Marrakech. On nous y réunissait tous à toute occasion, filles et garçons, sous la coupole de l’énorme salle à manger de l’école pour nous distribuer des sachets pleins de fruits secs et de menus cadeaux. Nous n’étions alors qu’un petit troupeau de moutons assis sur des bancs en bois, alignés en rangées sur tout l’espace de cette salle à manger scolaire.
Vigilants et affectueux, nos maîtres et maîtresses nous encerclaient et notre directrice d’école se démenait comme dix pour vérifier qu’aucun élève ne manque à l’appel.
Nous y chantions de vive voix les chants de Hanoukka, après avoir entendu religieusement le conte merveilleux de l’huile sainte du temple de Jérusalem qui avait duré huit jours, alors que logiquement elle suffisait à peine pour un jour. Puis, une fillette et un garçonnet choisis parmi nous, allumaient les bougies d’une Hanoukka géante installée au préalable sur la grande estrade.
Il faut bien sûr préciser que cette salle à manger servait aussi de salle de théâtre, de lieu de réunion de l’équipe enseignante, et de salle de cinéma quand par grand bonheur, on nous offrait sur l’écran improvisé un film noir et blanc de Charlie Chaplin ou de Laurel et Hardi…
À Hanoukka, nous y acclamions à tue-tête jusqu’à nous égosiller les chants des maccabéens en scandant certains mots, certaines phrases… et je crois que c’était le moment le plus émouvant de la soirée. Nous étions là réunis, tous ensemble, riches et pauvres, grands et petits, religieux et laïques, pour chanter la gloire des maccabéens qui estompait nos appréhensions et instillait en nous l’espoir de voir un jour Jérusalem, de voir la nation juive enfin réunie sous les mêmes cieux….
Au retour chez nous, j’aidais grand-mère à préparer les mèches de laine qu’elle trempait dans de l’huile d’olive vierge avant de les placer méticuleusement dans sa grande hanoukka en cuivre bien astiquée, qu’elle conservait en relief sur un rayon de l’armoire vitrée de la salle à manger durant tous les jours de la semaine. À Hanoukka, elle la positionnait devant la grande fenêtre donnant sur la rue.
Mais tout cela c’était hier, passé lumineux que nous essayons tous de faire revivre à travers nos souvenirs. Je n’ignore pas que la force du présent et du quotidien éclipsera infailliblement ces instants sublimes que beaucoup d’entre nous refusent de voir s’éloigner de nous.
Mon petit fils Ilay et ma petite fille Yarden tournent sur eux-mêmes comme des toupilles lorsque je leur fredonne nostalgiquement « Sevivon sove, sove, sove… », en tenant leurs deux petites menottes sur leurs têtes pour ressembler à une toupille… c’est tendre, c’est beau et ces deux petits chenapans réussissent par leur jeu innocent à réveiller les spirales de notre passé lumineux que nous tous cherchons tant à leur offrir en héritage.
Profitons donc de ces moments uniques tant que nous pouvons nous tenir debout et tant que notre mémoire réussit encore à puiser d’elle-même ces bribes de souvenirs qui composaient notre inoubliable passé.
JOYEUX HANUKKAH
Thérèse Zrihen-Dvir
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Que j’aime votre récit tendre et nostalgique de votre fête. De confession différente (chrétienne) quoique judéo-chrétienne, j’y suis, forcément, sensible…
Courage Madame!
Bonjour,
Merci pour ces magnifiques souvenirs, Thérèse.
mizmor chir hanoukate habaite….
merci Therèse,la notre est de ces anciennes du 19 eme siècle coulées dans le sable, a godets et chamach remplissable d huile
mèche découpable
remplaçée de nos jours par des hanouka plates triangulaires a godets de verres dejà remplis d huile
plus pratiques, mais moins evocatrices
quand a allumer a la fenetre, fait trop froid
jolie manière de préparer le solstice d hiver
« mais c’est surtout les beignets croustillants enfilés dans une lanière de feuille de palme que nos parents allaient acheter chez l’Arabe du coin à six heures du matin…«
Ah les « sphinge « de ma jeunesse. J’avais de la chance : le fiancé de ma bonne Pakita tenait une petite échoppe près des remparts du jardin des Oudayas et j’avais toujours droit à une lanière entière.
La fête des chandelles. Merci Thérèse, prenez soin de vous, que l’Éternel vous protège. Merci pour votre article.
Merci à vous mon cher ami. Je prends bien soin de moi dans mon abri…
Bien à vous
Thérèse