Ce fut la mort du roi Mohamed V, le premier roi qui régna sur le Maroc après l’indépendance, de 1955 à 1961.
Sa mort fut une révélation pour moi.
Il mourut des suites d’une opération chirurgicale tout à fait bénigne du nez. Il aurait sniffé quelque chose de travers.
Ou quelqu’un avait dû lui faire sniffer quelque chose de très dur.
Bref, il trépassa sur le billard.
Le Maroc n’en revenait pas. C’était un roi aimé. Du moins par ceux qui l’aimaient.
Le jour des funérailles, une rumeur circulait dans tout notre village laissant entendre que le roi défunt allait apparaître le lendemain sur la lune. Le lendemain soir, les habitants étaient tous dans la rue, le regard levé vers le ciel, très limpide cette nuit-là. La lune brillait de tout son éclat.
– Je le vois. C’est lui, Mohammed V, dit quelqu’un.
– Regardez, il a toujours son tarbouche (couvre-chef) et il sourit, dit un deuxième.
– C’est qu’il est au paradis, ajouta un troisième. Puisse Dieu y mener tous les musulmans.
– Lui, il n’est pas seulement au paradis, il est avec les prophètes, renchérit un autre.
(Ceci est véridique. Je l’ai vécu).
Un peu partout, ceux qui voyaient venaient au secours de ceux qui n’arrivaient pas à voir en les aidant, avec le bras tendu, l’index pointant la lune. Et ainsi, tous arrivaient à distinguer la parfaite silhouette du roi dans cette lune radieuse. La satisfaction était générale. Tout le monde voyait le défunt sultan qui, de l’au-delà, adressait un sourire bienveillant aux habitants de notre village.
Je n’arrivais pas à distinguer la silhouette du roi, mais je devais me taire. Il y avait bien des formes sombres qui apparaissaient sur la lune, mais ce n’était pas le roi.
Cette rumeur de l’apparition de Mohammed V sur la lune, j’allais l’apprendre plus tard, avait circulé dans tout le pays et tout le peuple marocain avait vu son regretté souverain sur le disque de l’astre des amoureux qui ne brillait, cette nuit-là, que pour le Royaume.
L’a-t-on vu aussi au Japon, aux Antilles et ailleurs ? On s’en doute. La lune ne brillait cette nuit-là que pour le Maroc.
Le lendemain, nous recevions à la maison des gens de la campagne. Des berbérophones analphabètes. Ils avaient apporté un journal qui relatait la mort du sultan et on m’appela pour le leur lire. J’étais le seul à pouvoir lire et c’était la première fois que je tenais un journal entre les mains. Comme l’article à lire s’étalait sur trois longues colonnes, je demandais comment il fallait lire, en descendant les colonnes ou en parcourant en ligne droite sans tenir compte des espaces blancs entre les colonnes.
- Ce n’est pas grave, lis seulement ! me dit-on.
Et je lis. En ligne droite. Sautant d’une colonne à une autre. Les auditeurs approuvaient de la tête et répétaient en chœur après moi chaque fois que je prononçais un terme compréhensible et qui semblait très important : opération, nez, médecin…
En arrivant à la fin de l’article, je me rendis compte qu’il fallait plutôt lire par colonnes. Je le fis savoir à mes auditeurs et leur proposais de le relire.
- Ce n’est pas la peine, me rassura-t-on. C’était très bien.
Je leur rendis le journal et je sortis, les laissant commenter librement le contenu de l’article.
Depuis, je savais que je ne pouvais faire qu’un métier de cette grandeur. Faire apparaître des rois défunts sur la lune. J’appris plus tard que cela s’appelait journalisme.
Et je fus journaliste. J’ai étudié le journalisme en URSS et j’ai été correspondant de l’Agence Maghreb Arabe Presse (MAP − agence officielle de presse marocaine) à Bruxelles et au Moyen-Orient. J’ai notamment couvert les évènements qui ont marqué la fin du 20e siècle et le début du 21e au Moyen-Orient : le retour de Yasser Arafat à Gaza en 1994, le décès du roi Hussein de Jordanie en février 1999 et le décès du président Assad de Syrie en juin 2000.
J’ai accompli beaucoup de missions en Europe, en Afrique et en Asie et puis, un jour, je me suis senti fatigué. Il fallait que j’arrête.
Je vis actuellement retiré dans le nord de la Thaïlande.
Avec un énorme sentiment d’amertume.
Je ne suis pas arrivé à réaliser mon rêve.
J’ai bien fait paraître des personnages sur les pages de journaux, mais pas sur la lune.
Il n’y a que le palais royal marocain pour accomplir de tels prodiges.
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J’y étais, j’avais 17 ans, je m’en souviens parfaitement… mais je n’ai pas vu MoFive dans la lune !
Ce fut un moment de sidération, l’apparition de la Vierge Marie à Fatima était de la gnogniotte à côté, pensez, MoFive dans la lune avec son tarbouche et tout…
MoFive, c’est ainsi que les Américains l’appelaient en raccourci.
Une opération bénigne, dont l’intervention du fils (du Glaoui) ne fut pas exclue.
Cela faisait 6 ans à peine que MoFive était revenu de chez Madame Gascar où les Français l’avaient mis de côté.
La presse Mas (Le Petit Marocain, La Vigie) à l’époque avait titré : « Parmi ses négresses, Mohammed 5 carresse les plus noirs desseins. »
Depuis sa mort, la lune, fidèle à sa mission, fixe chaque année le 1er jour du ramadan.
Ainsi va le monde.
Cela étant dit nous avons quand même attendu longtemps avant d’être indemnisés après l’indépendance de 1956.
La famille de ma grand-mère vivait à Meknès, non loin de là où demeurait un voisin connu de la réinfosphère un certain Bernard Lugan, c’était une famille de « méchants colonialistes » qui avaient pourtant leurs entrées au Palais et des rapports cordiaux avec Mohamed V.
Un roi qui n’avait jamais craché sur la France du protectorat.
@ Sarisse – C’est exact, Mo V était un homme modéré, sans grande envergure mais pas hostile à la France (malgré sa déportation). Ce sont nos résidents généraux (Juin, Guillaume) qui ont « perdu » le Maroc par leur intransigeance militaire.
Une question Messin : un étudiant marocain qui étudiait en ex-URSS devait-il apprendre le russe ?
Très drôle, je ne sais pas si c’est vrai mais ça y ressemble, je vois bien les blédards regarder la lune et s’influencer mutuellement.
Mais toi, le petit gosse qui ne voyait rien, tu as su intuitivement, qu’il fallait tenir ta langue.
Messin, connais tu ce Marocain, said lemlih
je le visite régulièrement
http://infooriginal.blogspot.com/
Bonjour Machinchose. je viens de visiter le site en question. Dis donc c’est un solide le gars…
Le roi Mohamed 5 le père d’Hassan 2 et le grand père de Mohamed 6 était un sacré roi pour le Maroc mais c’était une source d’inspiration pour Mr Messin Isa pour son métier de journaliste !
Moi, je vois l’ankou dans la lune. C’est grâce à lui que je suis devenu druide et guérisseur. Je possède les sept pouvoirs. Bon, salut les amis, je retourne préparer ma potion magique. Kenavo. La paix soit avec toi, mon fils. Et vive la Bretagne libre et indépendante, indépendante de la Macronie. Erwan Brach’Morlech.
« Il n’y a que le palais marocain pour accomplir de tel prodiges » pas tout à fait, il y a aussi les américains qui ont fait apparaître un drapeau et bientôt les français qui a force de coup de pied ou je pense finiront par faire apparaître macron et ses sbires sur l’astre de la nuit. Hecate n’a qu’a bien se tenir!😅😅😅
Bonjour,
:=)
Merci pour ces souvenirs …