Ecole : cravache ou stylo ? Quand l’école évolue, les parents abusent…

Quelle différence y a-t-il entre…
-le directeur d’une école primaire qui donne un coup de cravache à un élève de 7 ans des plus sages mais dont une jambe dépassait de la file d’attente : aucune réaction des parents qui ont estimé que l’enfant devait bien se tenir.
-l’institutrice de Graulhet (Tarn) qui lance un stylo sur un bureau pour montrer à l’élève turbulent qu’il n’avait « pas donné » mais « jeté » son stylo à son copain : le capuchon ayant rebondi et touché les lunettes de l’élève, les parents portent plainte contraignant l’institutrice à voir son ADN désormais… fiché !

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Oui, quelle différence y-a-t-il entre les deux « violences à enfant » -la première grave mais sans suite, la seconde des plus anecdotiques mais aux conséquences importantes pour l’enseignante- ?

La différence est tout simplement dans le fait que ces deux incidents se sont déroulés à des époques très éloignées ! Presque un siècle ! Il s’est passé entre ces deux faits, 70 ans, oui 70 ans d’écart :
-le premier s‘est déroulé en 1953, j’avais… oui, « je » parce que l’élève « sage » mais ayant laissé sa cuisse dépasser de la rangée, c’était… moi ! Et cela remonte à 1953, en… Algérie ! Et plus précisément dans la ville de Boufarik (1 : voir ENCADRÉ), à 35 km au sud d’Alger.

Ce jour-là, je ne portais que des “cuissettes”, le temps étant à la canicule,  comme souvent à l’époque, c’était un temps béni puisque aucun écolo ne venait nous seriner avec des « il fait trop chaud », comme de nos jours,  (alors que souvent on se les gèle et pas que les pieds !), « y a plus du tout d’eau » (mais il y en a rarement eu autant ! Voir les malheureux sinistrés suite à des inondations catastrophiques !).  Je ne portais donc que des cuissettes que, de nos jours, on appelle short. Lui tournant le dos, je n’avais pas vu venir le Directeur, un malabar en grand tablier gris et en permanence porteur d’une épaisse cravache en cuir d’environ 5 cm de large sur 30 cm de long ! Il parcourait la cour en faisant claquer sa cravache sur sa paume gauche. Et, en apprenant le coup qu’il m’avait donné sur la cuisse, que firent mes parents en apprenant cette « brutalité » m’ayant longtemps laissé une marque de 5 cm de large sur ma pauvre cuisse gauche ? Ils l’ont approuvée, non cette « brutalité » mais ce que des juges appellent, de nos jours, un « simple rappel à l’ordre »: je n’avais qu’à faire comme tous les autres élèves et rester bien dans la file. Sont-ils allés porter plainte ? « Porter plainte » ? Mais cela n’a même pas dû leur effleurer l’esprit. Ni même d’aller « engueuler » ce Directeur. Je ne sais pas s’ils ne l’ont pas remercié lorsque, par la suite, ils l’ont rencontré… 
Mais, aurait fait remarquer la vedette de l’époque, la pédiatre Françoise Dolto, « et l’enfant, quelles ont été les conséquences sur son ressenti ? Combien de temps a-t-il gardé en lui son ressentiment voire sa haine envers ce bourreau de Directeur? », j’aurais pu lui répondre : « Rien ! Absolument aucun traumatisme ! Ah non, vous avez raison, Docteur, il m’est resté un souvenir ! Et Ô un souvenir des plus résilients ! » En effet, à chaque fois que je me remémore ce fait remontant, là, à 70 ans, je me revois (expression curieuse : comme si on pouvait se revoir !), comme une photo donc « un souvenir arrêté » : debout, de dos, une cravache frappant ma cuisse gauche ! Et que déclenche en moi cette « cruauté » ? Comme en cette seconde : me vient aux lèvres un sourire ! Et l’agréable temps de ma prime enfance ! Le merveilleux temps des colonies de scoutisme !


Imaginez, de nos jours, le Directeur d’une école primaire se promenant dans son école avec à la main, pour punir les élèves désobéissants, ne serait-ce qu’un stylo ! Euh, bon, l’exemple n’est peut-être pas le plus judicieux avec ce qui s’est passé dans une classe de primaire de Graulhet, dans le Tarn ! 
Comme l’explique la Charente Libre :
« Alors que les élèves se lançaient des gommes dans la classe, l’enseignante a haussé le ton, tous les enfants ont cessé, « sauf un, qui a rétorqué : « Je n’ai pas jeté, j’ai donné ». Elle lui a alors montré, geste à l’appui : « Donner, c’est comme ça, jeter, c’est comme ça », et le stylo a rebondi sur la table et atterri sur les lunettes de l’enfant », selon le FSU-SNUipp. »
Et cette malheureuse institutrice qui ne voulait même pas punir et encore moins violenter un élève turbulent, a dû, pour la première fois de sa vie, se faire prélever son ADN parce que ses parents ont porté plainte contre elle !!! À cause d’un capuchon de stylo de quelques grammes qui a touché les lunettes de leur gamin !!! On croit rêver… Et moi peut-être un peu plus qu’un autre vu la « cruauté » que j’ai subie à 5 ans, « cruauté » qui « hante » encore mon cerveau nuit et jour ! Du moins les nuits ou les jours où je veux me faire plaisir en me remémorant un agréable souvenir d’enfance !

Et là, à Graulhet, c’est l’inverse, des parents vont créer chez cet enfant un traumatisme en transformant dans sa case « souvenirs d’enfance », un fait anodin en traumatisme ! En effet, son affaire bénigne va prendre une importance en se transformant en un dossier judiciaire étiqueté du genre : 
«(nom… prénom… date de naissance… de l’enfant) 
Objet : Capuchon de stylo ayant touché les lunettes de l’écolier. Blessure : aucune » !
Et cette prétendue « affaire », avec la célérité de notre justice, va le poursuivre non seulement jusqu’à ce que l’enfant entre au collège mais aussi , avec les appels, très certainement jusqu’au lycée ! Peut-être qu’il n’en sera débarrassé que lorsqu’il sera en fac ! Et cet enfant ainsi, « grâce » à ses parents, va traîner cette ridicule « affaire » des années !

Mais qui sont ces parents ?Nombreux doivent aimer savoir qui ils sont. Ne serait-ce pas eux qu’il faudrait poursuivre pour « mauvais traitement à enfant par parents en ayant la charge » ?
Pour simplement avoir voulu montrer à un élève qu’il n’avait pas simplement « passé son stylo » à son copain mais qu’il le lui avait « lancé » pour lui faire mal, cette institutrice a simplement pris le stylo et l’a lancé peut-être un peu vivement sur le bureau de l’élève. Mais…
-et il convient de le préciser vu la suite de ce jet : malheureusement pour cette institutrice !- en heurtant le bureau, le capuchon (donc même pas le stylo, lui, beaucoup plus, que dis-je, énormément plus, non, monstrueusement plus gros que le capuchon !)
.  Oui, le minuscule capuchon s’est détaché du stylo et est allé toucher les lunettes du gamin. Heureusement, sans même égratigner ni même effleurer ou toucher le gamin. Donc une broutille ! Mais voilà, cette broutille, parce que les parents de cet enfant sont comme (certains) parents « XXIe siècle » modèle années 2000 et non comme la plupart des parents « Douce France » modèle années 1950-1999 -tels que le furent mes parents- est un DELIRE !
Les parents de ce lanceur incorrigible 
-qui vont, dit-on, créer l’association de Défense des Élèves Lanceurs Invétérés Renouvelant leur Ego ! Oui, l’association DÉLIRE !-
 se sont précipités au commissariat du coin pour porter plainte contre la malheureuse institutrice ! Quel scandale ! Ok, mais là je peux me permettre de crier au scandale contre ces parents car moi, je suis de la vieille école !!! En outre, je peux porter témoignage que mes parents n’ont même pas pensé à porter plainte…

Heureusement d’ailleurs, parce que ce dossier ouvert à Boufarik aurait peut-être traîné jusqu’à Paris puisque, à 16 ans, j’ai quitté l’Algérie, le 18 juin 1962.



(1) ENCADRÉ : 
BOUFARIK et sa « bouteille d’Orangina » à peine plus jeune que moi…
Mon « coup de cravache », c’était en 1953, un an avant le début des actes terroristes du FLN, dans la cour de l’école primaire Pagès -du nom d’un enseignant exemplaire qui fonda, dans cette école, là aussi… 70 ans auparavant, en 1884, l’une des premières « bibliothèques populaires des écoles », dans Boufarik à 35 km au sud d’Alger. 
Ce fut l’une des communes entièrement créées par les Français après de difficiles travaux d’assèchement d’une région envahie par les marécages. 
Spécificité architecturale : c’est l’une des premières et rares communes d’Algérie aux rues tracées toutes à angles droits !
Et dernier petit… « souvenir, souvenir » des plus nostalgiques faisant de Boufarik la ville-berceau d’une célébrité mondiale… À savoir la « bouteille Orangina » : elle est née dans cette ville de mon enfance « Boufarik, capitale de l’orange » ! En effet, elle était entourée d’orangeraies plantées par les Français. 
Et cette bouteille « qu’on secoue » est l’oeuvre de Léon Béton, natif de Boufarik. Née aussi en Algérie, la clémentine qui doit son nom au directeur de l’orphelinat de Misserghine (Oran), le père… Clément, qui l’a créée en croisant des mandarines et des oranges : leurs « enfants » étaient des hybrides nés par greffage, d’où la quasi absence de pépins. 
Quant à la « bouteille Orangina », elle est née à 50 mètres à peine en face de mon domicile, celui de l’époque de « mon coup de cravache sur la cuisse » ! Et ce « coup » reçu peu après n’a pas effacé mon souvenir de l’annonce de la naissance en 1951 de « la bouteille que l’on secoue » alors que je n’avais que 5 ans ! Depuis, de temps à autre, je secoue ma « jeune » copine d’enfance… Non sans une nostalgie des plus émouvantes tant ce souvenir m secoue ! Et peut-être plus maintenant qu’à l’époque…

JACQUES MARTINEZ, journaliste, 
ancien de RTL (1967-2001), l’AFP, le FIGARO, le PARISIEN…

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5 Commentaires

  1. je me souviens qu’avec le brevet des jeunes partaient enseigner en Algérie département français. autre sujet aujourd’hui 13 établissements scolaires évacués en gironde et une trentaine dans l’académie de Bordeaux pour alerte à la bombe ; quid des infos officielles ?

    • Merci pour l’info.
      Ils ont gardé le silence sur toutes les Chaines.
      Faut pas donner de l’eau au moulin de l’extrême droite .

  2. Comment les flics ont-ils pu accepter ce genre de plainte ridicule ?
    N’y a-t-il pas des affaires plus urgentes et plus importantes, comme vérifier si la racaille est porteuse de lames de 25 cm ?
    Aller agresser une instite sur son lieu de travail ? Quelle connerie bien digne de ces flics d’aujourd’hui.

  3. Sympathiques souvenirs… J’avais à la même époque deux cousins pas très loin, à Blida, aux souvenirs scolaires semblables aux vôtres.

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