Tempêtes : le calvaire pour joindre Enedis…

Ah… la France… ou ce qu’ils en ont fait !

Ainsi donc il n’existe qu’un gestionnaire public du réseau électrique, insuffisamment enfoui (seulement 40% du territoire : https://resistancerepublicaine.com/2021/01/31/la-france-un-pays-riche-seulement-40-du-reseau-electrique-enfoui-bonjour-les-pannes/).

Normal, c’est le service public, les besoins élémentaires du citoyen et l’on devrait être en droit d’attendre de lui les caractéristiques administratives du service public, notamment la continuité.

La privation du réseau électrique, à notre époque, est une catastrophe. Nous sommes pris dans un système social où l’on part du principe qu’il est normal d’avoir l’électricité. Sans électricité, on n’est plus rien, on n’est même plus un citoyen car on ne peut plus faire de démarches. Il n’existe plus d’agence où l’on pourrait se rendre à pied, en voiture, en transport en commun. Tout passe par le téléphone ou internet.

Je me trouvais donc un de ces jours de vent et de pluie dans une situation délicate : coupure totale d’électricité à 18 heures.

Après une journée de travail déjà fatigante, le film d’horreur commence. Les aliments ne sont plus au frais, le congélateur commence petit à petit à dégeler… la température du logement baisse peu à peu, le froid humide entrant d’autant plus facilement qu’il est porté par le vent. Plus de chaudière, plus de chauffe-eau, la douche froide en perspective…

Pas une lumière dans la maison, pas un repère lumineux comme ces différents voyants de télévision, box internet, thermostat, réveil ou téléphone qui peuvent donner des repères quand on a éteint la lumière. Non, le noir le plus complet, le plus effrayant.

Je parviens tant bien que mal à sortir dans la rue et me rends compte que je suis le seul concerné. Panique à bord. J’aurais presque aimé que les voisins soient dans la même galère, histoire de s’entraider, et même de se révolter ensemble.

J’essaie péniblement, à la lumière de mon téléphone portable, de trouver sur mon compteur un moyen de m’en sortir. Rien à faire. Tous les voyants sont bons. Cela ne vient pas de mon installation.

Alors que faire ? Je me résous à appeler Enedis en pensant naïvement qu’en tant que citoyen français, je bénéficierais d’une aide…

Il faut composer un numéro en 09… avec le code du département en derniers chiffres. Je m’attends donc à avoir un interlocuteur situé dans mon département ou ne prenant en charge que les demandes de mon département. Mes doigts tremblent sur le téléphone portable et je dois m’y reprendre à plusieurs reprises pour arriver à composer le bon numéro.

Il me faut alors taper 1, taper 2, taper 1… cela n’en finit pas. On m’indique que je dois me connecter à Internet pour faire des vérifications préalables à tout secours. Merveilleuse idée, sauf que par hypothèse, mon logement est sans électricité et je n’ai que mon téléphone portable bénéficiant lui-même de la charge qu’il lui restait par hasard puisque je n’avais pas programmé la coupure. Par chance, j’avais rechargé récemment, car le temps d’attente annoncé pour avoir un interlocuteur était… 18 minutes.

Il faut rentrer à nouveau le code postal de sa commune. C’était bien la peine de composer un numéro de téléphone avec le numéro du département.

« Tous nos conseillers sont occupés, veuillez patienter, nous allons prendre en charge votre appel ».

J’ai entendu cette phrase une centaine de fois au cours de cette soirée. Hélas, je n’aurai pas à attendre les 18 minutes annoncées puisqu’au bout d’un certain temps, cela raccroche.

Dépité, je n’ose appeler les pompiers. Je le fis pourtant, prétextant que ma situation peut faire craindre un incendie puisqu’il y a vraisemblablement un problème électrique dans le raccordement du logement. Les pompiers – que je respecte parfaitement – répondent certes illico presto, mais déclinent leur compétence et me renvoient vers Enedis…

Et c’est le début d’une longue nuit d’angoisse et d’impossibilité de joindre quiconque pour venir me secourir. Heureusement l’invasion de moustiques tigres m’avait conduit à acheter des bougies à la citronnelle qui me permettront, à défaut d’avoir réussi à chasser les satanés insectes durant l’été, de m’éclairer quand la bise fut venue.

Cela empeste la citronnelle mais au moins, j’y vois un peu mieux. Bref, personne au numéro de dépannage urgent censé fonctionner 24 heures sur 24.

Je reçois un SMS disant en gros : « nous espérons que nous avons pu contribuer à résoudre votre problème. Merci de votre confiance« .

Désarroi le plus total… comment auraient-ils pu m’aider alors que je n’ai eu aucune information, aucun interlocuteur ? Kafkaïen.

Passe la nuit d’angoisse. Je m’imagine à la rue, perdant mon boulot faute de pouvoir trouver à me loger, à avoir une maison dont je ne peux me servir l’hiver, ou à devoir cumuler un crédit et un loyer le temps qu’une intervention finisse par se faire… Je songe encore à contacter dès le lendemain un avocat pour assigner Enedis en référé afin que les travaux de rétablissement de la ligne soient faits… Sans doute des sottises issues d’un esprit angoissé, mais l’expérience du « black out » est traumatisante. On se croit enterré vivant.

Puisque le numéro réservé aux usagers ordinaires, lui, est toujours saturé.

Et là, miracle, en 2 minutes, on me répond. Certes il fallait connaître certaines données propres à ma commune de résidence, mais ayant une bonne culture administrative je les connaissais et je passe donc par un chemin de traverse en empruntant le numéro réservé aux collectivités publiques.

Par chance, on ne me demande pas de justifier de mon identité, de mon appartenance à un service administratif communal, départemental ou régional… Je me contente de signaler que tel logement situé à tel endroit est privé d’électricité.

Et là, ouf, un interlocuteur de qualité me donne toutes les clés en main pour me sortir du pétrin.

Moralité, il m’a fallu biaiser pour arriver à m’en sortir avec finalement l’impression d’avoir un peu triché par rapport à tous ces gens qui ont dû se trouver en difficulté sans personne à qui demander de l’aide.

Et c’est donc ce pays qui fait des largesses à travers le monde, alors qu’il n’est même plus capable d’apporter à ses ressortissants la protection qu’ils sont en droit d’en attendre ?

Quelle prodigalité, de se faire passer pour riche alors qu’on vit à crédit et que dès que la situation se complique, on ressent un profond sentiment de misère.

Citoyen français, réveille-toi !

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