Le coût de l’immigration, régulière et irrégulière, en question

La Cour des Comtes a publié, en retard, un rapport sur l’immigration irrégulière qui aurait pourtant pu alimenter le débat autour de la loi immigration. Il n’en a rien été, les priorités de M. Moscovici n’étant sans doute pas celles des Français en la matière. Pour évoquer ce rapport (consultable ici), nous avons interviewé l’un des spécialistes français de la question du coût de l’immigration, Jean-Paul Gourévitch.

Breizh-info.com : Tout d’abord, comment percevez-vous le fait que ce rapport sorte après le vote de la loi immigration ?

Jean-Paul Gourévitch : De fait le rapport de la Cour des comptes sur la lutte contre l’immigration irrégulière, délibéré en séance les 26 et 27 octobre 2023, et examiné le 7 novembre par le Comité du rapport public et des programmes sous la présidence de Pierre Moscovici n’a été publié que le 4 janvier 2024. Le Président a justifié ce retard par le fait qu’il ne voulait pas « interférer » dans le débat parlementaire sur la loi immigration. S’agit-il d’une interprétation extrême de l’article L 120-3 du Code des juridictions financières qui précise que «  tout magistrat de la Cour des comptes…prête serment de garder le secret des délibérations et de se comporter en tout comme un digne et loyal magistrat », d’une rétention volontaire d’information pour des motifs politiques, ou d’une bonne manière faite à la Macronie largement étrillée dans le rapport qui n’aurait ainsi pas à être accusée dans une séance parlementaire d’imprévoyance et d’impuissance.
Je considère qu’il y a toujours intérêt à communiquer les informations dont on dispose pour vivifier le débat et ne pas le faire dériver vers des invectives, ses émotions surjouées et des chiffres non sourcés sur un sujet clivant et qui, comme le montrent les sondages, constitue une préoccupation majeure des Français.

Breizh-info.com : Que vous inspire ce rapport dans le détail ? Quid de la comparaison avec vos chiffres ?

Jean-Paul Gourévitch : Ce rapport qui comporte 141 pages est un document de référence qui s’appuie sur des enquêtes faites auprès des deux administrations principalement concernées, la DGEF (Direction Générale des Etrangers en France) et la DNPF (Direction Nationale de la Police aux Frontières). Il a été élaboré à partir de déplacements dans 6 départements de la France et de l’Outre-mer, de la visite de 5 CRA (Centres de Rétention administrative), de 3 zones aéroportuaires, de 4 zones frontalières, de consultation de 5 systèmes d’informations statistiques, d’entretiens avec des organismes institutionnels, des acteurs de terrain, des chercheurs et des responsables associatifs, des comparaisons avec les dispositifs de lutte contre l’immigration irrégulière dans 4 pays : l’Allemagne, l’Autriche, la Croatie, l’Espagne. C’est dire l’importance des constats formulés et des suggestions de remédiation.

Les chiffres évoqués dans le rapport ne sont pas contradictoires avec ceux de notre étude d’autant plus qu’ils sont parfois issus des mêmes sources. En revanche ils en diffèrent sur deux points.

Le rapport se refuse à quantifier l’immigration irrégulière, se contentant de renvoyer au dernier chiffre estimé sur les bénéficiaires de l’AME (466 000 personnes fin 2023) tout en notant que cet indicateur est insuffisant pour approcher cette population puisque tous les migrants irréguliers n’y ont pas recours. De fait, selon une étude de l’IRDES (Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé), menée conjointement avec des chercheurs des Universités de Paris Dauphine et de Bordeaux, publiée en juillet -août 2023 mais qui porte sur l’année 2019, seuls 51% des étrangers bénéficiaires de l’AME y auraient recours. Ce qui par péréquation aboutirait à un stock de 914 000 étrangers en situation irrégulière en France à l’époque.

Il nous semble hasardeux de publier une étude sur l’immigration irrégulière sans chercher à la quantifier même si nous savons que ces estimations sont par définition aléatoires et vont de 400 000 à plus d’1,5 million. Nous avons par recoupements d’informations, établi que cette population s’inscrivait dans une fourchette autour de 800 000 personnes (600 000 en métropole + 200 000 en outre-mer).

D’autre part, le rapport estime le coût de la lutte contre l’immigration irrégulière à 1,8 milliards d’euros. Mais les trois paramètres qu’il retient – le coût d’une journée de rétention, le coût d’un éloignement forcé, le nombre de fonctionnaires et de militaires mobilisés – n’intègrent ni le surcoût de l’hébergement d’urgence, ni le coût des déboutés qui restent sur le territoire, ni la procédure d’« étrangers malades », préconisée par des associations de défense de migrants qui constitue un détournement du droit d’asile par des déboutés. Notre estimation aboutit au double de ce chiffre.

Breizh-info.com : Dans vos études, vous mentionnez un coût de 54 milliards d’euros pour l’immigration en France. Pouvez-vous expliquer comment ce chiffre a été calculé et quels facteurs sont pris en compte ? Quelle méthodologie utilisez-vous pour évaluer le coût de l’immigration, et comment assurez-vous l’objectivité de vos recherches ?

Jean-Paul Gourévitch : Cela fait plus de 15 ans que Contribuables Associés publie mes études sur le coût de l’immigration (et sur celui de l’émigration) qui sont régulièrement actualisées. Dans ces monographies qui ne concernent que le coût pour le pays d’accueil et dont nous rappelons toujours qu’elles sont à consommer avec modération, nous comptabilisons les recettes fiscales et sociales dues aux migrations régulières, ainsi que les dépenses sociales et les coûts indirects générés par ces migrants : coûts de structure, régaliens, sociétaux, humanitaires et éducatifs. Nous y ajoutons les surcoûts de l’immigration irrégulière, la rentabilité des investissements de l’Etat, extérieurs pour freiner la pression migratoire dans les pays de départ et intérieurs pour améliorer la situation des immigrés et de leurs descendants, et la contribution des migrants et de leurs enfants au PIB de la nation, domaine souvent passé sous silence.

Ce déficit est nettement supérieur à celui calculé par les économistes « de gauche » qui le situent entre 1,4 et 19 milliards d’euros, légèrement supérieur à celui des institutions comme l’OCDE et des instituts de recherche comme Fondapol qui l’estiment entre 33 et 40 milliards d’euros mais ne prennent pas en compte l’immigration irrégulière. Il est inférieur à celui des économistes « de droite » pour lesquels il s’établit entre 70 et 84 milliards d’euros et très loin des études du groupe Polemia qui constatent en 2019 « un bilan négatif à l’intérieur d’une fourchette comprise ente 256 milliards d’euros dont 193 milliards d’euros pour la population immigrée tiers (c’est-à-dire d’origine non européenne NDLR) et 298 milliards d’euros » (André Posokhow).

Il serait ridicule de ma part de dire que c’est la seule étude objective sur la question. Je respecte mes collègues chercheurs qui arrivent à des résultats très différents à partir du moment où ils explicitent de quelles bases de données ils sont partis, quelle méthode ils ont utilisée et quels résultats ils ont obtenus.

Breizh-info.com : Comment l’immigration, légale et illégale, impacte-t-elle l’économie française de manière générale ? Y a-t-il des bénéfices non quantifiables ?

Jean-Paul Gourévitch : J’ai ajouté cette année un chapitre consacré à ce que Posokhow lui-même appelle « la pénombre de l’immigration », qui concerne des domaines où nous connaissons à peu près les dépenses mais où nous ignorons les recettes qu’elles génèrent ce qui ne permet pas de les intégrer à nos comptes. C’est par exemple le cas des investissements éducatifs, de la politique de la ville ou des dépenses de l’Etat pour les étudiants étrangers. Nous avons pu par exemple calculer le coût annuel pour l’Etat des quelque 380 000 étudiants étrangers en France qui s’établit à environ 4, 6 milliards d’euros y compris les amortissements des locaux et les dépenses d’ enseignements.

Mais parmi ces étudiants certains iront jusqu’au bout de leurs études, resteront en France et leur travail contribuera ainsi au PIB de la nation. Combien sont-ils ? Personne ne le sait. Nous avons plusieurs fois proposé qu’une étude soit menée sur cette question qui est déterminante pour l’orientation de notre politique d’accueil et les finances de l’Etat. Les Ministères concernés (Education, Affaires Etrangères) ont répondu que c’était une très bonne idée… et le dossier a été rangé dans les tiroirs.

Breizh-info.com : Vos travaux ont suscité des critiques médiatiques, notamment sur l’interprétation des chiffres. Comment répondez-vous à ces critiques ?

Jean-Paul Gourévitch : Il y a deux types de critiques. Les unes sont scientifiques et invitent au débat. Je m’y prête volontiers d’autant plus que certaines sont fondées et me permettent d’améliorer d’une étude sur l’autre l’approche des coûts. Malheureusement la plupart sont idéologiques et partent du principe, aujourd’hui dépassé, que toute étude sur l’immigration est automatiquement proche de l’extrême-droite.

J’en avais déjà été victime lors de la sortie en 2014 des Migrations pour les Nuls (First) où suite à une dépêche incendiaire de l’AFP, reprise par 51 journaux de la presse écrite, de l’audiovisuel et du net dont les auteurs n’avaient ni lu l’ouvrage, ni consulté l’auteur ni l’éditeur, j’ai été immédiatement ostracisé par la quasi- totalité des medias qui jusque là m’accueillaient. Le procès que j’ai engagé et qui m’a coûté bien plus que mes droits d’auteur- mais l’honneur n’a pas de prix- a permis de faire passer quelques droits de réponse mais ceux-ci sont publiés avec des mois de retard et le mal est fait.

Cette année, dès la publication dans les medias de l’étude pour Contribuables Associés sur « le coût de l’immigration en 2023 », ma page wikipedia a été décapitée par une militante qui répond au pseudonyme de Chouette Bougonne. En 31 contributions successives postées le même jour, elle a décapité ma page en supprimant d’un clic tous les chapitres concernant mes travaux : littérature de jeunesse, image politique, illustration, Afrique, Méditerranée… Elle n’a gardé que ceux concernant l’immigration qu’elle a transformés en acte d’accusation en enlevant tous les éléments favorables pour ne conserver que les critiques.

Dans un premier temps j’ai joué le jeu de la discussion et ai commencé à répondre point par point à ses observations, mais à chaque fois elle supprimait mon texte, ce qui fait que personne ne pouvait en avoir connaissance. Comme j’ai protesté, elle m’a fait interdire de Wikipedia ainsi que d’autres contributeurs qui trouvaient le ton de cette page contraire à la déontologie de la plate-forme. Depuis, tous ceux qui ont essayé de reconstituer ma page, et qui ont pu rajouter quelques lignes, une fois repérés par Chouette Bougonne, ont été menacés d’interdiction voire carrément exclus de contribution.

Contribuables Associés a demandé à France-Info, qui avait repris cet acte d’accusation à la lettre, un droit de réponse. France Info a refusé. L’association a donc saisi l’ARCOM qui deux mois après, malgré une relance, n’a toujours pas répondu. J’ai de mon côté consulté deux avocats qui m’ont dissuadé de porter plainte en faisant valoir que jamais Wikipedia même sur réquisition du juge n’avait accepté de livrer l’identité de ses contributeurs. J’ai écrit à la direction juridique internationale de la plate-forme qui dans un premier temps avait proposé de déréférencer ma page, ce que j’avais accepté comme un moindre mal, mais ils m’ont renvoyé sur Wikipedia France qui m’a renvoyé sur eux. Sans commentaires.

Breizh-info.com : Comment la situation en France se compare-t-elle à celle d’autres pays européens en termes de coûts et d’impacts de l’immigration ? Quelles politiques publiques recommanderiez-vous pour faire face à cela ? Comment voyez-vous l’évolution du coût de l’immigration en France et en Europe dans les prochaines années ?

Jean-Paul Gourévitch : Il faudrait un ouvrage entier pour répondre à ces questions. Je dis seulement que mon objectif n’est pas de recommander telle ou telle politique migratoire, mais de faire un état des lieux aussi documenté et objectif que possible afin que chacun puisse faire ses choix en pleine connaissance de cause.

Propos recueillis par YV

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8 Commentaires

  1. On apprend que Wikipédia est noyauté par la gauche,, et qu’aucun recours ne peut aboutir.
    Une preuve supplémentaire concernant notre « état de droit » et l’absence de démocratie.
    La gauche coupe la parole à tout ce qui n’est pas elle.

  2. que ce passe t’il aux Canaries bureau d’enregistrement de 10000 arrivants par mois d’après Bercoff à midi, pire qu à Lampedusa

  3. L’immigration coute bien moins cher qu’un enfant née en France, l’immigré est prèt à l’emploi son pays a déjà presque tout payé, pas de garderie, maternel, école, université, congé parental etc je crois que certain ont déjà pensé à un renouvellement 100% par l’immigration, ce serait très rentable pour le gouvernement.

  4. C’est quand même fou qu’ils ne prennent pas cela en considération. Je suis certaine que l’on ne peut même pas en évalué le coût quand on voit celui des prises en charge, en plus ou moins masquées très certainement sur le terrain.

    Sans compter ce qui est distribué à l’Etranger, compte-tenu de la dette de la France et de son état de plus en plus inquiétant cela devrait être interdit. L’argent des Français doit rester en France, elle en a besoin.

  5. Ont-ils aussi ajoutés le coût que représente pour la France la délocalisation de milliers d’ emplois au maghreb .Celui des augmentations incessantes des primes d’assurance pour nos maisons ( cambriolages ), nos véhicules ( brulés , volés ) .Ainsi que le cout de reconstructions , des biens
    et bâtiments publics détruits , et ce tant par ceux issus de la migration légale qu’illégale . Tout cela dois se chiffrer en centaine de million chaque années .

  6.  » La Cour des Comtes  »

    oh! Monique !!! 👿

    il manque un P !!

    comme pet,comme paul,

    une cour des comtes! et pourquoi pas des ducs ou des marquis 👿

  7. En plus de la dénatalité, due principalement à la pression fiscale sur les FDS, qui les empêcherait d’assurer le coût éducatif de leurs familles. L’argent consacré aux migrants aurait pu être utilisé pour des crèches, augmenter les prestations familiales, etc. Quantifier les populations d’immigrés irréguliers, une belle utopie ou une malhonnêteté, les clandestins sont par définition non recensables. Ils sont sûrement beaucoup plus nombreux qu’annoncés. Cet État macronien pue la traitrise, la magouille. Moscovisqueux en est la preuve vivante.

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