Nous sommes heureux de retrouver dans nos colonnes Tarek Heggy, romancier et lanceur d’alerte égyptien proche de Poutine, dont nous avons déjà publié de subtiles et lucides analyses sur les rapports entre l’Occident et l’immigration et notamment une interview exclusive pour RR.
Il nous avait aussi communiqué son analyse de la situation ukrainienne à la Radio du Caire l’année dernière.
Christine Tasin
Réflexions au sujet du paysage arabe contemporain
- Alors que nous connaissons l’histoire des sociétés arabophones du Moyen Orient ;
- alors que nous savons que l’esprit collectif de ces communautés est loin de tenir la religion pour une affaire personnelle mais plutôt comme un référentiel à toutes les questions ;
- alors que nous avons pu suivre le fil des événements survenus au cours de la dernière décennie dans les sociétés syrienne, irakienne, libanaise, yéménite et libyenne ;
- alors que nous avons pu voir le recul subi par la société tunisienne après qu’elle avait été conduite au seuil de la modernité grâce à un dirigeant de la stature de Bourguiba ;
- alors que nous sommes témoins des actions menées par le mouvement Hamas, le bras armé des Frères Musulmans à Gaza depuis qu’il a remporté les élections qui l’ont fait accéder au pouvoir dans les territoires de l’Autorité palestinienne ;
- alors que nous sommes capables de comprendre le phénomène du printemps arabe et pourquoi ses événements sont survenus dans les républiques et non dans les royaumes ;
- alors que nous avons pu appréhender la guerre civile algérienne également nommée « décennie noire », qui avait pourtant commencé 30 ans avant et a fauché des dizaines de milliers de personnes ;
Alors que nous sommes conscients de ces sept vérités, pourquoi ne réalisons-nous pas les effets désastreux de la politique criminelle menée par Obama, Hilary Clinton ou plusieurs des hommes d’Etat occidentaux qui veulent mettre les sociétés arabophones du Moyen Orient dos au mur pour simuler une posture démocratique telle que celle qui a fait accéder le mouvement Hamas au pouvoir dans les territoires de l’Autorité Palestinienne en 2006?
Ajoutons à ces sept vérités la catastrophe provoquée par un grand nombre de pays, tels que les Etats-Unis, le Royaume Uni, le Canada et tous les pays de l’Union Européenne qui n’ont pas inscrit les Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes alors qu’ils ne tiennent comme groupe terroriste que le seul Hamas quand tout étudiant en sciences politiques sait très bien qu’il n’est qu’une branche de « l’Organisation des Frères musulmans » et que longtemps, le Hamas a porté le nom de la branche de Gaza de « l’Organisation des Frères musulmans ».
Ainsi donc, de nombreux pays du monde occidental savent que la confrérie des Frères musulmans est l’arbre de l’islamisme et que le Hamas est l’une de ses branches. On voit pourtant qu’ils ne considèrent comme terroriste que la branche tandis que le tronc de l’arbre mère ne le serait pas. Ces pays sont même allés jusqu’à tenter de le faire accéder au pouvoir dans un certain nombre de pays arabes du Moyen Orient.
Il y a quelques années, j’avais été invité à prononcer un discours sur les Frères musulmans devant le Parlement britannique. A peine l’ai-je eu terminé que commença le débat. L’un des membres du Parlement, le Baron X s’empressa de me poser la question : « Donc si j’ai bien compris le sens de votre allocution, la démocratie ne se situe pas à la tête de vos priorités? »
Je me suis empressé de lui répondre sans hésitation aucune: « Certes, la démocratie n’est pas la première de mes priorités . »
Pensant m’avoir eu et avec le sentiment d’avoir gagné la première joute, il s’est adressé à moi avec un ton sarcastique teinté d’arrogance :
« Alors quelle serait votre priorité qui devance la démocratie ? »
Je lui ai répondu avant même qu’il ne termine de formuler sa question :
« C’est la même que la vôtre: que les membres de ma famille rentrent sains et saufs chez eux en fin de journée. »
Nous fûmes tous les deux surpris par les applaudissements de l’assistance. Aussitôt terminés, j’ai ajouté ces quelques mots:
« Les sept vérités que j’ai énoncées, vos questions et mes réponses vous imposent deux obligations : la première est de tenter de comprendre les sociétés arabes du Moyen Orient tout en vous écartant des stéréotypes qui ne conviennent pas à de grands intellectuels ; la seconde est de vous libérer des idées reçues au sujet des Frères musulmans qui vous parviennent des services de renseignements et dont la réalité de leurs relations historiques avec les Frères musulmans est connue de toute personne un tant soit peu avertie. »
De nombreuses sociétés dans la région du Moyen Orient sont le théâtre d’un affrontement des « passéistes » contre les « modernistes » où les premiers, avec un machiavélisme avéré, arborent le masque de la religion, de ses constantes et du sacré. Certes, cette attitude n’est que leur tactique grâce à laquelle ils pensent gagner leur bataille contre les « modernistes ».
Si je pense que toutes les sociétés de notre région se distinguent par leurs particularités, je porte la certitude inébranlable que la conjoncture actuelle et future de certaines d’entre elles auront leurs fortes répercussions sur d’autres sociétés de la région. Viennent en tête de ces sociétés le trio important (de l’Est vers l’ouest): Les Émirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite et l’Egypte, avec en deuxième lieu, dans l’ordre d’importance, les évolutions que vont connaître la Syrie, la Libye, la Tunisie et le Yémen.
A ce propos, je dirais que le cas émirati est plus facile à induire que celui de l’Arabie Saoudite et de l’Egypte en raison de l’importance des Émirats et des innombrables détails qu’ils présentent. Je pense qu’il est dans l’ordre des choses que la situation des Émirats évolue dans le sens de la tendance moderniste. J’envisage des évolutions identiques en Arabie Saouditeet en Egypte mais, ainsi que je l’ai fait remarquer, les sociétés de ces pays présentent l’une comme l’autre, tellement de spécificités et de particularismes qui les font ressembler à des mosaïques.
L’Arabie Saouditen’est pas seulement un grand pays. Elle exerce une influence indescriptible sur la région et le monde. En fait, je prévois que, malgré les difficultés qu’elle affronte, tant sur le plan intérieur qu’extérieur, elle poursuivra avec un grand succès l’orientation moderniste qu’elle connaît depuis six ou sept ans. La difficulté majeure qu’elle rencontre sur le plan interne tient à la mentalité sécrétée par la période de l’éveil et, sur le plan extérieur, ce sont des tentatives de mobiliser l’attention de l’Arabie Saoudite sur des questions qui s’apparentent à du chantage ainsi que le projet impérialiste iranien sur la région. Ce succès que je pressens de l’Arabie Saoudite serait un coup de massue asséné aux adversaires du camp réformiste, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. L’arme décisive pour une victoire historique de l’Arabie sur le plan réformiste se situe au niveau d’une « révolution éducative » qui ancrerait la mentalité réformiste et éradiquerait la tentation du retour aux idées et conceptions de l’esprit collectif passéiste.
En toute logique, les pays occidentaux (comme les Etats-Unis, l’Europe, le Canada et l’Australie) devraient se féliciter de cette mutation moderniste de l’Arabie Saoudite et la soutenir or, ce n’est pas du tout le cas.
Quand au cas égyptien, il n’en présente pas moins une imbrication de milliers d’éléments. Je suis cependant convaincu que l’Egypte,qui a subi le coup le plus sévère de la part des Frères musulmans le 3 juillet 2013 et qui poursuit la réalisation de centaines de projets de développement depuis la mi 2014, avance sur la voie d’une victoire réformiste relative.
Je dis “relative” car je suis conscient que les grands projets de développement, achevés ou en cours d’exécution en Egypte, doivent naviguer de concert avec un autre projet réformiste centré sur l’éducation et sur le discours religieux. Il ne fait aucun doute que les forces hostiles au projet réformiste sont majeures, influentes et se sont constituées au cours de nombreuses décennies. Si avant 2014, ces forces n’avaient enregistré aucun succès, c’est parce qu’elles ne s’appuyaient que sur des outils sécuritaires et ne portaient aucun intérêt à vaincre la pensée par la pensée. Il ne faut pas non plus perdre de vue l’existence d’un front d’opposition au modernisme qui émane de l’une des grandes institutions de da’wa et d’enseignement. (Université islamique Al Azhar du Caire).
Malgré les difficultés et les défis qui se dressent sur le chemin de l’Egypte, tout spécialiste de la nature et du rôle de l’armée égyptienne dirait que l’Etat de l’après 13 juillet 2013 est sorti victorieux de sa bataille contre les forces passéistes. Mais cette victoire n’est que relative et non pérenne.
Il ne fait aucun doute que les événements qui se dérouleront en Syrie, Libye, Tunisie et au Yémen exerceront leurs impacts et répercussions sur les sociétés de ces pays et sur toute la région.
L’avenir proche de la Syriedevrait, selon moi, ressembler à son présent, ce qui servirait, non les intérêts de l’organisation des Frères musulmans, mais malheureusement, ceux du fondamentalisme chiite qui gouverne l’Iran depuis 43 ans. La Russie, comme je le détaillerai dans un prochain article, s’accommoderait avec bonheur de la perpétuation du statut quo. La principale raison serait d’empêcher l’arrivée en Europe d’un gazoduc concurrent de celui de la Russie via la Syrie. (Plus précisément, faire parvenir le gaz en Syrie par les gazoducs depuis l’est pour y être liquéfié avant d’être acheminé vers l’Europe à partir de l’un de ses ports).
La Libye présente 3 scénarios bien distincts:
le premier serait qu’elle soit unifiée sous une houlette anti-frères musulmans, le deuxième sous une direction sympathisant avec eux et le dernier serait le maintien du statut quo sans aucun changement. Bien qu’ils soient tous probables, le premier d’entre eux (que je juge le meilleur) n’est pas certain.
En ce qui concerne la Tunisie, elle a été, ces dernières années, le théâtre d’un conflit acharné entre passéistes – dont en premier lieu le parti Ennahda, conservateur islamiste qui est, historiquement, le fruit de l’arbre Bourguiba. Il est très probable que la classe bourgeoise la plus forte de toutes les sociétés Arabes se trouve en Tunisie. Le conflit interne tunisien était essentiellement politique. Je dirais que les forces réformistes gagneront la bataille au cours des années à venir en Tunisie.
En dernier lieu, j’exclus que le Yémenpuisse connaître de grands changements positifs au cours de ces quelques années à venir, bien que je sois certain de l’échec du projet iranien dans ce pays.
Si je ne me suis pas intéressé à d’autres pays tels l’Irak, le Liban, la Jordanie, l’Algérie, le Maroc, Oman, Bahreïn, Qatar et Koweït, c’est parce que je pense que dans les 3 à 5 ans, ces États ne seront pas différents de ce qu’ils sont aujourd’hui.
Je n’ai pas non plus traité d’Israëlcar je préfère en parler dans un article à part, axé sur ses dernières années de la troisième décennie de notre siècle. Mais je me dois de dire qu’il faut s’attendre à une confrontation militaire israélo-iranienne dans un avenir proche.
Docteur TAREK HEGGY
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Les Ricains mettent le feu partout, car dans le chaos qui s’installe, ils tirent les marrons du feu.
Leur politique est brouillonne et à courte vue.
Pour l’instant, ils se servent des Frères musulmans, voilà pourquoi l’Occident les laisse prospérer, et l’UE obéit comme un seul homme soumis aux USA.
Maintenant je commence à comprendre pourquoi les mollahs ont appelé l’US le Grand Satan, il y a une part de vrai.
les amerlocks fouteurs de merde de la planète ; avec le barrack obama on a atteint le haut et il est toujours la avec le vieux biden
Malheureusement si l’Iran se dote de l’arme nucléaire, les mollahs n’hésiteront pas à l’utiliser. Ce sera apocalyptique. Pour tous.
D’abord c’est sympa de voir les analyses de Mr Tarek Haggy au sujet du monde Arabe et surtout la folie de l’Occident pour détruire le Moyen Orient avec les Amerloques qui cherchait à détruire le régime de Mossadegh en 1953 , ils ont surtout participer au bordel Libyen avec le soutien de BHL , Syrien depuis 2014 sans le mandat de l’ONU pour s’accaparer du pétrole syrien sous prétexte de lutter contre le prétendu tyran Bachar Al- Assad sans les deux Guerres d’Irak de 1990 1991 et de 2003 à 2011 qui sous couvert de lutte contre le terrorisme et d’armes de destruction massif ont provoquer la destruction de ce pays plus la défaite des Amerloques suivi de l’Afghanistan . L’instabilité de l’Egypte … Mais les Occidentaux sont en contradiction avec eux même en refusant d’ajouter les Frères Musulmans comme organisation terroriste cherchez l’erreur !
Merci Monsieur Heggy pour cette analyse qui m’a permis de mieux comprendre ce qui se passe au Moyen Orient.
Les anglos saxons US ont toujours voulu vassaliser l’Iran en creeant le chaos .Elimination de Mossadegh qui voulait nationaliser le pétrole et mise en place du Shah d’Iran. Elimination du Shah d’Iran qui voulait casser le cartel des pétroliers et surtout acquérir l’arma nucléaire . Exit le Shah et mise en place des Mollahs que les occidentaux pensaient moyenâgeux. Guerre Irak Iran pour affaiblir l’Iran. Guerres US Irak pour déstabiliser et semer le chaos dans la région. L’Iran se renforce lors de ses épreuves. Son rôle régional s’affirme.Rien n’empêchera l’essor de l’Iran que cela plaise aux US ou non.
Mossadegh éliminé, le shah éliminé et maintenant les Mollahs.