Nous continuons ici le cycle de la vie et l’œuvre de Tchaïkovski. Nous abordons la deuxième partie sur les cinq que comporte ce cycle. Pour ceux qui veulent relire (ou lire) la première partie, c’est ici.
PARTIE 2 sur 5
Tchaïkovski compose dans tous les genres
Il compose dans tous les genres (opéra, piano, musique symphonique, de chambre, vocale…). Musicalement, il se tient à l’écart du mouvement national du Groupe des Cinq (1), même si l’élément russe est incontournable dans son œuvre, notamment par le biais des chants traditionnels qu’il utilise instinctivement. Sa musique reflète sa personnalité intérieure bien souvent tourmentée ; le caractère sentimental a pu susciter des critiques, mais l’inventivité de ses mélodies était un don rarement égalé par ses contemporains. Tchaïkovski a donné ses lettres de noblesse à la musique de ballet et a influencé profondément certains musiciens moscovites, parmi lesquels Anton Arenski (2) et Serguëi Rachmaninov (3).
Le Lac des Cygnes est un des trois ballets, avec la Belle au bois dormant et Casse-Noisette, composé par Tchaïkovski, Il fut écrit durant son séjour à Paris en 1876. L’œuvre de grande qualité, lyrique et dansante est présentée au Grand Théâtre de Moscou le 4 mars 1879 sans aucun succès.
Le ballet est inspiré d’un conte allemand d’un livret de Vladimir Begichev.
Le Lac des Cygnes peut être en 3 ou 4 actes selon les chorégraphes. L’explication ci-dessous considère l’existence de 4 actes. Dans les versions en 3 actes, les deux derniers actes sont fusionnés.
HISTOIRE :
- ACTE 1
Le jeune prince Siegfried fête sa majorité. On lui a offert une arbalète pour sa fête. Sa mère lui annonce que le jour suivant, au cours d’un grand bal pour son anniversaire, il devra choisir une épouse. Attristé et vexé de ne pouvoir choisir celle-ci par amour, il sort alors à la tombée de la nuit dans les environs du château, muni de son arbalète.
- ACTE 2
C’est alors qu’il voit passer une nuée de cygnes. Une fois les cygnes parvenus près d’un lac, il épaule son arbalète, s’apprêtant à tirer, mais il s’arrête aussitôt ; devant lui se tient une belle femme vêtue de plumes de cygne blanches.
Enamourés, ils dansent, et Siegfried apprend que la jeune femme est en fait Odette. Un terrible et méchant sorcier, von Rothbart, la captura et lui jeta un sort ; le jour, elle serait transformée en cygne et la nuit, elle redeviendrait femme. D’autres jeunes femmes et jeunes filles apparaissent et rejoignent Odette, près du Lac des Cygnes, lac formé par les larmes de ses parents lorsqu’elle fut enlevée par von Rothbart. |
Ayant appris son histoire, le prince Siegfried, fou amoureux, est pris d’une grande pitié pour elle. Il lui déclare aussi son amour. Von Rothbart apparaît. Siegfried menace de le tuer mais Odette intervient ; si von Rothbart meurt avant que le sort ne soit brisé, il sera irréversible. Le seul moyen de briser le sort est que le prince Siegfried épouse Odette.
- ACTE 3
Le lendemain, la fête au palais commence. Plusieurs danses folkloriques s’enchaînent, puis on présente au prince quelques jeunes filles susceptibles de lui être fiancées. Il les refuse toutes. Survient le sorcier Rothbart, avec sa fille Odile (et non pas Odette, l’amoureuse du Prince Siegfried) toute vêtue de noir (le cygne noir) qu’il a transformé par magie en sosie d’Odette. |
Abusé par la ressemblance, Siegfried danse avec elle, lui déclare son amour et annonce à la cour qu’il compte l’épouser.
Au moment où vont être célébrées les noces, la véritable Odette apparaît. Siegfried est horrifié et conscient de sa méprise.
- ACTE 4
Siegfried, s’étant rendu compte de sa lamentable erreur, s’abîme dans le chagrin. Dans son errance, il se retrouve à l’endroit de sa rencontre avec Odette. Tous les cygnes sont là, autour du lac, dans une incroyable tristesse. Odette pleure son amour perdu. La façon dont Odette apparaît finalement à Siegfried diffère selon les différentes versions du ballet : Odette arrive au château ou bien von Rothbart montre à Siegfried une vision d’Odette. |
Puis, le Lac des Cygnes se termine de différentes façons selon les versions :
- L’amour véritable d’Odette et de Siegfried vainc von Rothbart, le prince lui coupe une aile et il meurt
- Siegfried ayant déclaré son amour à Odile, il condamne, sans le savoir, Odette (son véritable amour) à demeurer un cygne pour toujours. Réalisant que ce sont ses derniers instants en tant qu’humain, elle se suicide en se jetant dans les eaux du lac. Le prince se jette lui aussi dans le lac. Cet acte d’amour et de sacrifice détruit von Rothbart et ses pouvoirs et les amants s’élèvent au paradis en une apothéose
- Siegfried court au lac et supplie Odette de lui pardonner. Il la prend dans ses bras mais elle meurt. Les eaux du lac montent et les engloutissent
- Siegfried ayant déclaré son amour à Odile, il condamne, sans le savoir, Odette à demeurer un cygne pour toujours. Odette s’envole sous la forme d’un cygne et Siegfried est abandonné dans le chagrin et la douleur lorsque le rideau tombe.
Le Lac des Cygnes a eu différentes versions chorégraphiques. Ma préférée est celle de Rudolf Noureev signe pour l’Opéra de Paris. C’est une version à résonance « freudienne » que beaucoup considère, et moi avec, comme la plus émouvante et achevée du Lac des cygnes.
Le lac des cygnes : extraits chorégraphie
et musique simultanées
- José Martinez, Karl Paquette sur la chorégraphie de Rudolf Noureev (Opéra de Paris) , cliquer ici (02’37 »).
- Pas de quatre, chorégraphie de Rudolf Noureev (01’30 »). Cliquer ici.
- Extraits du Théâtre du ballet de Saint Pétersbourg. Cliquer ici.
- Agnès Letestu > Odette, José Martinez > Siegfried, Karl Paquette > Wolfgang, Chorégraphie de Rudolf Noureev. Opéra de Paris, final (03’24 »). Cliquer ici.
Le lac des cygnes : intégralité du ballet (02h 24mn 22s)
Théâtre du ballet de Saint Pétersbourg.
Le lac des cygnes : extraits de la musique seule
- Extrait sonore numéro 1, cliquer ici.
- Extrait sonore numéro 2, cliquer ici.
- Extrait sonore numéro 3, cliquer ici.
- Extrait sonore numéro 4, cliquer ici.
Le lac des cygnes : intégralité du ballet pour la musique seule (02h 07mn 38s
Enfin, pour terminer cette deuxième partie, j’ai le grand plaisir de vous faire connaître le très beau poème, plein d’émotions, de notre ami Argo qui écrit d’ailleurs régulièrement des articles de hautes tenue dans Résistance Républicaine.
Merci à toi, ami patriote Argo, de m’avoir autorisé à publier ici ton magnifique poème en l’honneur du Lac des Cygnes de Tchaïkovski.
L’écorché vif
La musique de Tchaïkovski est celle d’un écorché vif. Il était d’une extrême sensibilité et les moments d’une très grande intensité sont nombreux souvent suivis par des instants de repos. Sa gouvernante suisse le qualifiait « D’enfant de verre, fragile, manquant de confiance en lui et restant dans les jupes de sa mère ». Son départ en 1852 jusqu’en 1858 (sa mère décéda en 1854 lors d’une épidémie de choléra), comme pensionnaire au Collège impérial de la Jurisprudence, école pour garçons la plus prestigieuse de Saint-Pétersbourg le sépara de sa mère et ce fut là un véritable traumatisme. Elle fut l’une des séparations les plus brutales qu’il ait vécues.
Chers amis, j’espère que cette deuxième partie vous a plu, et rendez-vous samedi prochain pour la troisième partie.
Cachou
(1) Cénacle musical russe qui réunissait Mili Balakirev, César Cui, Alexandre Borodine, Modest Moussorgski et Nicolaï Rimski-Korsakov. Il est connu sous deux étiquettes : en France, on l’appelle généralement le « groupe des Cinq », en Russie, le « puissant petit groupe ».
(2) Anton Arenski est un compositeur russe, né le 12 juillet 1861 à Novgorod et mort le 25 février 1906 à Perkijarvi, dans le grand-duché de Finlande (Empire russe).
(3) Serge Rachmaninoff, né le 1er avril 1873 à Semionovo (Empire russe) et mort le 28 mars 1943 à Beverly Hills (États-Unis), est un compositeur, pianiste et chef d’orchestre russe, naturalisé américain.
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Bonsoir Cachou,
J’ai évidemment suivi avec attention ce deuxième volet sur Tchaïkovski mais je n’ai pas compris pourquoi le premier extrait sonore est l’ouverture miniature de Casse-Noisette ?
Philippe, alias Filoxe
Je viens de découvrir à l’instant même ton post, mais dois m’absenter. Je t’y réponds très vite !
Je suis rentré, et comme promis je te réponds.
Par erreur.
Sur les 10 extraits musicaux et chorégraphiques que contient mon article celui-là est effectivement une erreur il appartient à un autre ballet, Casse-Noisette.
Les extraits musicaux (comme chorégraphiques également) étant trop volumineux pour être publiés sur RR (dont la limite est toute petite) j’ai dû faire appel, comme tu l’as constaté, à un de mes sites personnels sur lequel j’ai installé un lecteur audio et également vidéo.
Et c’est donc sur un lecteur audio d’un de mes sites que l’on peut écouter ces extraits musicaux.
Cependant j’ai rencontré beaucoup de problèmes avec ce lecteur, et j’ai dû faire beaucoup d’essais. Entre autres, des essais de différentes musiques pour être sûr que l’origine n’en soit pas la musique elle-même par un fichier corrompu ou autre.
Dans ces différents essais, s’est glissé cette petite erreur, laquelle a visiblement échappé au « contrôle qualité » de mise en ligne.
J’espère que ces explications te satisferont.
Je te présente toutes mes excuses de cette erreur, mais je crois que la Terre continuera cependant de tourner.
Il ne t’a certainement pas échappé que les neuf autres extraits sont tout à fait les bons.
Quand j’entendrai la musique du lac des Cygnes, je repenserai maintenant toujours à cet exposé.
ça c’est de la culture.
Tchaïkovski avait le génie de la mélodie mais aussi du rythme. Et combien notamment dans la symphonie pathétique !
Merci !
@ Christine
@ Jules Ferry
@ Argo
@ Gamma
Merci chers amis de vos félicitations et encouragements. J’en ai été très ému.
Ces cinq parties de l’œuvre et la vie de Tchaïkovski m’ont demandé plusieurs jours entiers de travail.
« Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » comme disait le grand homme de lettres Nicolas Boileau. Et c’est ce que j’ai fait en essayant de ne dire que l’essentiel et de façon la plus attrayante.
Merci Christine de tes mots d’encouragement, et si on peut effectivement sur Résistance Républicaine renouer avec le kaloskagothos* des Grecs c’est grâce à toi qui as permis la création de cette rubrique « Musiques », de même que celle des « Monuments historiques » qui me plaît également énormément, et, of course de chevaux, celle de l’Astronomie dont c’est ma passion et dont je viens de passer la plus grosse partie de cette nuit** à l’Observatoir avec mes amis astronomes amateurs.
Également, mille bravos à vous aussi pour les articles passionnants que vous écrivez, toujours bien rédigés, bien documentés, et chacun dans votre style et personnalité.
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* très honnêtement, mot que je ne connaissais pas et dont je viens de lire la définition détaillée, et tout content de l’avoir appris
** ce qui fait que j’ai vraiment la tête dans le c _ _ ce matin 😊
Merci encore ami Cachou. J’aime de plus en plus le ballet qui magnifie la beauté des corps. Mon ballet préféré est Casse Noisette pour sa musique et sa poésie.
Je suis content que mes modestes articles te plaisent, et c’est pour moi une grande récompense.
Tchaïkovski a écrit en tous trois ballets, tous trois prodigieux et provoquant de grandes émotions avec des chorégraphies extraordinaires en général.
Mais ma préférence, tu l’as compris, c’est vraiment le Lac des Cygnes… certains passages me font nouer la gorge… quand quelques larmes ne coulent pas.
J’attendais avec impatience la suite de notre voyage avec Tchaïkovski ! Tout ce que l’on voulait savoir sur le Lac des Cygnes sans oser le demander ! J’ai eu l’occasion, il y a fort longtemps, de voir ce ballet à l’Opéra Garnier, version avec une fin heureuse pour Odette et Siegfried.
J’ai parcouru la vidéo de ce ballet à la recherche de la danse russe qui en principe est donnée après la danse hongroise et avant la danse espagnole si l’on en croit les versions intégrales en CD de l’Orchestre Symphonique de Boston avec Seiji Ozawa et de l’Orchestre Symphonique de l’URSS sous la baguette de Gennady Rozhdestvensky. Ce sont deux versions très rapides, donc pratiquement impossibles à danser, mais comme elles sont uniquement orchestrales on peut se le permettre ! D’ailleurs la magie de la musique de ballet de Tchaïkovski est qu’elle peut s’écouter sans la présence de danseurs. Il ne me viendrait pas à l’idée d’écouter la Bayadère de Minkus dans de telles conditions !
Pour en revenir au ballet de Saint-Petersbourg, je trouve très surprenant que les Russes eux-mêmes zappent la danse…russe, une danse de leur pays, d’autant que certaines troupes le font :
https://youtu.be/b1KtCG91iIE
Pour terminer, me permettez-vous d’apporter ma petite pierre personnelle à votre édifice, simplement pour y donner mon opinion et comment je ressens la musique de ce compositeur merveilleux, parfois décriée et jugée à tort comme vulgaire. Sans vouloir vous faire de concurrence, bien sûr !
Bien à vous,
Philippe
Bonjour Philippe,
À nouveau, je suis très sensible à l’intérêt que tu portes à mes modestes articles sur Tchaïkovski. Tu as les deux versions du Lac des Cygnes par Seiji Ozawa (85 ans maintenant) avec l’Orchestre Symphonique de Boston et Gennady Rozhdestvensky (décédé en 2018 à l’âge de 87 ans) avec l’Orchestre Symphonique de l’URSS, deux chefs et deux orchestres que je connais bien et depuis longtemps.
Tu as entièrement raison quand tu dis que les musiques de ballet de Tchaïkovski peuvent s’écouter sans la présence de danseurs. C’est exactement pour cette raison que dans mon article j’ai mis des liens destinés uniquement à la musique. Le théâtre du Bolchoï a d’ailleurs été très surpris quand il a commandé en 1875 à Tchaïkovski cette musique de ballet. À l’époque les musiques de ballet étaient beaucoup plus simples. Tchaïkovski les a écrites comme de véritables symphonies.
Effectivement, dans la version donnée dans l’article, la Danse russe ne figure pas. Ceci m’avait échappé, et un grand merci de l’avoir signalé.
La Danse russe et le Pas de deux de l’acte III ont été tous les deux rajoutés en 1877, soit un an après la fin de la composition de l’œuvre. Cela a-t-il eu une influence ??
Quant à ta participation sur ce compositeur relative aux cinq parties, je trouve que ton idée est intéressante, et te remercie de l’avoir proposée. Il est de toute évidence très intéressant d’avoir une sensibilité différente sur ce compositeur. Je peux sans difficulté intégrer un texte de ta part dans une des trois parties restantes. Voir y rajouter une sixième où tu aurais libre cours de nous faire part de ton ressenti vis-à-vis de Tchaïkovski.
Pour cela, il est impératif que j’en demande l’autorisation à la patronne du site, Christine Tasin. C’est elle qui gère l’ensemble du site et c’est elle qui nous indique si telle ou telle proposition peut se faire. Je lui adresse un e-mail particulier pour lui faire part de ta proposition. Je t’en donnerai la réponse rapidement par ce forum.
En cas d’acceptation de sa part, nous entrerons en contact par nos e-mails, afin de mettre les choses au point. Il serait intéressant pour moi de lire ton texte, puis que je l’intègre en publication dans Résistance Républicaine.
Aucun souci ! Et merci !
Bonjour Philippe je pense que le mieux est que tu proposes un article entier sous ta signature sur Tchaïkovski ( et d’autres bien sûr si tu en as envie) ce sera bien plus intéressant et cohérent que d’ajouter des éléments à toi dans un des articles de Cachou déjà fort touffus! Si tu en es d’accord christinetasin@resistancerepublicaine.com
Comment te remercier, Cachou du cadeau mirifique que tu nous fais, nous permettant de renouer avec le beau, le bon… le kaloskagothos des Grecs, aux fondements de notre civilisation. Ou comment retrouver paix, équilibre et amour de la vie malgré les dégénérés qui nous la pourrissent chaque jour…
Merci Cachou pour ce bel article passionnant. Très instructif ! J’attends la suite.
Un très bel exposé, agréable à lire et très riche, les nombreux liens donnent envie de se plonger dans l’œuvre. Merci
Merci ami Cachou pour ce numéro 2, où l’on apprend l’histoire du Lac des Cygnes, et des pans de la vie de ce compositeur. On peut connaître l’oeuvre d’un musicien et passer à côté de la vie de l’homme qu’il était, vie qui influence toujours le travail d’un artiste. Vivement les trois autres numéros. Et merci pour les extraits et pour l’intégralité du ballet.