« Quand l’amour meurt », ça se chante et même ça se danse, en 1904 ! Dans les salons, les cafés-concerts, les cabarets et lors des bals parisiens, c’est sur cette valse lente, d’une rare élégance, qu’on peut bercer son chagrin. Les orfèvres de ce bijou Art nouveau ont été Georges Millandy ( paroles) et Octave Crémieux (musique). Beaucoup se sont essayés à servir cette mélodie dans diverses tessitures : Marlene Dietrich (dans le film Morocco en 1930), Tino Rossi, Line Renaud, Jean Sablon, Jean Lumière, André Dassary, Réda Caire… La voix agile de soprano léger de Suzy Delair (en 1958), est celle qui nous restitue le mieux l’atmosphère de la Belle époque :
Jeanne Moreau, inattendue, dans un sketch du Petit Théâtre de Jean Renoir, tourné en juillet 1969, ne s’en tire pas si mal, pour une chanson « à voix » :
« Ne me quitte pas », la chanson de Jacques Brel s’élève, en 1959, au premier rang des chansons que les Français connaissent par cœur. Brel s’est inspiré pour la mélodie de la deuxième section de la Rhapsodie hongroise n°6 de Franz Liszt qu’il aimait particulièrement. Le texte aurait été écrit sur le contrecoup de la rupture de Brel avec l’actrice et chanteuse Suzanne Gabriello. Elle aurait été enceinte de Brel, mais il aurait refusé de reconnaître l’enfant comme le sien, ce qui l’aurait conduite à une interruption de grossesse et à leur séparation. Po ur la majorité de ceux qui aiment l’écouter, c’est LA chanson d’amour par excellence, sauf pour ceux (il y en a) qui ne supportent pas de voir quelqu’un se traîner plus bas que terre, fût-ce par amour ! Cette perception n’est sans doute pas si iconoclaste… En effet, en 1966, avec le recul, c’était bien ainsi que Brel voyait finalement sa chanson, puisqu’il a dit alors que ce n’était « pas une chanson d’amour » mais un « hymne à la lâcheté des hommes ». Ce titre demeure son plus grand succès, célébré par les plus grands interprètes : Nina Simone, Frank Sinatra, Céline Dion, Sting…
Avec « Et maintenant », Gilbert Bécaud rencontre aussi en 1961 un immense succès. Il a écrit la mélodie, sous-tendue nerveusement par un rythme de boléro, et, pour les paroles, Pierre Delanoë était là.
La chanson voyagera à travers le monde en plusieurs langues. La version anglaise « What Now My Love » a été reprise par des chanteurs de premier plan : Frank Sinatra, Shirley Bassey, et même Sonny & Cher… Et Elvis Presley en personne -excusez du peu- en 1973 :
Georges Brassens est assez coutumier des chansons vaches d’après rupture : « Une jolie fleur » (1954) « Putain de toi (1954) ou même « Le 22 septembre » (1964). En 1972, il renouvelle le thème, façon vieil ours bourru, avec « Sauf le respect que je vous dois ». A noter qu’il édulcorera un peu, sur le disque, le message initial car le refrain « Parlez-moi d’amour et j’vous fous ma main sur la gueule » disait d’abord « Parlez-moi d’amour et j’vous fous mon poing sur la gueule » ! Sacrée fausse brute au cœur d’artichaud ! Le voici, complètement authentique, en répétition :
Serge Gainsbourg, après sa rencontre avec Jane Birkin (1968), avec l’exhibitionnisme des timides que rien n’arrête, une fois qu’ils ont franchi la barrière de leur inhibition, a exposé sans pudeur sa vie privée dans ses chansons. Témoin d’une fissure sentimentale qui ira jusqu’à la déchirure finale, le texte de « Fuir le bonheur »(1973) est écrit par lui pour être interprété par elle, comme une adresse à lui-même. Jeu de reflets. Dans le miroir embellissant de sa muse à la voix grêle, sur une réminiscence de Bach (quatrième prélude en do majeur), Serge Gainsbourg efface son sourire ricaneur et se livre à nu, fragile… avec quel lyrisme délicat !
Léo Ferré se confie lui aussi après sa rupture avec sa compagne, dans ce qui deviendra sa chanson la plus douloureuse à chanter et la plus célèbre : « Avec le temps » (1970). D’abord refusée par sa maison de disques, cette chanson sera reconnue comme un chef d’œuvre du parlé-chanté. Aznavour, beau joueur, la plaçait au sommet de la production française et même au-delà : « La chanson française n’a inventé aucun style musical. Mais quand je dis qu' »Avec le temps » de Ferré est supérieur à « Yesterday » des Beatles, ce n’est que la vérité. » Avec son constat bouleversant, la chanson qui évoque le mieux le pouvoir du temps qui vient tout détruire… demeure, paradoxalement, la chanson la plus intemporelle de Léo Ferré. Beaucoup d’artistes l’ont compris : Catherine Sauvage, Dalida, Patricia Kaas, Julien Clerc, etc… Pour l’auteur, c’était une épreuve toujours renouvelée de la chanter mais son public l’exigeait à chaque concert.
Charles Aznavour avait livré un titre assez cruel pour les femmes en 1960 : « Tu t’laisses aller ». Il le reprend en 1973 dans un duo où sa complicité avec Annie Cordy rend le texte moins mordant :
A son tour, Annie Cordy crée en 1975 une reprise parodique du célèbre titre de Charles Aznavour écrite par Jacques Desrosiers. Où l’on mesure le registre étendu de l’actrice, capable d’allier l’humour à l’émotion, avec un talent qui allait bien au-delà de la bouffonnerie attachée à son image:
Plus près de nous, les jeunes générations chantent-elles encore le délitement des sentiments et le chagrin d’amour ?
Pierre Garnier auteur compositeur interprète, sorti de l’ombre grâce à la Star Academy de 2024, a triomphé peu après avec « Ceux qu’on était ». Son style est qualifié comme « une fusion de pop mélodique et de ballade émotionnelle » nous dit-on. « Le succès de ce titre a été fulgurant : il a atteint la première place des ventes en moins de 24 heures, a été certifié single d’or, de platine, puis de diamant en l’espace de quelques mois, et a remporté plusieurs distinctions, dont la Victoire de la chanson originale de l’année en 2025 ».
Quand l’amour nous fait déchanter, le désamour n’a pas fini de nous faire chanter…
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Certains pleurnichent parce qu’elles sont parties, d’autres sanglotent parce qu’elles sont revenues.