Brighelli : Laurence Zemmour et Eric De Cock

Jean-Léon Gérôme (1824-1904), Phrynè devant l’Aréopage, 1861.

Merci à Yann Kempenich qui nous a signalé cet article de Jean-Paul Brighelli qui complète utilement les nombreux articles que nous avons consacrés au roman national et à la De Cock.

http://resistancerepublicaine.com/search/Cock

Laurence, mon amour, toi qui manies la plume et le fouet avec une si merveilleuse dextérité… Toi qui ne m’envoies de messages enamourés qu’à travers le substitut transparent de l’invective permanente… Toi qui as relevé avec une acuité sublime que j’étais édité par une maison qui avait aussi Soral à son catalogue — mais bon, Denoël a toujours pignon sur rue bien qu’il ait édité Bagatelles pour un massacre, les temps changent, tu sais… Toi qui…

…Voilà comment j’aurais pu commencer cette chronique. J’y aurais narré les réactions offensées de ladite De Cock devant le pré-projet de programmes en Histoire présenté par le CSP, réactions en accord avec celles de son syndicat, le SNES, auquel elle appartient par l’aile gauche — celle qui se détache en se brûlant au soleil d’Allah…
C’eût été drôle, peut-être, mais c’était donner beaucoup d’importance à une femme qui n’existe que dans un tout petit milieu, sans aucun poids dans la politique éducative et encore moins dans l’Histoire, aux décombres de laquelle elle appartient déjà. Histrionne bien plus qu’historienne, après avoir passé une thèse en Sciences de l’Education et inondé le pauvre Fillon de ses sarcasmes, elle est au fond d’une Gauche moins pure que la mienne…
Parce que teinter la Gauche de revendications indigénistes, c’est un peu ballot, non ?… Entre islamo-gauchisme et islamo-fascisme, entre le révisionnisme anti-colonialiste et le racisme du PIR et de Nick Conrad, bien malin qui tracera la ligne de partage des eaux…sans-titre1

Lionel Royer (1852-1926), Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, 1899

Exit donc Madame De Cock. Le vrai sujet, quand même, c’est l’Histoire.

Je ne dirai rien pour le moment des programmes proposés par Mme Souad Ayada, parce que je préfère attendre la version définitive. Même si, comme pour les programmes de français qui partent plutôt sur de bases intéressantes, quoi qu’en disent certains syndicats, les dernières propositions du CSP, en revenant à plus de chronologie et à une étude des grands événements — ces trente journées qui ont fait la France, jadis racontées par Georges Duby ou Régine Pernoud qui ont plus de titres à se prétendre historiens que tous les possédés des médias — ne se présentent pas sous les pires auspices. Une « Histoire conservatrice » ? Ma foi, si le modernisme est l’autre nom de l’erreur idéologique, pourquoi pas…

Ayons au passage une pensée pour Souad Ayada, née au Maroc, fille d’immigrés modestes, et qui doit se pincer en apprenant qu’elle anime des programmes racistes et sexistes : « Il est inquiétant (mais aussi révélateur ?), écrit Mme De Cock, que des évènements politiques aussi lourds de sens que l’accueil des réfugiés ou le moment Me Too n’aient pas éveillé un tant soit peu le désir d’insister sur l’histoire de l’immigration, grande sacrifiée par ces nouveaux programmes de lycée, ou donné l’idée d’accorder une place plus conséquente à l’histoire des femmes ».
(« Le moment Me Too » — j’adore !)
Et d’accuser cette dame qui préside aux destinées du Conseil Supérieur des Programmes d’avoir donné des interviews au Point ou à Causeur. La bêtise se reconnaît aux exclusives qu’elle prononce — et chez les De Cock, les oukases sont la petite monnaie de l’idéologie. Ces pseudo-démocrates passent leur temps à promulguer des fatwas — qui s’en étonnera ?

Il est important de savoir quelle Histoire nous allons enseigner. Celle des déconstructeurs de mémoire collective, pour qui, comme dit Zemmour, c’est le mot « national » qui est vraiment irritant dans l’expression « roman national » ? Ce n’est pas, effectivement, l’idée du « roman », parce qu’à force de se vouloir politiquement corrects ils élaborent une propagande qui flirte avec la fiction. Voir le sort qu’ils ont fait subir au pauvre Pétré-Grenouilleau parce qu’il disait la vérité sur les poids respectifs de la traite atlantique et de la traite saharienne. Ou bien celle des amoureux de la petite histoire, celle qui croit au vase de Soissons et à la bataille de Poitiers ?Philippart-7

Paul Jamin (1853-1903), Prise de Rome par les Gaulois de Brennus en 390 av.JC, 1893

Cavanna dans le temps s’était amusé à raconter Nos ancêtres les Gaulois et à souligner justement les écarts entre la fable et ce que l’on sait des faits. Pour Zemmour, note Gil Mihaely dans un article éclairant, « assumer l’histoire de France, c’est démontrer que tout y est bon, parce que certains disent que tout y est mauvais. Il tombe dans le piège manichéen tendu par ses adversaires et pèche à son tour par anachronisme. »
L’Histoire à enseigner aux élèves (rappelons qu’au niveau scolaire, il ne s’agit pas de recherche, mais de transmission des bases) doit se situer dans l’entre-deux, s’appuyer sur une chronologie rigoureuse, squelette nécessaire pour structurer les apprentissages, et s’agrémenter (parce que le premier support de l’enseignant en Histoire, c’est le récit) d’anecdotes, de détails, bref d’une chair qui rende l’ensemble attractif.Capture d’écran 2018-10-12 à 06.57.21Evariste Vital-Luminais (1822-1896), Pirates normands au IXe siècle, 1894

A noter au passage qu’il en est de même dans l’histoire littéraire. Enfiler des dates et des titres comme des perles, ou se réfugier dans la haute technicité, ne suffit pas pour incarner la littérature. Il faut lui donner vie. La mettre en scène.
Souvenir d’un enseignant redoutable du lycée Saint-Charles, quand j’étais en Quatrième, qui parvenait à nous faire vivre, avec une fougue qui n’excluait nullement la rigueur, tout le détail de la guerre de Trente ans et les démêlés de Wallenstein, de Tilly, Gustave-Adolphe et finalement Condé. Il refaisait, sur l’espace limité de l’estrade, le sac de Magdebourg ou la bataille de Rocroi. De la pure magie. Cinquante ans plus tard, je me souviens toujours du mouvement tournant par lequel Monsieur le Prince a écrasé les tercios de Don Francisco de Melo. Et je n’ai pas eu à fouiller très loin dans mes souvenirs pour apprécier la manière dont Perez-Reverte fait mourir, à cette occasion, le capitaine Alatriste, dans le film d’Agustin Diaz Yanes en 2005. De quoi se réconcilier avec les Espagnols, parce que le courage malheureux est toujours respectable.18944682.jpg-c_215_290_x-f_jpg-q_x-xxyxxEt il est plus important de connaître nos voisins que d’étudier à 13 ans l’histoire du Monomotapa. Même si nous sommes d’origine africaine. Ce que l’on apprend à l’école (l’université, c’est tout autre chose) devrait permettre d’apprendre aux peuples de notre « vieux continent » à construire cette fameuse « Europe des nations », ces « Etats-Unis d’Europe » dont parla Hugo lors du Congrès international de la Paix en 1849 — et pas la dépouille d’un cartel de banquiers avides qu’elle est devenue nécessairement, fondée qu’elle était sur des intérêts économiques qui ignorent les peuples.
Si d’ailleurs on avait un peu plus étudié en classe l’Europe des peuples, on n’en serait pas à craindre, dans certaines sphères, que lesdits peuples aient aujourd’hui envie de couper des têtes.

Dans son article, Gil Mihaely constate comme moi que « nous avons besoin d’un récit national » — exactement comme la France occupée par les Prussiens après 1871 avait besoin du Tour de France de deux enfants. Un récit national, et pas un récit international. Un récit national dans lequel nous intégrerions tous les frais immigrés et les vieux continentaux. À vouloir enseigner l’Histoire des communautés, nous avons favorisé le communautarisme. À négliger le drapeau français, nous avons sommés les derniers arrivants à brandir les bannières de leurs contrées d’origine — ce qui n’a guère de sens quand on veut s’ancrer dans le sol qui vous reçoit. Le couscous doit être une option le jour où l’on ne veut pas de choucroute alsacienne, de daube provençale ou de potée auvergnate ; il ne doit pas être une fin en soi — ni le couscous, ni la paella ou le goulash. L’école doit apprendre quel genre de creuset culinaire et culturel est la France — pas exalter les diktats imbéciles de telle ou telle religion, de telle ou telle micro-organisation qui ne représente qu’elle-même. Le vrai combat laïque passe par la casserole, par l’enseignement de la langue et par la découverte de l’Histoire — la grande et la petite.

Jean-Paul Brighelli

PS. Les illustrations de cette chronique sont tirées d’un PowerPoint de ma façon, réalisé cet été sur la Peinture d’Histoire — dans la perspective d’un cours sur la double historicité : parce qu’enfin, lorsqu’on peint Vercingétorix se rendant noblement à César en 1899, c’est moins de la reddition gauloise que l’on parle que de la défaite de 1870 et de l’occupation prussienne. C’est cela aussi que l’Histoire doit enseigner aux élèves — comprendre que tout discours en dit autant sur son époque que sur celle qu’elle décrit. Et c’est en cela que le récit des faits merveilleux est utile — pas pour forger une « citoyenneté » bâtie sur des mythes fragiles.

https://blog.causeur.fr/bonnetdane/laurence-zemmour-et-eric-de-cock-002416.html#comment-303903

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2 Commentaires

  1. Laurence de Cock veut une histoire de l’immigration que va-t-elle nous sortir de la dernière vague qui est là depuis une quarantaine d’année? Qu’elle a produit le taux de criminalité le plus élevé que la France ait connu de toute son histoire ponctuée ces dernières années par des attentats meurtriers parmi la population civile, que grâce à cette immigration les musulmans reprennent ce qu’ils avaient perdus à partir de la défaite de Poitiers et que les immigrés se sont spécialisés non plus dans la maçonnerie ou les travaux de peinture mais dans la captation des allocs et le traffic de drogue rémunérateur ?
    Parce que là elle ne pourrait contredire des vérités qui se vérifient encore aujourd’hui.
    Comment peut on être crédible sur l’histoire de France quand on nie les réalités d’aujourd’hui que tout un chacun peut vérifier !

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