Broderie dorée
…Les aiguilles dansent, brodant l’éternité sur les étoffes lumineuses
La broderie en Russie est un art ancien et riche, qui s’est développé à travers les siècles en intégrant des influences culturelles et religieuses variées. Voici un aperçu des principales formes et traditions de la broderie russe.
Bourses, fin du XVIIIème, premier quart du XIXème siècle
🔶Les origines et la broderie
- La broderie est apparue en Russie avant le christianisme, avec des motifs païens tels que l’arbre de vie et la déesse mère. Après le baptême de la Russie, l’influence byzantine a introduit des thèmes religieux, notamment des images de saints et des sujets bibliques.
- La broderie faciale, appelée aussi « peinture à l’aiguille », était une technique complexe pratiquée principalement par les filles de familles nobles. Elle nécessitait des fils coûteux (soie, or, argent) et souvent plusieurs artisans femmes travaillaient sur une même pièce pendant des années. Ces œuvres étaient utilisées dans les églises pour décorer vêtements liturgiques, icônes et objets religieux.
Voile suspendu. Hodigitria de Semioziorka. 1620-1630.Galerie d’art de Perm
🔶La broderie d’or de Torjok
Écharpe en laine brodée de fils d’or et de soie
- Cette tradition remonte au XIIIe siècle dans la ville de Torjok, une petite ville au nord-ouest de Moscou. Inspirée par les broderies byzantines, elle était destinée aux riches marchands et aux cours princières. Les artisans utilisaient des fils d’or et d’argent pour créer des coiffes, ceintures, costumes folkloriques et objets religieux.
- À son apogée au XVIIIe siècle, la broderie d’or était très prisée par la cour impériale russe. Aujourd’hui, cette tradition est préservée grâce à des ateliers modernes et un musée dédié à Torjok.
🔶Mode française et broderie russe
- Après la révolution de 1917, de nombreuses émigrées russes ont travaillé dans les maisons de couture parisiennes en réalisant des broderies complexes. L’atelier Kitmir, fondé par la grande-duchesse Maria Pavlovna Romanova, a collaboré avec Chanel et d’autres grandes maisons de mode.
Photo : Chanel, broderies russes
A lire : Kitmir: Les broderies russes de Mademoiselle Chanel Relié – Illustré, 1 décembre 2023, Nadia Albertini et Sophie Kurkdjian
L’ouvrage raconte l’histoire de l’atelier Kitmir et de la collaboration inédite entre Gabrielle Chanel et la grande-duchesse Marie de Russie, pour la création d’un atelier de broderie.
Cousine de l’empereur de Russie, Nicolas II, sœur du grand-duc Dimitri, la grande-duchesse Marie Pavlovna fuit la Russie en 1918 avec son mari le prince Putyatin, trouve refuge à la cour de Roumanie, puis s’installe à Londres où elle commence ses activités de couture et de broderie. Mais c’est à Paris qu’elle s’installe définitivement en 1920.
Les émigrées russes qui manient l’aiguille depuis leur plus tendre enfance, trouvent dans l’activité de brodeuse une source de revenus qui leur permet de refaire leur vie à Paris.
🔶Techniques modernes
- Des artistes contemporains comme Katerina Marchenko (photo ci-dessus) innovent en utilisant des techniques modernes telles que les broderies 3D sur tulle, montrant que cet art reste vivant et évolutif.
Citons également le magnifique travail d’Ekaterina Sinchinova, artiste russe qui vit en Amérique :
🔶Autres styles régionaux
- La « Krestetskaïa strotchka », originaire de Novgorod, se distingue par ses motifs géométriques uniques :
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- Les motifs populaires comme ceux du style Khokhloma sont souvent utilisés pour décorer les linges de maison tels que nappes ou napperons.
🔶Pour conclure…
La broderie russe est une expression artistique qui reflète l’histoire culturelle et spirituelle du pays.
En Russie, les travaux d’aiguille étaient pratiqués dans toutes les maisons, des palais des tsars aux isbas des paysans.
Sergueï Essénine, poète russe et soviétique, né le 21 septembre 1895, nous parle de l’art paysan dans ses descriptions de la campagne russe :
« Le travail est intense aux deux époques de la fenaison et de la moisson. Encore cesse-t-il les dimanches et les fêtes. Le reste de l’année, que ce soit pendant les longues soirées d’hiver ou pendant les belles nuits d’été, le temps ne manque pas aux vieux pour ressasser les contes d’autrefois, réfléchir aux problèmes pratiques, écouter de pieuses lectures, ou songer aux éternelles questions ; il manque encore moins aux jeunes filles pour chanter et former des rondes, aux garçons pour arpenter la rue en lançant des couplets improvisés, à tous pour se rencontrer, causer, danser. La vie est pauvre et laborieuse, parfois grossière, mais sans calcul sordide, souvent même dénuée du simple souci de prévoyance. Elle laisse à l’esprit sa liberté, à l’âme son aspiration vers le beau.
Le paysan décore ce qui l’entoure : sa cuiller de bois, ses pots de terre ou d’écorce, l’arc auquel il attelle son cheval, sont peints et ornés, ses essuie-mains sont brodés, ses fenêtres sont encadrées de lattes sculptées et peintes. Derrière les misères quotidiennes, il y a un fond de poésie, qui émerge à tout instant ».
A lire : “La broderie et la dentelle russes”, L. Yefimova et R. Belogorskaïa, Office du Livre, Editions Vilo, Paris, 1982 pour la version russe, 1986 pour la version française, ouvrage cité dans l’article La broderie en Russie.
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Une jolie caresse dans un monde de brutes.
L’art élève l’âme, merci pour ces belles créations.
oui , grand merci pour toutes ces belles choses, le patrimoine, l’âme de cette Nation .
J’adore. Dommage que les guerres révèlent des brutes épaisses. Prions pour que les esprits éthérés triomphent de ceux-là.
Magnifique comme à l’accoutumée, jules, on ne sait que dire devant autant d’imagination de beauté et de talent. Encore merci pour toutes ces découvertes et bonne journée.