Erdoğan s’immisce dans la politique intérieure suédoise

Traduction web d’un article de Middle East Forum
Soeren Kern Focus sur l’islamisme occidental – 3 octobre 2022

Les récentes élections parlementaires suédoises ont vu Nyans, un parti islamiste naissant, remporter entre un quart et un tiers des voix dans certaines parties des villes suédoises comptant un grand nombre d’immigrants musulmans. Les résultats reflètent l’échec de la Suède à intégrer de nombreux immigrants qui ont inondé le pays ces dernières années et sont le signe avant-coureur d’un séparatisme musulman accru dans les villes suédoises. On peut s’attendre à ce que le gouvernement turc utilise le parti pour accroître encore son influence sur la diaspora turque en Suède.

Nyans (suédois pour “nuance”) a été créé en août 2019 (Il ne lui a pas fallu longtemps pour avoir des élus locaux) par Mikail Yüksel, un homme politique suédois d’origine turque, pour devenir “la voix des musulmans” en Suède. La plate-forme identitaire musulmane du parti cherche à criminaliser “l’islamophobie”, à interdire l’interdiction du voile islamique dans les écoles et à restreindre la liberté d’expression pour interdire de brûler le Coran.

En politique étrangère, Nyans cherche à augmenter l’immigration musulmane dans l’Union européenne (qu’il décrit comme un “club chrétien”) et à imposer des sanctions financières aux pays de l’UE qui refusent d’accepter plus de réfugiés. Le parti est résolument anti-israélien et veut que la Suède et l’UE imposent des “sanctions sévères” à l’Etat juif pour le forcer à céder des terres aux Palestiniens.

Nyans, qui se décrit comme le seul parti suédois “ami de la Turquie”, aurait des liens étroits avec le gouvernement du président turc Recep Tayyip Erdoğan. En effet, Erdoğan et Nyans semblent s’utiliser pour exercer une influence sur l’importante diaspora turque en Suède. Les efforts d’Erdoğan pour influencer la diaspora turque à ses propres fins sont visibles en Allemagne , aux États-Unis , en Bulgarie et aux Pays- Bas .

Plus de 100 000 personnes d’origine turque résident en Suède et environ la moitié d’entre elles viennent de Kulu, une ville de la province turque d’Anatolie centrale de Konya. Yüksel, qui est né à Kulu, a sollicité les voix des Turcs en Suède et en Turquie. Il a fait campagne à Kulu pour encourager les Turcs qui y possèdent un passeport suédois à voter pour lui et d’autres candidats turcs aux élections suédoises.

Yüksel, qui a créé Nyans après avoir été expulsé du Parti du centre suédois pour collusion avec le nationaliste turc Grey Wolves , a également été le porte-parole d’Erdoğan en Suède. Il a, par exemple, soutenu la demande d’Erdoğan que la Suède extrade les opposants politiques au président turc avant que le pays ne devienne membre de l’OTAN. Yüksel a refusé d’appeler le génocide arménien un génocide et a approuvé le soutien de Türkiye à l’Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh. L’expert suédois du terrorisme Magnus Ranstorp a suggéré que les Nyans pourraient recevoir des fonds de “sources turques”. Actuellement, cependant, il n’y a aucune preuve que ce soit le cas.

Lors des élections du 11 septembre, Nyans a présenté plus de 60 candidats dans 25 municipalités, trois régions et pour le parlement national. Presque tous les candidats étaient des musulmans d’origine turque, arabe, balkanique ou somalienne. Bien que le parti n’ait pas réussi à remporter un siège au Parlement suédois, il a remporté des succès notables au niveau local, en particulier dans certaines parties de Stockholm, Göteborg et Malmö à forte population musulmane.

A Rinkeby, un quartier de Stockholm, les Nyans ont obtenu un peu moins de 25% des suffrages. À Västra Hisingen, un arrondissement de Göteborg, deuxième ville de Suède, le parti a recueilli plus de 25 % des suffrages. Dans le district de Rosengård à Malmö, la troisième plus grande ville de Suède, les Nyans ont remporté plus de 30 % des suffrages. Dans l’ensemble, le parti a remporté 2,1% du total des voix à Malmö, en dessous du seuil de 3% pour le conseil municipal. Les Nyans entreront dans les conseils municipaux de Botkyrka et Landskrona, des villes plus petites où le seuil n’est que de 2 %.

Certains analystes ont minimisé l’importance des gains réalisés par Nyans. Levent Kenez, un journaliste turc vivant en exil en Suède, a fait valoir que même si les résultats électoraux du parti étaient élevés en termes de pourcentage dans certains quartiers des grandes villes, le nombre réel de voix “ne correspond pas à un grand nombre d’électeurs parce que ces les circonscriptions ne sont pas très peuplées. »

D’autres ont déclaré que les résultats obtenus par Nyans sont impressionnants pour un nouveau parti politique et ont prédit qu’il entrerait au Riksdag , le parlement suédois, lors d’une future élection. Nyans s’est déjà inscrit pour participer aux élections de 2024 au Parlement européen.

Pendant la campagne, Nyans a été accusé d’avoir utilisé la désinformation “nous contre eux” pour inciter à la division et attirer les électeurs musulmans. Le parti, par exemple, a faussement affirmé que les partis de l’establishment suédois prévoyaient d’introduire une interdiction du voile islamique dans les espaces publics.

Nyans s’est également allié à Shuoun Islamiya (Affaires islamiques), un site Internet islamiste prétendument lié aux Frères musulmans, pour organiser une campagne médiatique controversée – utilisant le hashtag “La Suède est un État fasciste” – qui a accusé les autorités suédoises de protection de l’enfance d’avoir systématiquement kidnappé des musulmans. enfants et de les placer dans des foyers d’accueil non musulmans où ils sont forcés de manger du porc et de boire de l’alcool.

Les médias suédois ont rapporté que des «acteurs étrangers» en Turquie se sont ingérés dans l’élection en utilisant des plateformes de médias sociaux avec un grand nombre d’adeptes pour encourager les immigrants en Suède à voter pour Nyans. Des messages ont été envoyés en turc et en arabe qui incitaient les immigrants musulmans contre leur pays d’accueil. Une vidéo en arabe aurait montré la police suédoise en train d’enlever un enfant musulman.

Les médias suédois ont rapporté que des «acteurs étrangers» en Turquie se sont ingérés dans l’élection en utilisant des plateformes de médias sociaux avec un grand nombre d’adeptes pour encourager les immigrants en Suède à voter pour Nyans.

En fin de compte, de nombreux électeurs musulmans qui ont soutenu les sociaux-démocrates dans le passé semblent avoir donné leur vote aux Nyans. Certains analystes ont déclaré que l’ampleur du soutien aux Nyans, amplifiée par le système multipartite fragmenté de la Suède, a coûté l’élection aux sociaux-démocrates. Dans le système suédois de politique de blocs, quatre partis de centre-droit et conservateurs ont remporté 176 sièges, tandis que la coalition de centre-gauche qui comprend les sociaux-démocrates au pouvoir a obtenu 173 sièges. Même si Nyans n’a remporté des sièges que dans deux municipalités, cela a eu un impact démesuré sur l’avenir de la Suède.