Brice Couturier: «Non, le woke n’est pas un fantasme de “réac”, c’est une révolution culturelle en marche»

Du “Figaro”:

 
 

Par BRICE COUTURIER

TRIBUNE – Le journaliste et essayiste, auteur d’un ouvrage remarqué sur le sujet, répond à ceux qui nient la réalité du militantisme woke et attribuent sa dénonciation aux seuls conservateurs. Il décrypte cette rhétorique du déni, déjà déployée pour minimiser l’existence de l’islamo-gauchisme.

 

Dans un article qui se présente comme une mise au point sous le signe du «fact checking», Franceinfo a mis en ligne un article de Clément Viktorovitch, son spécialiste en «décryptage des discours politiques» consacré au mot «woke».

Après avoir relevé que plusieurs ministres du gouvernement actuel, ainsi que l’ancien premier ministre Édouard Philippe, avaient attaqué «la “cancel culture” et le wokisme», cet universitaire habitué des médias prétend nous expliquer l’origine de ce mot et régler leur compte à ceux qui l’emploient.

«En éveil»

Il a raison, lorsqu’il affirme que cet adjectif, issu de l’argot noir américain, a été utilisé aux débuts du mouvement Black Lives Matter et qu’il a ensuite été retourné de manière critique par les adversaires intellectuels des «combattants de la justice sociale» qui terrorisent les campus nord-américains.

On pourrait rendre au plus juste le sens du mot woke par le laborieux participe passé «conscientisé», autrefois en usage dans le vocabulaire gauchiste.

Il désigne, en effet, ceux qui, parmi les minorités ethniques, sexuelles, religieuses, etc. ont pris conscience de l’oppression qu’ils sont censés subir et demeurent «en éveil», mobilisés pour les combattre.

 

Il connote une idée de méfiance vigilante envers les institutions.

 

Il renvoie à l’idée de «racisme systémique», ce «racisme 3.0», comme l’a défini pour le critiquer le linguiste noir américain John McWhorter.

Contrairement au «racisme 1.0», il ne s’agit pas de préjugés, ni des comportements individuels, mais d’une focalisation sur les résultats comparés, obtenus dans tous les domaines par les membres des groupes ethniques, pris en bloc.

Ainsi, par exemple, si les résultats en mathématiques des élèves noirs sont inférieurs à ceux des élèves blancs – et surtout à ceux des Américains d’origine asiatique -, il faudrait mettre en cause le «racisme» des exercices et des tests mesurant les performances des élèves dans cette matière et, par-delà le «racisme» qui persiste à structurer insidieusement la société américaine tout entière. D’où l’appel à «décoloniser les mathématiques», comme le réclament désormais un certain nombre d’universitaires, rarement mathématiciens eux-mêmes.

 

«Le terme woke a été progressivement délaissé par ses défenseurs… et repris
par ses adversaires,
poursuit Viktorovitch, c’est-à-dire la droite conservatrice américaine, Donald Trump en tête.»

Et c’est, poursuit-il, ce qui se passe à présent en France. Le mot ne mériterait pas d’être considéré comme un authentique concept politique, il serait un simple «mot repoussoir», destiné à «faire exister» une menace imaginaire, bref une arme de disqualification massive utilisée contre le discours de gauche .

C’est également le cas, ajoute Viktorovitch, de «l’islamo-gauchisme», qui n’aurait pas davantage de réalité.

On se rappelle, comment, face aux inquiétudes exprimées par la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, elle-même, le CNRS s’est fendu d’un communiqué affirmant que «“l’islamo-gauchisme”, slogan
politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. Ce terme aux contours mal définis fait l’objet de nombreuses prises de position publiques, tribunes ou pétitions, souvent passionnées.»

Une chimère

Le procédé est toujours le même. C’est celui du déni, drapé dans l’autorité de la science.

Circulez, il n’y a rien à voir.

Il a déjà servi face aux inquiétudes légitimes suscitées par l’introduction dans les écoles de la théorie du genre, durant le précédent quinquennat: le concept est erroné, il ne renvoie à aucune réalité «scientifique», c’est une invention de la pensée conservatrice, une chimère brandie afin de faire peur aux gens et d’interdire le développement de la recherche dans ces nouveaux champs d’investigation légitimes que seraient les études de genre, décoloniales et postcoloniales, indigénistes, «intersectionnelles» et, de plus en plus, l’irruption de la «question raciale» en tant que «champ d’étude légitime»…

Bref, la tendance à la «racialisation de la question sociale», comme on dit pudiquement.

Ceux qui tentent de cantonner l’usage du mot «woke» à la sphère «réactionnaire» devraient se souvenir que Barack Obama, qui ne passe pas pour un archéo-conservateur, ni pour un ethno-populiste, utilise couramment le mot.
Il a plusieurs fois mis en garde les jeunes militants de gauche contre cette idéologie puritaine et exclusiviste.
Ainsi, devant un public d’étudiants, venus assister, en octobre 2019, à l’Obama Foundation Summit: «cette idée de pureté, de ne jamais faire de compromis et d’être politiquement woke et tous ces trucs, vous devriez vous en remettre rapidement. Le monde est fait de désordre, il comporte des ambiguïtés. Certaines personnes font des choses vraiment bien – et… elles ont des défauts.»

En réalité, le militantisme woke, qui a fait des ravages aux États-Unis en provoquant des clivages idéologiques sur des lignes de fracture identitaires (et donc non négociables) et en hystérisant le débat public, vient seulement de débarquer sur nos rivages.

Ceux qui l’ont adopté voudraient nous imposer un système conceptuel qu’ils tiennent pour si évident qu’il constitue, à leurs yeux, la seule grille de lecture possible de toute conflictualité sociale.

Cette Grande Révolution culturelle américaine s’acharne sur la France parce que notre culture politique comporte des anticorps qui la rendent particulièrement résistante: l’universalisme, la rationalité, la laïcité, l’antiracisme authentique.

Une bataille intellectuelle de forte intensité vient de commencer.

Pour la mener, il est nécessaire de connaître son adversaire et d’être en mesure de le nommer.

*«OK, Millennials! Puritanisme, victimisation, identitarisme, censure… L’enquête d’un baby-boomeur sur les mythes de la génération “woke”», Éditions de L’Observatoire.

 

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/brice-couturier-non-le-woke-n-est-pas-un-fantasme-de-reac-c-est-une-revolution-culturelle-en-marche-20211025

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14 Commentaires

  1. Brice Couturier a raison de dénoncer le wokisme. On n’arrête pas de battre notre coulpe, tout le temps. Pendant ce temps, une autre culture en profite largement.
    Zemmour avait intitulé un de ces livres “le suicide français”. Il a raison, mais il faudrait dire le suicide de l’Occident.
    Tout l’Occident est ravagé par la culpabilité. Le mal est très profond.

  2. Le woke comme la cancel culture c’est de la merde ! Un SIDA mental pour arriérés du bocal !

  3. Le wokisme est un gauchisme qui a glissé du socialisme au sociétalisme, même méthodes, mêmes délires , mêmes conséquences.
    Après la lutte des classes , la lutte des races et des genres .

  4. ” Une révolution culturelle en marche»Sur le blog au Fil de la Pensée:
    Emportés par leur élan, les jeunes de toutes conditions sociales se rassemblent sous l’étiquette de « Gardes rouges ». Ils brandissent le Petit livre rouge des Pensées du président Mao, un recueil de formules prudhommesques que tout bon révolutionnaire se doit d’apprendre par coeur et répéter à tout propos.
    Ils multiplient les réunions politiques et les rassemblements de masse, s’expriment par dazibaos (affiches manuscrites) et bousculent au sens propre et au sens figuré les institutions du pays.
    Dans les deux années qui suivent, ils lynchent à mort leurs maîtres et les supposés « représentants de la bourgeoisie ». Ils saccagent aussi les temples, les monuments patrimoniaux ou encore les magasins en relation avec l’ordre ancien. Ils brûlent des livres anciens.
    Ce sont les mêmes!

    • Vous faites bien de le rappeler car c’est exactement çà ! Le fondement de pensée, le mécanisme de diffusion et l’endoctrinement sont rigoureusement communistes.
      L’infiltration des organismes est le mise en application des doctrines de Gramsci.
      Pour le reste, ils déguisent habilement le tout dans des concepts prétendument nouveaux ou écolo-dingos. Ca ne les gène pas, le public auxquels ils s’adressent est crétin, inculte ou soumis.
      C’est comme les Khmers ou les talibans, on ne s’en débarrassera pas avec des discours …

  5. Millenial… illuminial!
    La meilleure traduction de woke, c’est “illuminé”. Dans le sens péjoratif. Le neuneu qui croit avoir reçu la révélation et compris ce que personne avant lui n’avait compris.
    ____
    Viktor Clémentovitch,ou Viktovaritch, comme je l’appelle par dérision, quant à lui, est un pur activiste trotskyste, islamogauchiste, comme l’était Thomas Guénolé, dit Thomas Guignolo (qui lui a tombé le masque, fait son coming-out en révélant son gauchisme forcené en se ralliant à LFI avant d’en être viré).
    L’autre surnom que je donne à Clémentovaritch et qui lui va si bien, c’est “le Schtroumpf à lunettes”, tellement il est pédant et toujours en train de citer le Grand Schtroumpf.
    Étant bien plus compétent que lui en analyse du langage et en logique formelle, je peux vous affirmer qu’il raconte n’importe quoi : il enfume l’auditoire qui n’y connaît rien avec des mots savants, mais son analyse est systématiquement biaisée et tendancieuse : il “valide” toujours les thèses gauchistes, indigéniste, woke et “invalide” toutes les thèses opposées (validations et invalidations fallacieuses, bien entendu)
    _____
    Je me souviens d’une fois en plateau avec Zemmour où il avait eu le culot d’acier d’affirmer que l’argumentation de celui-ci était invalide car il usait prétendûment d’un argument d’autorité, ce qui était faux : Zemmour ne faisait que citer un auteur pour expliciter sa propre pensée, parce qu’il faisait sienne l’idée de cet auteur et le reprenait, comme on le fait tous, et parce que cet auteur avait formulé mieux qu’on ne saurait soi-même le faire.
    Si quelqu’un a déjà exprimé d’une façon parfaite ce que vous pensez, pourquoi vouloir le dire autrement en moins bien? Et l’honnêteté intellectuelle commande bien sûr de citer son nom, non pour faire appel à son autorité ou son patronage, mais pour lui rendre son dû. C’est exactement ce que faisait Zemmour. Et Clémentovaritch de hurler faussement au sophisme imaginaire!
    Là où le culot du Schtroumpf à lunettes était sans limites, c’est que lui-même vingt minutes auparavant, avait prétendu clouer le bec de Zemmour en invoquant Jürgen Habermas, “le plus grand philosophe de notre temps”, ce qui “démontrait” que lui Viktor Vichynskivitch avait raison. ÇA c’était un argument d’autorité fallacieux!
    Le schtroumpf à lunettes gauchiste Clémentovaritch est, en bon gauchiste, un sophiste et un fieffé malhonnête. Intellectuellement, une ordure crapuleuse, menteur et manipulateur, avec un agenda subversif en tête, et adepte du double standard, accusant son “ennemi” de ses propres crimes.
    Ai-je besoin de préciser que je vomis cette petite raclure de chiotte?

  6. Comme d’habitude, les Français qui se croient les plus “avancés” ne trouvent rien de mieux que de copier les débilités américaines dans tous les domaines, alors que notre vieille civilisation est parfaitement capable d’évoluer par elle même ! Et tous ces abrutis de “wokistes” n’ont pas compris que leurs nouvelles “valeurs” ne feront que développer les germes de racisme qui sommeillent un peu partout dans toutes les populations et même dans la population française, pourtant beaucoup moins raciste que d’autres…

  7. Les USA ont toujours été un pays de tarés répandant leurs poisons dans les autres pays occidentaux!

    • Des tarés oui, et incultes de surcroît.
      Et pourquoi donc ?
      Parce que leur système d’éducation est nul, jusqu’au niveau secondaire, celui qui touche la majorité des gens, celui qui donne les bases minimum.
      Après, l’enseignement supérieur, c’est (c’était ?) une autre histoire.
      Et pourquoi donc ont-ils un système secondaire archi-nul ? Chacun peut trouver les réponses, avec un minimum de réflexion.
      Chez nous on a vu se mettre en place le même système, avec le collège pour tous, où la médiocrité et la complaisance, ont remplacé l’effort et le mérite.
      Triste époque, bien analysée par Onfray dans son livre ‘theorie de la dictature’.

    • Je crois que ce n’est pas tout à fait vrai. En fait, quand une idée américaine complètement idiote apparaît, il se trouve toujours un Français pour la trouver ” géniâââââle, absolutly fabulous ” puisque tout ce qui est américain est du dernier chic, et la ramener chez nous. Les Américains n’ont pas besoin de l’exporter, les Français en sont friands !

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