Tous les deux ans, Dinan revêt les habits du passé pour sa désormais célèbre Fête des Remparts. L’édition 2025, annoncée comme « immersive, spectaculaire et renouvelée », entend pourtant rompre avec la célébration historique populaire que les Bretons – et les visiteurs venus de toute l’Europe – avaient appris à aimer. Place désormais au « médiévalisme », un concept flou mais lourd de sens idéologique, qui relègue l’Histoire au rang de prétexte, au profit d’une réécriture contemporaine où les préoccupations militantes prennent le pas sur la vérité historique.
D’un passé réenchanté à un présent réinterprété
Dès les premières pages du dossier de presse, le ton est donné. Il ne s’agira plus d’une « fête médiévale », qualifiée d’« anachronique », mais d’une « manifestation culturelle » centrée sur les « représentations contemporaines du Moyen Âge et leurs réceptions culturelles, sociales et politiques ». Autrement dit : l’Histoire au service de l’idéologie du moment. On remplace l’objectivité historique par une subjectivité assumée, où l’émotion l’emporte sur la rigueur, et où le Moyen Âge devient un miroir des obsessions modernes.
La direction artistique le confirme : l’événement entend « interroger notre rapport au passé à travers une approche sensible, immersive, historique et créative », dans une volonté de « renouveler les représentations du Moyen Âge »
Dans la sélection des artistes, l’approche n’est pas uniquement patrimoniale, elle devient vecteur de messages sur les identités, l’hybridité, et les représentations contemporaines.
Féminisation, inclusivité, écologie : un triptyque bien dans l’air du temps
Le lexique employé dans ce document officiel est sans équivoque : il ne s’agit plus de célébrer une époque, mais de faire passer un message.
Le thème principal – « Arts et Cultures – Éclats médiévaux » – est suffisamment flou pour justifier toutes les dérives : théâtre militant, dragons inclusifs, féminisation anachronique des figures historiques, jusqu’au choix d’une héroïne locale (Tiphaine Raguenel) mise en avant non pour sa place réelle dans l’Histoire, mais pour sa capacité à cocher les bonnes cases du féminisme contemporain.
L’idéologie verte n’est pas en reste : écocups, circuits courts, mobilités douces, gestion des déchets, tout y est – sauf le rappel qu’au Moyen Âge, on ne prenait ni TER ni covoiturage pour se rendre au marché. Là encore, l’anachronisme est volontaire et revendiqué.
On n’oublie pas non plus le stand sur les « violences sexistes et sexuelles », dans l’air du temps du féminisme engagé, sans que l’on ait, par le passé, constaté néanmoins une explosion des agressions au sein de cette fête qui fût médiévale (mais pourquoi donc, hein ?)
Des intervenants à l’agenda militant bien connu
Le choix des conférenciers et des têtes d’affiche du festival dit tout de l’orientation idéologique prise par l’événement. William Blanc, militant d’extrême gauche et historien du « médiévalisme », est de nouveau à la manœuvre pour encadrer les conférences. Il faut rappeler qu’il est notamment co-auteur de Charles Martel et la bataille de Poitiers, de l’histoire au mythe identitaire, ouvrage visant à déconstruire tout usage identitaire de l’Histoire.
À ses côtés, Fanny Madeline ou encore Nota Bene (Benjamin Brillaud), youtubeur passé maître dans l’art de la vulgarisation orientée et du politiquement correct appliqué à l’Histoire.
Le « off » du festival propose même des après-midis « jeux de rôle » animés par ces intervenants, comme William Blanc, qui se présente ici non comme historien mais comme maître du jeu, dans une confusion volontaire entre fiction et réalité.
Une fête populaire dévoyée
Ce glissement du festival vers une « plateforme artistique pluridisciplinaire » aux accents woke constitue une trahison envers son esprit fondateur. La Fête des Remparts fut autrefois une célébration enracinée, valorisant les métiers, la chevalerie, la foi, la ruralité, le patrimoine local. Désormais, le programme ressemble à celui d’un festival subventionné (et même archi subventionné par les collectivités locales, c’est à dire par les contribuables, qui paieront néanmoins l’entrée) : beaucoup de verbiage inclusif, de relectures féministes et de spectacles « contemporains » où les danses médiévales côtoient les acrobaties circassiennes engagées.
Même la reconstitution du célèbre duel de Bertrand du Guesclin à Dinan semble reléguée au rang d’attraction parmi d’autres, noyée dans un flot d’animations destinées à satisfaire un public infantilisé ou biberonné à Netflix.
Derrière cette façade festive, c’est une réécriture politique de l’Histoire qui se joue. En évacuant la profondeur spirituelle, la verticalité religieuse et la réalité hiérarchique de la société médiévale, les organisateurs remplacent le vrai par le vraisemblable, l’héritage par le spectacle, la tradition par le folklore.
Que les Bretons et les amoureux de l’Histoire en prennent bonne note : la Fête des Remparts 2025 ne célèbre plus le Moyen Âge, elle l’utilise. Elle reflète une transformation culturelle profonde. Elle ne se veut plus uniquement festive ou patrimoniale, mais pédagogique, politique et militante. Loin de l’esprit festif et familial qui faisait son succès, elle adopte les codes d’un événement culturel contemporain, cherchant à « questionner » plutôt qu’à faire rêver. Cela ne manquera pas d’interroger les fidèles amateurs d’histoire médiévale, pour qui la transmission du passé ne saurait être détournée à des fins idéologiques.
Et ce n’est plus un festival populaire enraciné qu’ils financeront, mais une vitrine idéologique au service d’une vision du monde qui leur est de plus en plus étrangère.
YV
Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2025, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine
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C’est relativement amusant, car pour celui qui connait la pensée du moyen âge à travers les nombreuses oeuvres littéraires éditées aujourd’hui dans la merveilleuse collection bilingue « lettres gothiques », j’ai plutôt l’impression du monde à l’envers et que les « arriérés » sont nos contemporains !