Les BRICS auront-ils la peau du roi dollar ?

L’illustration ci-dessus est excessive, bien évidemment. Après huit décennies de domination mondiale, ce n’est pas demain que les États-Unis et le roi dollar vont renoncer à leurs privilèges exorbitants et se laisser détrôner sans combattre par les nations du Sud global, qui entendent briser le carcan occidental d’un monde unipolaire aussi injuste que dépassé.

Mais le fait est que la puissance économique des États-Unis n’est plus celle de l’après-guerre, quand le peuple américain se partageait 70% de la richesse mondiale. Non seulement les pays anéantis par la guerre se sont redressés, mais de nombreuses nations émergentes sont enfin sorties de leur léthargie et concurrencent dorénavant le monde occidental dans les domaines les plus avancés.

La banque JP Morgan vient de sortir une étude s’interrogeant sur l’avenir du dollar et adressant une mise en garde aux inconditionnels de la monnaie américaine, qui estiment que le roi dollar va régner encore pour 100 ans. Bel optimisme !

 

Pour les plus virulents détracteurs de Washington, jamais avares de superlatifs pour dépeindre l’inexorable déclin américain, le dollar est en soins palliatifs et n’en a plus que pour douze mois avant de rendre son dernier souffle. On imagine le chaos qui s’ensuivrait…

La vérité est bien entendu entre ces deux extrêmes, ce qui laisse le champ libre aux analystes pour affuter leurs arguments.

Depuis l’agrandissement des BRICS, passés de cinq membres à onze lors du sommet de Johannesburg, le déclin programmé du dollar, en tant que monnaie de réserve mondiale et principale devise du commerce international, anime les débats.

Il est vrai que les BRICS 11 pèsent dorénavant 30% du PIB mondial, donc un peu plus que le G7. Et surtout, le groupe représente 46% de la population mondiale, tandis que plusieurs dizaines de pays patientent en salle d’attente pour faire partie des heureux élus.

Parmi les derniers entrants, figurent de grosses pointures du marché de l’or noir, comme l’Arabie, l’Iran et les Émirats arabes unis. Les BRICS 11 contrôlent donc 70 à 80% de la production de pétrole, ce qui n’arrange pas les affaires de l’Europe, qui n’a rien trouvé de mieux que de lancer onze trains de sanctions contre la Russie alors qu’elle ne possède aucune matière première.

Des sanctions qui se retournent contre les Européens et qui renforcent la Russie en tant que leader du monde multipolaire en construction. La victoire programmée de Moscou sur l’Otan ne peut qu’encourager le Sud global à s’affranchir du carcan occidental.

C’est ainsi que la confiance dans le dollar fléchit et qu’en vingt ans, la part de cette monnaie dans les réserves de change mondiales est passée de 73% à 58%. Un phénomène qui devrait s’accélérer compte tenu de l’endettement massif des États-Unis, qui en inquiète plus d’un. Seuls les pays occidentaux, sous pression américaine, achètent des dollars, tandis que la Chine et l’Inde s’en délestent.

De plus, le gel, ou plutôt le vol de 300 milliards de dollars appartenant à la Banque de Russie, ne peut que saper la confiance des émergents dans le billet vert. L’Afghanistan en a aussi fait les frais, puisque 10 milliards de dollars lui appartenant sont figés.

Les agences de notation, chinoise ou américaines, n’hésitent plus à sanctionner les États-Unis. Fitch vient de déclasser le pays de AAA à AA+. Le marché obligataire américain est sans doute gigantesque, mais quand on émet 1 000 milliards de dollars en un seul trimestre, cela interroge. Jusqu’à quand l’Amérique pourra-t-elle vivre à crédit sur le dos de toute la planète ?

Sur les 32 000 milliards de dollars du commerce mondial, 40% se traitent en dollars, alors que les exportations américaines ne pèsent que 8% du total. Par ailleurs, 88% des opérations sur le marché des changes se font en dollars.

La guerre en Ukraine, voulue par les États-Unis dans l’espoir de disloquer la Fédération de Russie pour mieux lui voler ses gigantesques richesses minières, se solde par un fiasco pour Washington. Non seulement l’Otan se révèle incapable de tenir tête à la Russie, mais les BRICS ont décidé de s’affranchir du dollar et d’utiliser les monnaies locales pour leurs échanges. L’Arabie vend son pétrole en acceptant d’autres monnaies que le dollar. Roupie, yuan et rouble se taillent des parts de marché dans les échanges entre BRICS.

Il serait imprudent d’enterrer le dollar prématurément. Mais force est de constater que la guerre en Ukraine a eu pour effet d’intensifier la volonté du Sud global de s’affranchir de ce monde unipolaire qui impose sa loi sur la finance mondiale et le commerce international, alors que ce monde n’est plus majoritaire, ni en population, ni en PIB. Et l’écart ne peut que se creuser de par la démographie.

G7 contre BRICS, Nord global contre Sud global, c’est un bouleversement gigantesque qui se met en place et qui ne pourra que s’accélérer quand la défaite de l’Ukraine, et donc de l’Otan, sera actée. Et c’est pour retarder cette cruelle échéance que Biden et ses complices, des criminels que l’histoire jugera, continuent de sacrifier 20 000 soldats ukrainiens par mois, qui croient mourir pour leur pays alors qu’ils se sacrifient pour l’Amérique.

En lançant son offensive le 24 février 2022, Poutine n’aurait jamais imaginé qu’il se lançait dans une guerre longue, mais les Occidentaux, de leur côté, n’auraient jamais soupçonné qu’ils allaient s’enliser dans un bourbier à 200 milliards de dollars, d’où Poutine sortira vainqueur et leader du monde multipolaire de demain.  En attendant, 18 mois et 400 000 morts plus tard, les otaniens intégristes ne veulent pas lâcher prise, alors qu’ils savent très bien que ni Poutine ni le peuple russe ne reculeront d’un pouce.

Jacques Guillemain

https://ripostelaique.com/les-brics-auront-ils-la-peau-du-roi-dollar.html

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6 Commentaires

  1. Cette fois les USA se sont attaqués à aussi fort qu’eux, ils risquent de le payer cher.
    Tous les pays émergents qui ne veulent plus subir la loi du dollar-roi, vont se rapprocher de la Chine et de la Russie.
    La défaite sera plus cuisante qu’en Afghanistan et surtout, elle aura des conséquences à long terme sur l’avenir du pays.

  2. L’Inde a opposé son veto à l’entrée de l’Algérie dans les BRICS+ à la demande de la France.
    https://new.thecradle.co/articles/india-vetoed-algeria-brics-entry-at-frances-request-report
    Etonnant non ? Avec tout ce que la France doit à l’Algérie.
    Medvedev voit un risque de guerre civile aux États-Unis.
    Le chef adjoint du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie a noté que la discorde aux États-Unis “est quelque peu irréconciliable”.
    https://tass.com/politics/1665761
    Un économiste autrichien propose la division du Brésil en cinq États dans le cadre du partenariat des BRICS avec la Russie :
    https://bnn.network/politics/austrian-economist-proposes-division-of-brazil-into-five-states-amidst-brics-partnership-with-russia/
    Depuis assez longtemps déjà, certains demandent l’indépendance de l’extrême sud du Brésil, peuplé en grande partie d’Allemands et d’Italiens du Nord.

  3. Le Dollar a déjà commencé à descendre. Pour l’instant il glissouille gentiment. Mais attendez-vous à ce qu’il prenne de la vitesse au visu de la pente dans laquelle il se dirige. Encore un peu de temps et rien ne pourra plus freiner sa grande dégringolade. Et alors les crises précédentes auront des airs de rigolades. Gare à nos fesses avec le roitelet Euros….

  4. C’est en cours et ça prend une ampleur très rapide parce que les BRICS Brésil, Russie,Inde, Chine et Afrique du Sud plus les nouveaux entrants se sont engagés dans un processus de dedollarisation de l’économie où les pays non alignés payent leurs transaction dans leur monnaie nationale telque le Rouble, le Yuan dont les Saoudiens acceptent que les Chinois payent leurs pétrole en Yuan idem pour les Indiens qui payent leur pétrole aux Russes comme Roupie montre que l’unipolarite n’existe plus et que la Multipolarite est mise en place dans ce jeu économique et géostratégique. Le Dollar devient de moins en moins la monnaie de référence pour transactions économique mais les Amerloques connaîtrons la faillite !

  5. J’aime bien le dollar. Dans les westerns, les affiches : wanter dead or alive, 5000 dollars de récompense. En euros, ça ne le fait pas. Vous imaginez une photo avec Macron en hors-la-loi ? Avec 2 euros de récompense et plutôt dead que alive.

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