La grande tragédienne s’est éteinte mercredi à l’âge de 96 ans.
Au cinéma, elle aura été la partenaire d’Anthony Quinn mais la profondeur de son jeu lui aura permis de jouer les héroïnes antiques d’Euripide et d’Homère.
Grand chagrin après la mort d’Irène Papas. Son immense talent a fait d’elle une actrice internationale exceptionnelle, inoubliable interprète des grandes figures féminines de la Grèce antique et contemporaine. pic.twitter.com/mx3Fcgv2mk
— La Grèce en France (@GreceParis) September 14, 2022
Antigone, Electre, Hélène de Troie, Pénélope bien sûr… Irène Papas aura su incarner avec toute sa force de conviction et sa majestueuse beauté les légendes de la Grèce antique.
Antigone, 1961
L’immense tragédienne, née en 1926 tout près de Corinthe est morte mercredi à l’âge de 96 ans. L’annonce de sa disparition a été faite par le ministère de la Culture, qui ajoute dans son communiqué qu‘elle «personnifiait la beauté grecque à l’écran et sur scène».
Les épopées modernes du septième art n’ont pas oublié non plus d’immortaliser le talent de l’actrice. Dans Les Canons de Navarone J. Lee Thompson lui confia le personnage de la farouche résistante Maria Pappadimos.
Ci-dessus : Irène Papas dans Les Canons de Navarone.
Sous la direction de son mentor et ami Michael Cacoyannis, elle sera la veuve martyre dans Zorba le Grec. Costa-Gavras a fait d’elle la femme du député assassiné dans son film dénonciateur Z. Et à chaque fois le jeu dépouillé de cette comédienne, dont un seul regard énigmatique signait une scène, aura marqué le cinéma.
Irene Papas dans le film grec « Zorba le Grec » . La célèbre actrice avait interprété le rôle de la veuve
Voir aussi : Mikis Theodorakis, compositeur de la musique de Zorba le Grec et du film Z
Chanteuse patriote.
Réincarnation impeccable des personnages d’Euripide, de Sophocle, d’Homère, Irène Papas a aussi éclaboussé de ses qualités d’interprète les symphonies magiques et pop de Vangelis dans son premier groupe les Aphrodite’s Child puis un peu plus tard dans Odes, un recueil de chants traditionnels grecs.
En 1980, de passage à Paris pour présenter cet album, elle dira avec une humilité non feinte, pourquoi elle s’était jetée dans cette aventure: « Mon grand-père était un collectionneur de chansons folkloriques. J’en connais moi-même des centaines par cœur. Avec Vangelis, nous ne faisons que faire revivre l’âme grecque et ses traditions.»
Irene Papas & Vangelis – Odes Les 40 Braves
Voir aussi : Hommage à Vangelis, le compositeur grec
Une résistante.
Quand Irini Pappa a secrètement chanté « Ti Hypermacho Stratigo » à l’intérieur de Sainte-Sophie.
Irène Papas a chanté l’hymne byzantin « Ti Hypermacho Stratigo » à l’intérieur de Sainte-Sophie à Constantinople (Istanbul) lors d’une émission en 1983.
Plus précisément, elle est entrée dans Sainte-Sophie et a secrètement chanté « Ti Hypermacho Stratigo » peu avant Pâques 1983. Cet hymne a été chanté en l’honneur de Notre-Dame en tant que sainte patronne de Constantinople.Puis elle s’est rendue avec Kostas Hardavella à Istanbul pour l’émission « Reporters » de l’ERT.
Leur plan audacieux et dangereux a été couronné de succès.
Elle porte sur la tête un foulard rouge qui rend sa présence encore plus imposante et commence à chanter « Ti Hypermacho Stratigo », l’hymne byzantin qui avait été entendu lors de la chute de la ville en 1453.
La scène donne la chair de poule. Et comme on l’entend déclarer plus tard à Kostas Hardavellas, c’est comme si « on gagnait, sans rien gagner ».
Son histoire d’amour passionnée avec Marlon Brando
L’actrice, qui accordait rarement des interviews, avait rencontré Marlon Brando en 1954 lors d’une rencontre karmique qui s’est transformée en une histoire d’amour orageuse, comme elle l’a révélé en 2004 au journal italien « Corriere della Sera ».
Plus précisément, Irene Papas, alors âgée de 24 ans, s’était rendue à Rome, où elle avait fait ses premiers pas dans le cinéma. À cette époque, Marlon Brando avait 30 ans et était recherché par les réalisateurs et producteurs d’Hollywood.
L’acteur américain était fasciné par la beauté et le tempérament méditerranéen de la femme grecque. Les deux acteurs ont vécu une relation passionnée, qui est restée cachée des médias.
Comme Irene Papas l’a révélé plus tard : « J’aimais beaucoup Brando et je tenais à lui. C’était la grande passion de ma vie ».
Bien que le couple se soit séparé, ils ont continué à rester en contact et en 1999, lorsque l’acteur s’est à nouveau rendu en Grèce, il n’a pas manqué de rencontrer Irène Papas, qui a dit de cette rencontre : « Malgré la distance du temps, c’était toujours merveilleux la façon dont il pensait ».
L’odyssée d’Irène Papas sur cette terre commence le 3 septembre 1926. Irini Lekelou naît sous de bons auspices : ses deux parents sont des professeurs et son grand-père est poète. Bon sang ne saurait mentir et à douze ans, sans nul doute incitée par les auteurs de ses jours, Irène intègre l’École royale d’art dramatique d’Athènes. Sous l’égide de Dimitris Rondiris, un continuateur doué du pionnier de la mise en scène moderne Max Reinhardt, la jeune élève s’initie au théâtre de Molière, au chant et à la danse. Sa formation générale n’est pas non plus négligée. Reposant sur une connaissance des humanités, elle lui permettra plus tard de maîtriser, outre le grec, le français, l’italien et l’anglais.
À vingt ans, avec autant d’atouts dans son carquois, Irène Papas, possède une tête bien faite et bellement faite. Mais par un curieux paradoxe, cette femme intelligente et splendide comme les statues de Phidias, fait parfois frémir les cinéastes et les metteurs en scène qui ne savent comment, dans un premier temps, faire exploser les talents de cette femme hypersensible. Après avoir été remarquée dans Théodora, impératrice de Byzance (1956) où elle campe Saïda, le monde entier la découvre dans La Loi de la Prairie de Robert Wise où elle côtoie le légendaire acteur américain James Cagney.
Après quelques films importants comme Bouboulina de Kostas Andristos (1959) où elle se drape dans l’habit symbolique de Laskarina Bouboulina, l’héroïne de la guerre d’indépendance grecque, elle se mue en une farouche résistante grecque antinazie, Maria Pappadimos, dans Les Canons de Navarone de J. Lee Thompson. Dans ce triomphe cinématographique elle côtoie Gregory Peck, David Niven et surtout Anthony Quinn. Dans une scène du film Maria avouera, avec une pudeur sauvage digne de la déesse Athéna, au rude colonel Andrea Stavros campé par l’acteur américain, «qu’il lui plaît». Cet amour de cinéma se transformera en une belle amitié à la ville comme à la scène. Ils joueront trois fois ensemble à l’écran et notamment dans Zorba le Grec de Michael Cacoyannis où Irène Papas se fond dans le personnage tragique d’une veuve assassinée parce qu’elle refuse de se soumettre à la dure loi des hommes crétois.
Devenue un mythe vivant plutôt qu’une star internationale à paillettes, la comédienne revient à ses premières amours, la tragédie grecque, souvent sous la direction de Cacoyannis, son compatriote et double artistique. Elle est d’abord une Pénélope à la beauté douloureuse, déchirante de noblesse, dans l’Odyssée de Franco Rossi (1969). Puis les rôles d’Hélène de Troie (Les Troyennes), de Clytemnestre (Iphigénie en 1977), toujours sous la direction de son mentor, lui permettent de revisiter le génie d’Euripide.
Jamais lassée de découvrir de nouveaux horizons, Irène Papas, se lance à la fin de sa carrière dans un cinéma plus intellectuel. En 1983, elle n’a pas peur de se métamorphoser en une détestable grand-mère dans Erendira de Ruy Guerra une adaptation d’un roman de Gabriel Garcia Marquez. La rencontre de ces deux monstres sacrés fera avouer à l’actrice, telle une profession de foi enfouie, qu’elle aura été son credo artistique : « Gabriel est un magicien de la science-fiction intérieure. Mais au-delà de son imagination délirante, je l’aime, parce qu’il sait mêler cela à la réalité, comme j’ai toujours essayé modestement de le faire.» Le Figaro
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Merci Jules de nous avoir informés de cette disparition tue!
J’ai toujours souvenir d’avoir appris l’Antiquité à l’école par un professeur passionné de cette période ( Perse, Egypte, Grèce, Crête, Italie romaine).
Dans les années 60, beaucoup de films peplum illustraient nos études, pour y voir entr’autres acteurs et actrices, Irène Papas.
Sa disparition ravive à la fois un rappel d’elle mais aussi cette passion communiquée par ce prof et conservée encore à ce jour.
C’était une bonne époque d’émerveillements à connaître l’Antiquité, de curiosités de savoirs et de jeux guerriers que nous reprenions sur ces thèmes.
Sauf être passée à côté de l’info, ni la radio ni la télé n’ont rendu hommage à Irène Papas… Pourtant, d’ordinaire, dès qu’un acteur s’éteint les médias ne cessent d’en parler… Pourquoi ce silence ? Pas un seul film où elle apparaît n’est, à ma connaissance, programmée dans les prochains jours.
J ai decouvert Irene Papas en 1969 avec le magnifique feuilleton « L Odysee ». Elly jouait Penelope.
Je recommande vivement aux plus jeunes la vision de ce chef d oeuvre televisuel. Il se trouve parfois en Dvd (import Canada) ou tout simplement sur Youtube. C est certainement l adaptation la plus fidele de l oeuvre d Homere.
Trouvé sur YouTube, de Franco ROSSI en quatre parties, de 1968, ça m’a l’air très réussi.
En introduction , les vestiges de Troie découverts récemment.
Destruction aux environs de 1300 ans avant JC.
Divine Irene Papas.Merci,Jules Ferry pour ce bel hommage.
Très belle Irène Papas, merci Jules Ferry, du beau travail !!
Une légende du cinéma qui nous quitte , c’est autre chose que les brêles genre julie Gayet ou Muriel Robin qui ont pourtant sûrement gagné plus de fric que cette immense artiste !
Magnifique portrait. Merci, Jules
Comme les commentaires ci dessous merci pour cette biographie , J’ai du voir ce film 2 fois…pour les plus connus ,cette actrice a fait partie du grand cinéma de mon adolescence
Bonjour,
Merci pour ce très beau portrait !
La Grèce antique et la Grèce d’aujourd’hui incarnée par Irène Papas.
Le temps s’en va, ainsi que les amis que j’aimais, et mes folles amours qui ne reviendront plus. Le temps s’enfuit et la mort éclaircit nos rangs chaque instant. Le soir à la fenêtre, je m’interroge. Encore combien de jours, ou d’heures, ou de mois ou d’années ? La vie passe comme un songe. Ferme les yeux, la vie n’est qu’un rêve. L’oiseau qui fend l’azur ne sera peut-être plus là demain, ni moi non plus. Le soir tombe sur ma mélancolie.
Signé Argo. Mélancolies vespérales.
Que les Champs Eliséens l’accueillent auprès de tous les héros Grecs.
Irène Papas, c’est une femme qui avait une figure de tragédienne. Héroïne parfaite des tragédies grecques.
Une très belle femme, et qui chantait très bien aussi. Une beauté très typée, mais qui plaisait.