Coquin de sort sur la neuvième ! (Première partie)

Lorsqu’on évoque la musique classique, on pense immédiatement à Mozart, Beethoven, Tchaïkovski…mais certainement pas à Ludwig Spohr (1784-1859), pour ne citer que celui-là. Bien qu’ayant été très prolifiques, leurs musiques sont aujourd’hui totalement oubliées. Donc on va s’intéresser « aux grands ». Pour ce qui est de la symphonie, on sait que Haydn en a composé 104, Mozart 40 (et non 41 comme on le croit souvent, car la numéro 37 n’est pas de lui, mais de Michel Haydn, frère de Joseph).

Et Beethoven ? Personne ne conteste le fait qu’il ait composé neuf symphonies, même s’il avait déjà écrit les ébauches d’une dixième. La neuvième symphonie est la première de l’Histoire qui contient une partie dédiée à la voix. Le fameux thème Freude schöner Götterfunken (Joie,belle étincelle des dieux) avait déjà été esquissé par Beethoven dans sa fantaisie chorale (1808) :

L’intégralité de cette pièce sera proposée dans le prochain article.

La symphonie a été créée le 7 mai 1824 à Vienne en même temps que l’ouverture La consécration de la maison. À ce moment là Beethoven était totalement sourd. Il partageait la scène avec le chef d’orchestre qui avait demandé aux interprètes de ne surtout pas tenir compte des gestes que le compositeur pouvait faire. Et d’ailleurs quand le public a applaudi, Beethoven avait plusieurs mesures de retard et continuait à battre la mesure et c’est alors que :

« La contralto Caroline Unger s’approcha de lui et le fit se retourner pour recevoir les acclamations et les applaudissements du public. Selon un témoin, « le public a acclamé le héros musical avec le plus grand respect et sympathie, après avoir écouté ses merveilleuses et immenses créations avec l’attention la plus intense ; il a éclaté en applaudissements de joie, souvent pendant différentes parties, et à plusieurs reprises à la fin ». L’ensemble du public a exprimé son enthousiasme debout faisant cinq rappels ; il y avait des mouchoirs en l’air, des chapeaux, des mains levées, de sorte que Beethoven, qui ne pouvait pas entendre ces applaudissements, pouvait au moins voir les gestes d’ovation ».

Et voilà maintenant la symphonie complète, dirigée avec énergie et enthousiasme par le sympathique Järvi :

En 1825, Franz Schubert écrit son sa symphonie ultime, La Grande. Il n’a pas pu la faire exécuter de son vivant car les musiciens la trouvaient trop difficile et trop longue. Même au concert posthume du 14 décembre 1828, elle ne fut pas jouée. Dix ans plus tard, Ferdinand Schubert, le frère de Franz, rencontre Schumann et lui remet une copie de la partition. Ce dernier, enthousiasmé, ramène cette partition à Leipzig et c’est Mendelssohn, à la tête du Gewandhaus , qui va créer l’œuvre le 21 mars 1839. Toujours aussi admiratif, Schumann rédigera le lendemain un article dans la gazette locale dans laquelle il évoque la divine longueur de la symphonie. Ce propos a été repris plus tard par celles et ceux qui estiment que l’œuvre traîne parfois en longueur, ce qui, à mon humble avis, est un peu…vrai, surtout dans le scherzo. Tout dépend du fait que les chefs font toutes les reprises ou pas et des tempos qu’ils adoptent. La version que je vous propose dure 46 minutes, ce qui est vraiment peu. C’est rapide, très rapide, un chouia trop rapide car l’introduction perd de son mystère. Nul doute que s’il existait un permis de conduire les orchestres, Manfred Honeck se serait vu retirer des points, et ce n’est pas Michel Serrault qui me contredirait, mais n’empêche…c’est quand même une version étonnante. À titre de comparaison, la version d’Herbert Blomstedt dure 14 minutes de plus, c’est considérable ! (cf.prochain article). Mon cher frère me dirait que je n’apprécie que les interprétations allant à 400 à l’heure, faut quand même pas exagérer ! 200 à l’heure me suffisent largement !

Après Schubert, nous allons nous projeter dans la temps pour arriver à Anton Bruckner et sa neuvième symphonie, entamée en 1887 et consacrée à Dieu, mais ce n’est qu’en 1903 qu’elle fut exécutée pour la première fois. Entre Schubert et Bruckner, il y eu bien sûr d’autres symphonistes : Mendelssohn, (cinq), Schumann et Brahms (quatre), Tchaïkovski (six). L’ultime symphonie de Bruckner comporte trois mouvements au lieu des quatre traditionnels. La voici interprétée par l’Orchestre National de France, dirigé par le chef néerlandais Bernard Haitink qui nous quittés en 2019 :

Beethoven, Schubert, Bruckner…la malédiction de la neuvième était bien là ! Autrement dit, quand vous avez composé neuf symphonies, ça commence sérieusement à sentir le sapin pour vous ! Et ce n’est pas Anton Dvořák qui va contredire la légende ! Le compositeur va séjourner aux États-Unis de 1892 à 1896, il va d’ailleurs participer à l’inauguration de Carnegie Hall, comme le fera également Tchaïkovski. De cette période américaine Dvořák va ramener le quatuor américain et sa plus célèbre symphonie, dite Du nouveau Monde. Les mélodies indiennes ont inspiré l’oeuvre écrite entre janvier et mai 1893. Toutefois, Dvořák se défendra d’avoir utilisé des mélodies indiennes.

La première page autographe du « Nouveau Monde » est intéressante, Dvořák liste toutes les symphonies qu’il a composées et il ne fait allusion qu’à huit ! En effet il avait envoyé le manuscrit de la première symphonie en Allemagne. Non seulement l’œuvre n’avait pas été retenue, mais la partition n’a jamais été renvoyée et Dvořák a cru qu’elle était perdue et a écrit immédiatement la deuxième, en 1865. Ce n’est qu’en 1923 que la première symphonie, « Les cloches de Zlonice » a été retrouvée.

C’est en 1909 que Gustav Mahler écrit son ultime symphonie. Mahler n’était pas qu’un compositeur, il a été aussi directeur du prestigieux Opéra de Vienne, poste qu’il occupera de 1897 à 1907. Et puis Mahler fut aussi un chef d’orchestre réputé, il va diriger l’orchestre philharmonique de New York en 1908, mais par la suite il est écarté au profit d‘Arturo Toscanini. Pour en revenir à sa neuvième, sa durée est comprise entre une heure vingt et une heure vingt-cinq minutes suivant les interprètes. L’orchestre est évidemment très fourni, comme souvent chez Mahler. D’après sa femme Alma, le compositeur prétendait que la symphonie portait le numéro 10, la neuvième étant dans ce cas Das Lied von der Erde (le chant de la Terre), symphonie pour deux solistes et grand orchestre…une splendeur ! En fait Mahler était superstitieux et ne voulait pas finir par une symphonie portant le numéro 9, en référence à Beethoven. Et d’ailleurs il mettra en chantier une dixième symphonie, dont seul l’adagio sera terminé, les autres mouvements restant à l’état d’esquisses.

Voici maintenant la neuvième symphonie jouée par l’orchestre des jeunes Gustav Mahler, dirigé par Claudio Abbado (disparu en 2014).

Si Mahler avait pris le temps de se renseigner, il aurait su que Ludwig Spohr que je citais en début d’article avait vaincu la malédiction de la neuvième avec ses dix symphonies !

On termine ce voyage avec Dimitri Chostakovitch qui lui est l’auteur de 15 symphonies. Persécuté par Staline (il est passé à deux doigts du peloton d’exécution), il en gardera des phases dépressives toute sa vie. La neuvième symphonie, créée le 5 novembre à Leningrad, faillit bien être la dernière. En effet Staline aurait souhaité que l’œuvre soit une apothéose à sa propre gloire alors que le ton de la symphonie est plutôt léger. Le dictateur était furieux et là encore, Chostakovitch faillit y laisser la vie.

Au cours du prochain article, nous retrouverons cette musique expliquée dans « Les clés de l’orchestre » de Jean-François Zygel.

Naturellement le flash mob sera consacré à Beethoven !

 

 

 

 

 

 

 

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11 Comments

  1. La 9ème symphonie de Beethoven me fait toujours penser au film ORANGE MECANIQUE, tellement d’actualité aujourd’hui ; et même, à mon avis, largement dépassé par celle d’aujourd’hui !!

    https://www.youtube.com/watch?v=lFimuAwCE0A
    L’extrait est  » Ode to Joy (Hymne à la joie) passé à la moulinette, au VOCODER …

    J’ai vu ce film il doit y avoir 25 ans, et je l’avais trouvé, technologiquement parlant (le futur montré en termes de matériel j’entends) complètement dépassé :
    les mini-cassette audio, je me rappelle, ça m’avait vraiment décu !!

    Par contre, le fond, le contexte, le déchaînement de violences, était, à l’époque, très choquant (50 années auparavant) !! là aussi, hélas, 3 fois hélas, est complètement…dépassé par les faits d’aujourd’hui !!

  2. Merci pour l’article et comme c’est un cadeau de pro, je puis évoquer les symphonies de Vaughn-Williams et celles de Glazounov, de Saint-Saëns, encore merci pour ces articles.

  3. La musique, c’est comme le vent, tantôt Zéphyr ou souffle tempétueux, ses notes courent sous les doigts ou le souffle des artistes, elle élève l’esprit de l’homme vers les plus hauts sommets. Musique, compagne fidèle, tu berces mon âme et tu meubles ma solitude. Tu es l’automne aux couleurs mordorées, l’hiver si mystérieux, le printemps éclatant, et l’été si chaud. Tu es les quatre saisons, tu es le commencement et la fin. Tu es tout. Merci Filoxe!

  4. Merci Filoxe,
    Pour un petit pied de nez à l’actualite, il y a aussi la magnifique « Symphonie Fantastique » d’Hector BERLIOZ qu’il avait dédié au Tsar Nicolas Ier.

  5. Merci pour cet article. J’adore la 9eme de Beethoven, et je suis dégoûtée que son Hymne à la joie soit utilisée par cette saleté d’UE.

    • Je suis d’accord avec vous Julie. L’Hymne à la joie est un chant d’amour universel.Les mondialistes ne veulent que l’appauvrissement et la soumission des peuples.

      • Parade militaire à Kiev, avec l’hymne à la Joie mais on l’écoutait aussi à Berlin avec Goebbels en janvier 1942! (Youtube).

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  1. Coquin de sort autour des neuvièmes (deuxième partie) – Résistance Républicaine

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