SI VOUS PASSEZ PAR MAINTENON, VISITEZ DONC LE CHÂTEAU DE LA MARQUISE, MAÎTRESSE ET ÉPOUSE MORGANATIQUE DU ROI -SOLEIL.
Françoise d’Aubigné, faite marquise de Maintenon par la grâce et les écus du roi, n’a pas eu une vie facile, ni une enfance heureuse. Elle naît à Niort le 28 novembre 1635, peut-être en prison. Son père, Constant d’Aubigné, est un aventurier; soupçonné de trahir la France au profit des Anglais, débauché, faux-monnayeur, endetté, trousseur de jupons, ayant assassiné sa première épouse et l’amant de cette dernière, délaissant sa famille, il est incarcéré un peu pour tout cela à la fois. La mère, Jeanne de Cardilhac, jeune et désargentée, est obligée, pour ne pas se retrouver à la rue, de partager la cellule du prisonnier avec ses deux enfants déjà nés. Arthémise de Villette, sœur de Constant, racontera plus tard que la situation était terrible. Les enfants étaient vêtus de haillons , le prisonnier était exténué par le manque de nourriture, et son épouse donnait tantôt le sein à son mari, tantôt à la petite Françoise. Lorsque son père quitte la prison de Niort pour une autre geôle, Françoise passe les premiers mois de sa petite enfance chez sa tante, madame de Villette, au château de Mursay, non loin de Niort. Après des années de cachot dans diverses localités, Constant est libéré après la mort du cardinal de Richelieu en 1642. Mais il doit s’exiler. En 1644, il emmène sa famille à Saint-Christophe, puis à la Martinique. Ils restent quelques mois à Marie-Galante, avant de revenir à la Martinique. La traversée depuis la France est épouvantable. Françoise, incommodée par l’odeur qui règne sur le navire, tombe en léthargie. Le capitaine du rafiot la croit morte et veut jeter le corps par-dessus bord. Heureusement, sa mère constate qu’elle respire encore et la sauve de la noyade.
Constant d’Aubigné n’a pu ou n’a pas voulu s’habituer à son existence de colon. Dès le début de 1645, il revient en France, sous prétexte de démarches auprès de la compagnie des Indes en vue d’obtenir son titre de gouverneur. Il en profitera pour abandonner de nouveau sa famille.
Au printemps 1647, son épouse regagne la France en compagnie de ses enfants. Son époux décèdera cette même année. Françoise et sa mère connurent alors la misère, contraintes de mendier un bol de soupe ou un quignon de pain à la porte des jésuites en compagnie des pauvres. Elle est prise en charge de nouveau par la tante de Villette. Mais la tante est protestante, et la marraine de Françoise , madame de Neuillant, fervente catholique, obtient une lettre de cachet de la reine-mère Anne d’Autriche, afin de récupérer sa filleule et lui permettre de pratiquer le catholicisme. Françoise, placée chez les Ursulines à Niort, puis à Paris, abjure le protestantisme, ce qui lui permet d’accompagner la marraine dans les salons parisiens.
Quatre ans après son retour en France, elle épouse le poète Scarron, de vingt-cinq ans son aîné, et gravement handicapé. Elle devient l’animatrice du salon ouvert par son mari, se cultive, et se tisse de solides relations avec les beaux esprits de l’époque, dont Athénaïs de Montespan. À la mort de Scarron, en 1660, Athénaïs l’invite à la cour.
En 1669, Françoise Scarron accepte la charge de gouvernante des enfants illégitimes du roi et de madame de Montespan. C’était introduire le loup dans la bergerie. Elle s’occupe si bien des bâtards royaux, que le roi commence à l’apprécier. Un des fils d’Athénaïs, le duc du Maine, très attaché à sa gouvernante, chassera sa propre mère de Versailles en récupérant son appartement et en faisant jeter ses meubles sur le pavé, où ils se briseront. Madame de Montespan n’était plus en odeur de sainteté depuis l’affaire dite des poisons. Et puis, elle avait pris de l’embonpoint.
Le roi, à la mort de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, épousera en secret Françoise Scarron., devenue entre-temps marquise de Maintenon. Athénaïs partie, madame de Maintenon fera planer sur la cour de Louis XIV une ère de dévotion et d’austérité. Surtout à la fin du règne du monarque. La vieille guenipe, la vieille grippée, la vieille pantecrotte, la vieille ripopée, comme la surnomme la Palatine, et même la Cour, devient d’une pruderie confinant à la pudibonderie…
Certains rappelleront qu’en son temps elle avait fort rôti le balai, et battu le velours. Formules élégantes pour désigner un épisode de galanterie. Elle rechigne même au devoir conjugal, que le roi veut accomplir scrupuleusement. Le confesseur de Françoise l’y encourage, déclarant qu’ainsi, le monarque n’irait pas courir ailleurs et qu’il était chrétien d’accomplir par vertu ce que d’autres font par vice. Certains avancent qu’elle aurait eu une grande part de responsabilité dans la révocation de l’édit de Nantes, et qu’elle conseillait le roi souvent fort mal à propos. Étant à l’origine membre de la religion réformée, il est étonnant qu’elle ait pu ainsi abandonner ses anciens coreligionnaires aux dragonnades et autres brimades. Mais tout est possible. Il la traitait parfois fort durement. Ayant une peur pathologique des rhumes et autres bronchites, elle passait ses journée d’hiver dans une chaise à porteurs à l’intérieur même de son appartement, et entourée de chaufferettes. Il ouvrait grand les fenêtres, pour aérer, disait-il. Il lui refusa même la pose de contrevents, prétextant que cela nuirait à l’harmonie du château.
Trois jours avant la mort du roi, en 1715, elle se retire à Saint-Cyr, dans la Maison royale de Saint-Louis. Elle meurt en 1719, à l’âge de 83 ans.
Françoise d’Aubigné acquiert le château et le titre de Maintenon en 1674. Le roi se rendra souvent à Maintenon. La Montespan, du temps de sa splendeur, y a même accouché.
Vous déambulerez dans les jardins tels que Le Nôtre les avaient conçus en 1676, et qui ont été reconstitués. Vous apercevrez ainsi les arches de l’aqueduc que le Roi- Soleil a tenté de faire construire pour amener les eaux de l’Eure à Versailles, dont je vous conterai l’histoire prochainement. À l’intérieur, vous traverserez un passage conduisant à la chambre qu’occupait madame de Maintenon, avec son antichambre et son petit oratoire, vous pénètrerez dans le Salon du Roi, ou chambre qu’occupait Louis XIV lors de ses visites. Vous pourrez apercevoir un cénotaphe à la mémoire de la marquise dans la galerie de tableaux représentant des membres de la famille de Noailles. Ce ne sont pas les seules pièces à visiter. Je n’ai énuméré que celles qui ont trait à Françoise et à son royal amant et époux.
En visitant ces lieux, il est émouvant de penser que cet endroit a vu passer Françoise d’Aubigné, le Roi-Soleil, et même Athénaïs de Montespan, trois êtres dont les destinées se sont entrecroisées, pour le meilleur et pour le pire. Le claquement des sabots des chevaux sur les pavés, le grincement des roues des carrosses, les cris des cochers ne se font plus entendre, ils ont disparu dans les limbes du temps. Ce temps qui a raison de tout. Tout le petit peuple composant le personnel de la marquise a disparu lui aussi. L’Histoire ne retient que les patronymes des Grands, pas le nom des humbles. Qui se souvient encore du nom des soubrettes, des valets? Pour perdurer dans la mémoire collective, il faut accomplir quelque action qui nous distingue du commun des mortels. Malheureusement, le crime y côtoie souvent les saintetés les plus éminentes, et les vices l’emportent sur la vertu. On se souvient de Gilles de Rai, mais pas de Martin le laboureur.
ARGO
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Passionnant ! Ce beau texte m’a entraîné bien loin, j’ai commencé à chercher des photos (magnifique, entouré d’eau), et puis je suis parti dans l’histoire des personnages. Merci !
Quelle fraîcheur, et quel bonheur que de lire ton superbe article, ami Argo ! Et puis, replonger dans l’Histoire aristocratique nous changent des ces gauchistes puants de merdes qui ne font que gueuler et détruire.
Moment d’histoire passionnante, quel bon moment.
Merci ami, on en redemande !
Merci pour ce très bel article
Merci pour ce petit morceau d’histoire de France. Je ne me suis pas ennuyé à le lire.
épisode de galanterie : sans doute le ménage à 3 de ninon de lenclos, celèbre courtisane, le marquis de Villarceaux et francoise d aubigné
Un tableau de Françoise, nue, au chateau de Villarceaux en garde le souvenir