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Episode 4
Une fois encore, il persévère. Depuis la veille — il le sait — on se bat à la Préfecture de police. Dans la soirée des nids de résistance sont nés un peu partout. Pendant la nuit, tout près, rue Boursault, à la mairie des Batignolles, des coups de feu ont claqué.
Dukson s’y rend pour y apporter sa bonne volonté, son courage et son grade de sergent. On lui donne un « Colt ». Il enlève ses chaussures, retrousse ses pantalons et, la chemise blanche largement échancrée sur la poitrine noire, il va au combat. Son grade lui permet de réunir des volontaires non incorporés qui constitueront sous ses ordres le groupe Dukson. Un groupe terrible, extraordinaire de courage, d’audace et de témérité.
Séquence extraite du film Libération de Paris où apparaissent Georges Dukson et ses camarades entourant un soldat allemand fait prisonnier. |
Quand le char « Somua » — pris à l’usine même par les Francs-tireurs partisans français des Batignolles — sort patrouiller, un détachement d’infanterie, exposé, vulnérable, l’accompagne. C’est le groupe Dukson, revolver et grenades à la main.
Une après-midi, le 21 août, je crois. Un soleil brûlant, dur qui colle sur la tête comme une calotte de feu. Un soleil qui rappellerait à Dukson le pays natal s’il ne se battait au coin du boulevard des Batignolles et de la rue de Rome. Il est blessé. Une balle perdue a traversé la chair de l’avant-bras.
Une infirmière le panse avec douceur. Elle est pourtant jeune, jolie, sous sa coiffe blanche. Il ne la regarde même pas. Ses yeux, durcis par la douleur, suivent le combat qui se poursuit. Il la précipite :
— Dépêchez-vous, il faut que je retourne là-bas.
Et il retourne se battre. Des grenades à manche ont remplacé le « Colt » qu’il ne peut plus tenir. Dukson dès cet instant est entré dans la légende. Son nom court de bouche en bouche. Il est le « lion noir du XVIIe », le « héros du XVIIe ».
Il n’a ménagé, il est vrai, ni sa peine, ni ses risques, ni sa vie. Pieds nus, collé contre un mur, un couteau dans une main, un revolver dans l’autre, il attendait pendant des heures. Il guettait le camion allemand. Puis, tel un jaguar, il bondissait, abattait un Allemand d’une balle, tranchait la gorge d’un autre et souvent rentrait triomphant avec son butin, à la mairie des Batignolles.
Quand les véhicules méfiants se font plus rares, il se couche à plat ventre sur le trottoir et fait le mort. Mais, au passage, il se réveille et il tire.
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