Quand Poutine refait l’Histoire, Polonais refait surface

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Décembre 2019

La Russie menace la Pologne : « C’est allé trop loin ! », vox Polonia

 

L’administration Poutine fait le forcing pour réécrire l’Histoire contemporaine au profit de la Grande Russie. L’indignation est vive en Pologne ainsi qu’au sein du monde des historiens. Tout cela a débuté en septembre 2019 lorsque le Parlement européen condamna le pacte Ribbentrop-Molotov. Et Poutine sortit de ses gonds…

 

Déconstruction de l’entre-deux-guerres

 

Poutine occulte savamment deux faits qui paraissaient effectivement dérisoires dans les années 50 où l’historiographie restait fortement teintée de culte stalinien. De une, en 1938 Staline a du sang sur les mains dans des proportions incommensurablement plus élevées qu’Hitler : programmation de la Grande Famine en Ukraine afin de dompter définitivement la région, purges de 1937-38, génocides sur fond social, goulags. De deux, durant 22 mois à savoir du 23 août 1939 au 22 juin 1941, Staline fut de son propre chef l’allié de fait des nazis, son complice malsain.

 

Poutine prétend que le pacte Ribbentrop-Molotov « avait le même caractère que les Accords de Munich ». Faux ! Malgré les nombreuses maladresses et lâchetés munichoises, l’on se rendit en Allemagne à la recherche de la paix. Le pacte de 1939 a quant à lui facilité la mise en orbite de la guerre : cette alliance permettra à Hitler de s’emparer plus facilement de la Pologne et d’échapper à une possible alliance Moscou-Paris-Londres. Quant à Staline, il se frotte les mains : main basse sur l’est de la Pologne et une partie de la Finlande, pays baltes et Bessarabie seront entre ses mains.

 

Que l’on saisisse bien l’ampleur du drame polonais : pour son offensive du 17 septembre 1939 sur la Pologne, l’URSS mobilise, excusez du peu : 500.000 hommes, plusieurs milliers de chars et deux mille avions. L’offensive soviétique aura coûté plus de vies humaines polonaises que celle… de la Wehrmacht ! Cette campagne militaire a longtemps été occultée et les écoliers polonais ne purent en prendre connaissance avant le rétablissement de la souveraineté. Tout au plus parlait-on d’une « occupation défensive visant à contrer le nazisme » mais le sujet resta tabou. Une « occupation-tampon » qui engendra Katyn et envoya plusieurs centaines de milliers de Polonais en Sibérie. Poutine ne l’ignore certainement pas !

 

 

Brest-Litovsk, 22 septembre 1939 : parade germano-soviétique

 

Drôles d’ennemis scellant une nouvelle fois le sort de la Pologne

 

Poutine « ignore » un aspect essentiel du pacte Ribbentrop-Molotov :l’économie, c’est le nerf de la guerre. En provenance d’URSS, Berlin recevra d’énormes quantités de pétrole, de matières premières et de denrées alimentaires, Hitler y trouvant également une parade presque inespérée à tout blocus allié. Ces importations serviront entre autres à fabriquer le matériel de destruction des villages français dès mai 1940.

 

Poutine occulte les buts de Staline : provoquer la chute du capitalisme en Europe via divers modes opératoires : Komintern, partis communistes nationaux et ensuite au moyen des troupes nazies (Campagne de 1940 facilitée grâce au pacte de 1939), le tout devant ultérieurement être relayé par le tsunami des troupes soviétiques militairement condamnées à grossir sans fin, ceci avec ou sans Opération Barbarossa.

 

Potsdam, 1945 : Truman félicite Staline de sa victoire et ce dernier lui répond :« Alexandre 1er est arrivé jusqu’à Paris ! ». Enfin, lui-même est arrivé à Berlin, Prague, Budapest et il y restera, n’est-ce pas Vladimir ? Sait-on seulement que Staline félicita Hitler de sa victoire sur la France ?

 

Poutine change son fusil d’épaule…

 

En 2009, lors de la commémoration du 70ème anniversaire du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Poutine déclara officiellement à Westerplatte que le Pacte Ribbentrop-Molotov était immoral. Aujourd’hui, c’est tout le contraire et cela secoue vivement les milieux polonais sensibilisés à leur douloureux passé.

 

 

Westerplatte 2009 : condamnation du Pacte

Moscou 2019 : condamnation de la condamnation du Pacte

 

Karl-Marx disait : « Celui qui ne connaît pas l’Histoire est condamné à la revivre ». Dans le cas de Poutine, l’assertion serait la suivante : « Celui qui manipule l’Histoire est condamné à la dérive ». Imaginez un seul instant une Allemagne en crise profonde à l’horizon 2030, une Allemagne réécrivant son Histoire, cette fois grande aux yeux bleus, avec pour but de reprendre possession de la Silésie…

 

Au sein de la nouvelle narration poutinienne, voilà le grand retour de l’Union Soviétique qui y joue deux rôles : celui de victime et de vainqueur du nazisme. Rien de plus. Grand admirateur du tsar Alexandre III, Poutine agit avec force préméditation dans le cadre de sa politique interne visant à « réinstruire » les jeunes générations russes tout aussi ignorantes que leurs équivalents français. Le rôle des Alliés sur le Front Ouest et la substantielle aide américaine – 200 milliards de dollars (!) – sont ignorés. Peu importe l’indignation internationale, seule compte la logique de la grandeur historique recto sans verso.

 

Poutine tente d’assimiler l’antisémitisme civil polonais au mouvement d’extermination de masse des nazis, ce qui, sauf le respect dû au chef d’État, est profondément malhonnête. Et rappelons-nous des premiers pogroms ayant bien eu lieu en cette Russie Éternelle tant vantée par Vladimir.

 

 

Décembre 2019 : Poutine accuse la Pologne

 

Durant les années 2000, croissance aidant, l’adhésion populaire à Poutine fut à proprement parler exceptionnelle et l’on enchaina avec la Crimée. Mais en 2020 Poutine semble en panne, la feuille de route est bien plus sombre : l’est de l’Ukraine est un bourbier sans fin et Zelensky n’est pas l’homme de paille tant attendu, les plans d’intégration de la Biélorussie battent de l’aile, les sportifs russes sont disqualifiés. Ainsi, puisons dans l’Histoire pour redorer le blason.

 

Rendons à Vladimir ce qui appartient à Poutine

 

J’éprouve une forme d’estime pour la « phénoménologie Poutine » puisque dès après la période Boris Eltsine la nation russe eut très bien pu sombrer dans un capitalisme sauvage voire une dictature militaire libérale façon Amérique du Sud. En s’alliant de manière exceptionnellement rusée à l’Orthodoxie, Vladimir a indéniablement maintenu l’église au milieu du village et c’est probablement ce que l’Histoire retiendra de lui.

 

L’Histoire retient également que quatre soldats allemands sur cinq sont morts sur le Front de l’Est. Poutine a entièrement raison d’insister sur ce fait même si le carnage eut pu être moindre sans le mépris total de Staline de la vie humaine, sans sa « double armée ennemie » : Wehrmacht devant soi, NKVD derrière soi, une méthodologie éthiquement rejetée par les états-majors occidentaux d’alors.

 

Les patriotes RL & RR éprouvent de la sympathie pour Poutine et je les comprends aisément car de tels profils seront sans doute nécessaires en nos faubourgs foutoirs belgo-français. Comme il le disait lui-même en 2000 : « Je suis un militaire et je suis là pour exécuter les ordres »

 

Peu s’en souviennent, mais le 5 décembre 1989 Poutine fut le seul à sortir du bâtiment dresdenois de la Stasi et à tenir tête aux patriotes allemands : « N’essayez pas de forcer l’entrée de cette propriété. Mes camarades sont armés et ils sont autorisés à tirer en cas d’urgence ». On peut reprocher beaucoup de choses à Vladimir mais certainement pas sa solide dose de courage, une valeur éthique aux abonnés absents en Macronie et en Wallonie.

 

Rendons au patriotisme son sens véritable

 

Le véritable patriotisme russe consisterait non pas à se lancer dans une ingénierie de l’Histoire condamnée d’avance hors frontières – et même intra-muros par les experts – mais à relever une économie russe assez moribonde, quoi qu’il en soit indigne des potentialités russes, à stopper l’émigration de personnel parfois très qualifié et à contenir un islam hérité géographiquement.

 

Comment Poutine peut-il expliquer que les Pays Baltes lui aient tourné le dos et qu’en dernière analyse l’Ukraine lorgne statistiquement plutôt vers les cloches de l’Ouest que celles du Kremlin ? La réponse est prosaïque, c’est le contenu du panier de la ménagère.

 

J’éprouve également une certaine rancœur envers Macron car lorsqu’un président français évoque le colonialisme français, il doit se positionner en tant qu’historien et présenter l’actif et le passif de l’aventure coloniale, même s’il s’agit d’un discours condensé. Je sais que le protocole impose la séduction des partenaires africains mais il ne saurait occulter la vérité historique.

 

Richard Mil

 

L’Ukraine vue par Chappatte, 2014

 

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5 Commentaires

  1. Pour le moment et comme patriote je remercie Poutine pour cette excellente réflexion :
     » le boulot de Dieu concernant les djihadistes est de leur pardonner et le mien de les lui envoyer « 

  2. Merci pour cette explication. Je sais que nous vivons dans l’époque de post-vérité, mais j’ai quoi même espéré que RR n’est pas touché par cette tendance médiatique.

  3. Jusque le 2005 l’histoire de 2eme guerre mondiale a été la même et les points de vue des allés ont été pratiquement identique. Depuis 2010-2015 la réécriture de l’histoire française a commencé et elle a touchée pas seulement 2eme guerre mondiale, mais aussi le rôle d’islam, etc. La réécriture a propagé des discussions en presse vers les programmes et les manuels scolaires.
    Dans cet article l’auteur récidive et présente la même révision historique que dans ses publications : https://resistancerepublicaine.com/2020/01/16/seconde-guerre-mondiale-le-differend-polono-russe-bat-son-plein/ et http://resistancerepublicaine.com/2019/06/06/certes-lurss-a-joue-un-grand-role-dans-la-defaite-dhitler-mais-celui-des-usa-a-ete-plus-important/. Regardez, également, les commentaires pour ces articles précédents.
    Franchement, je suis déçu par ces publications sur votre site, car je commence à avoir les doutes sur l’objectivité des autres articles.

    • C’est un point de vue comme un autre. L’Histoire reste perpétuellement un sujet de discorde et RR ne s’avère pas non plus monolithique.

  4. J’ai entendu cette semaine sur Radio Courtoisie, pour ceux intéressés par le sujet, une émission avec un rédacteur de la revue Conflits qui parlait du n° 25 de cette revue. Titre : Le Monde à l’heure de Poutine, revue en vente jusqu’à la fin du mois de février.

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