Avec le roman Grands Cœurs, les élèves apprenaient le patriotisme et les valeurs morales

.

France,  2020…

Momo ou Abdel ne se battraient pas pour la France…

C’est ce qu’ils clament haut et fort sur Twitter (on l’avait un peu compris avec le fleuriseement des drapeaux algériens récemment).

Il fut pourtant un temps où le patriotisme était une valeur reconnue et transmise.

 Oui, très étonnant, il fut un temps où les adultes n’enseignaient pas aux enfants la honte d’être Français !

 

Grands Cœurs : 1886

Joyau de la littérature enfantine italienne, publié en 1886 Par Edmond De Amicis (1846-1908) sous le titre Cuore, Grands Cœurs fut traduit par Adrienne Piazzi en 1892 pour sa publication par Delagrave: il rencontra aussitôt l’assentiment du public français comme l’attestent ses trente-six rééditions jusqu’en 1962!

Rédigé dans le contexte postérieur au Risorgimento, mouvement nationaliste pour l’unité de l’Italie, Grands Cœurs témoigne des préoccupations sociales et politiques de son auteur.

Son aspect emblématique, son rôle fondamental dans l’éducation populaire italienne, ses valeurs morales récurrentes du travail, de la famille et de la patrie nous autorisent à le mettre en parallèle avec Le Tour de la France par deux enfants, de G. Bruno.

L’histoire met en scène Enrico, jeune Turinois de 10 ans en classe du cours moyen, qui tient un journal durant l’année scolaire 1881-1882.

De la rentrée scolaire du 17 octobre (« La rentrée») au jour des grandes vacances le 10 juillet (« Adieu! »), l’enfant décline tout ce qui se passe dans cette école du centre-ville.

 Le journal est découpé en dix chapitres, lesquels sont divisés en une dizaine de récits environ qui scandent la vie quotidienne d’Enrico et de ses camarades à l’aune d’une moralité toujours très présente.

Mais c’est aussi l’occasion pour l’auteur, à travers les « récits du mois », d’évoquer quelques hauts faits puisés dans l’épopée encore vivace des luttes pour l’indépendance.

De même, le jeune héros nous permet de découvrir les provinces italiennes, d’une manière toute autre que Julien et André, nos jeunes guides du Tour de la France

Reste que l’analogie entre ces deux romans scolaires est bien réelle, comme le souligne Odile Roynette :

«Au même titre que Le Tour de la France par deux enfants paru en 1877 et auquel il peut être à juste titre comparé, Le livre Grands Cœurs développe une véritable religion de la patrie. Toutefois, ce patriotisme national, sans doute parce qu’il ne s’appuie ni sur une défaite ni sur l’amputation d’une partie du territoire, n’a pas te caractère âpre et revanchard de son équivalent français et se caractérise davantage par un humanisme abstrait et généreux exempt des connotations nationalistes auquel l’ouvrage de G. Bruno n’est pas entièrement étranger […).»

Dès lors, on comprend pourquoi l’Instruction publique de France n’hésita guère à proposer cet ouvrage à ses écoliers.

Malgré la version calamiteuse de Piazzi, son lettrage minuscule et les illustrations académiques de Raoul de La Nézière, l’ouvrage connut dans nos écoles un sort enviable.

Pour en goûter toute la saveur, il est néanmoins vivement conseillé de le lire dans une nouvelle et splendide traduction.

Il est toujours temps, pour nos écoliers d’aujourd’hui, d’apprécier enfin à sa juste valeur cet incontournable récit de la littérature enfantine

 Sur la nouvelle traduction :

« Sans doute est-ce la conjonction entre l’intérêt que suscite la question de l’instruction élémentaire et l’investissement des Italiens dans les thèmes et les figures patriotiques qui explique l’extraordinaire succès d’un texte vendu au début des années vingt à plus d’un million d’exemplaires et maintes fois traduit.

Au-delà d’un moralisme conventionnel et désuet, injustement réduit par Umberto Eco dans deux textes traduits en annexe, Éloge de Franti et Franti strikes again, à un message réactionnaire et nationaliste, le texte de De Amicis possède non seulement une beauté formelle mais encore un pouvoir de contestation, notamment lorsqu’il souligne la souffrance morale et physique engendrée par la guerre, qui hisse le Livre Cœur au rang de chef-d’œuvre de la littérature italienne délaissé depuis les années soixante et que cette édition nous permet aujourd’hui de redécouvrir ».

https://journals.openedition.org/rh19/448

Edmondo DE AMICIS, Le Livre Cœur, traduction de Piero Caracciolo, Marielle Macé, Lucie Marignac et Gilles Pécout, notes et postface de Gilles Pécout suivi de deux essais d’Umberto Éco

Paris, Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, 2001, 490 p.

 

Edition originale : le livre est disponible ici [merci Lucien pour l’idée !] :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65772822.texteImage

L’occasion nous est donnée d’évoquer -et d’offrir pour confrontation, deux autres romans à destination des enfants. 

Jean-Christophe

Inaugurant le roman-fleuve avec Jean-Christophe, Romain Rolland déploie sur dix volumes l’une des plus vastes épopées de la littérature contemporaine. Roman initiatique par excellence, il raconte la quête existentielle de Jean-Christophe Krafft, musicien qui traverse une série d’épreuves avant d’atteindre la sérénité et l’harmonie, confondant enfin son être avec le rythme de la Vie universelle.

 

Jacques Thibault

S’engouffrant dans la brèche ouverte par Romain Rolland, Roger Martin du Gard (1881-1958) publiait à son tour le roman-fleuve Les Thibault, ouvrage qu’il commença en 1920 pour le terminer vingt ans plus tard.

Des Cahiers gris, premier volume publié en 1922, à l’Épilogue de 1940, nous suivons l’histoire de deux frères, Jacques et Antoine, plongés dans les tourments de l’Histoire de 1905 à 1918, au fil des huit volumes s’inscrivant résolument dans un genre littéraire amorcé par Tolstoï.

Cette vaste chronique nous raconte la vie de deux frères issus d’une famille bourgeoise et que la Première Guerre mondiale va profondément séparer. Brillant étudiant en médecine, interne aux hôpitaux de Paris, dévoué aux autres et de tempérament plutôt conservateur, Antoine, rainé, se consacre entièrement à sa carrière. Jacques, quant à lui, est un écorché vif, un rebelle qui n’en finit pas d’en découdre avec une société dont il condamne l’injustice profonde. Emporté dans une épopée imprégnée de fatalité où l’issue tragique se pressent très vite, le lecteur assiste aux destins opposés d’Antoine et de Jacques Thibault.

Article inspiré de l’ouvrage de Noël Coret, Sur nos pupitres d’écoliers, des livres de lecture, 2006. Photos tirées des éditions originales.

 731 total views,  1 views today

image_pdf

2 Comments

  1. « ITALIA FARA DA SE »

    j’ espère qu un jour la France se refera elle même………………

  2. Bonjour,

    Très beau roman « les Thibault » dont je recommande la lecture.

Comments are closed.