En Marche disparaîtra-t-il aussi vite que son équivalent israélien, Kadima (en hébreu “En avant”)

Emmanuel Macron et le précédent israélien

En Marche!, un Kadima français ?
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La victoire d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle est largement celle d’un candidat au visage aussi lisse que son programme politique. Celui qu’on présente déjà comme le « plus jeune président » de la Ve République et que nous pourrions qualifier de premier candidat postmoderne, est aussi l’incarnation d’un phénomène politique récent. Par sa stratégie politique, par son programme et par sa personnalité, Macron illustre en effet une évolution que l’on retrouve dans d’autres pays occidentaux. La comparaison avec Israël, où on se plaît à surnommer Emmanuel Macron le « Yaïr Lapid français », est instructive à plusieurs égards.
« Kadima » en hébreu signifie « En avant »

Le phénomène du mouvement En Marche ! qui a amené Macron au second tour, ressemble étrangement au phénomène Kadima, éphémère parti politique israélien qui avait remporté les élections législatives de 2005, après une apparition fulgurante sur la scène politique, suivie d’une disparition tout aussi rapide. Ajoutons que « Kadima », en hébreu, signifie « En avant ». Dans les deux cas, il s’agit d’une organisation politique sui generis, sans identité bien définie. En Marche ! est un mouvement populaire se revendiquant comme étant « de droite et de gauche ». Kadima était un parti formé d’anciens membres du Likoud (droite) et d’Avoda (gauche travailliste), qui se définissait comme centriste et dont les dirigeants, à l’instar d’Emmanuel Macron, affirmaient rejeter les « clivages droite-gauche dépassés ».

En réalité, Kadima incarnait surtout l’arrivée au pouvoir des idées post-sionistes, en vogue dans les milieux universitaires et intellectuels israéliens depuis le début des années 1990. Après une ascension rapide, le parti Kadima obtint 28 sièges dans la 18ème Knesset (ce qui en faisait le premier parti, devançant le Likoud et réduisant le parti travailliste à la portion congrue). Mais ce succès spectaculaire fut de courte durée : lors des élections législatives de 2013, Kadima a été pulvérisé et n’obtint que 2 sièges. Il a disparu de la scène politique israélienne à la suite de cet échec, et sa dirigeante Tsipi Livni créa un nouveau parti, au nom tout aussi vide de contenu idéologique : « Le mouvement » (Hatnua).

Le sociologue Shmuel Trigano a décrit le postmodernisme comme une idéologie dominante, caractérisée notamment par le rejet de la souveraineté de l’Etat et des frontières. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la déconfiture des partis politiques traditionnels (UMP et PS en France, parti travailliste en Israël), qui va de pair avec l’émergence de nouvelles structures politiques, dont En Marche ! et Kadima sont les illustrations les plus marquantes. Dans les deux cas, ces nouvelles entités politiques sont marquées par un rejet des idéologies politiques traditionnelles (socialisme, travaillisme) et par le recours à des slogans qui relèvent plus du marketing que du discours politique.
Des électeurs « consommateurs »

En effet, au-delà de la similarité des noms, Kadima et En Marche ! se ressemblent surtout à un niveau plus fondamental : l’idéologie dominante post-moderniste, dont ils sont l’expression politique. Le post-sionisme (c’est-à-dire l’abandon des principes fondamentaux du sionisme politique) de Kadima trouve ainsi son semblant dans le post-modernisme incarné par En Marche !. Quant à leur rejet affiché des clivages politiques traditionnels, il recouvre, dans une large mesure, une absence de positionnement politique réel (socialistes ou libéraux? conservateurs ou réformistes?), que beaucoup décrivent comme une absence de programme.

La volonté proclamée de renouveau, (En Marche ! est l’émanation de l’Association pour le renouvellement de la vie politique) exprime ainsi la quintessence, sinon la totalité de leur programme. Mais derrière les slogans prometteurs, on a peine à déchiffrer quelle est l’identité véritable de ces mouvements politiques, dont les électeurs sont plutôt des « consommateurs » que des militants aux revendications bien définies. Leur rejet des idéologies classiques n’exprime sans doute pas tant une volonté de renouveau politique qu’un vide de contenu, que les efforts des conseillers en image et autres communicants peinent à masquer.

Tout comme l’ascension fulgurante du parti Kadima en Israël, la victoire d’En Marche ! au premier tour de l’élection présidentielle française est, plus encore que celle d’un appareil politique, celle d’un slogan et d’un appareil de communication, c’est-à-dire de publicité. Pour la première fois dans l’histoire politique française, les électeurs vont peut-être porter au pouvoir un mouvement qu’ils auront choisi non pas tant en raison de son programme et de son contenu, que de son « emballage »… En Israël, les années Kadima auront surtout été marquées par la catastrophique Deuxième guerre du Liban. L’avenir dira si le mouvement En Marche ! saura laisser une trace plus durable et positive dans la vie politique française.

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3 Commentaires

  1. Kadima avait pour point positif d’être dirigé par une femme, dont la voix grave me faisait passer des frissons dans le dos.
    En marche n’a rien de tout cela, qui était déjà bien peu: le Chef est un homme, et sa voix, qui part dans les aigus dès qu’il s’excite (et c’est souvent) ne fait passer aucun frisson, à part de terreur quand on pense qu’un tel Fureur (c’est comme ça que ça s’écrit en français, non?) pourrait arriver au pouvoir.

    • Tout ce qui est artificiel, intellectuel, manque de profondeur, et ne touche ni le cœur ni les tripes du peuple. Par conséquent cela ne saurait durer dans le temps. En Marche n’est aucunement un parti politique, mais une association loi de 1901 qui n’a pu tenir jusqu’ici qu’à grand renfort de financements occultes. Il y a fort à parier que même gagnant le 7 mai, ce mouvement se dissolve aussi rapidement qu’il a été fabriqué. Qui vivra verra!

  2. L’ère du “post”.
    Israël face au post-sionisme, la France avec un mouvement post-national (E.M.) selon la chronique de Rioufol dans le Figaro de ce vendredi.
    Des analystes en communication qui expliquent qu’avec Macron, nous sommes entrés dans le post-politique et enfin, l’occident tout entier se vautrant dans le post-modernisme que Chantal Delsol préfère appeler la modernité tardive.
    En résumé, tenez le vous pour dit, Le vieux monde doit être enterré.
    Il n’y a rien qu’il puisse transmettre d’intéressant et c’est à rapprocher d’un propos de Macron dans un interview “hashtag” du site kombini.
    Au mot ‘jeunesse’, Macron avait dit “ce dont je suis convaincu, c’est qu’il ne faut pas dire à la jeunesse ce qui est bon pour elle.” Le monde n’a donc plus rien à transmettre à la future génération.

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