Gilles-William Goldnadel est avocat et écrivain. Il est secrétaire national à l’UMP chargé des médias. Toutes les semaines, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.
A en croire notre président de la république, la polémique, pourtant tempérée, sur la dernière sortie de Mme Taubira considérant la Marseillaise comme «un karaoké» d’estrade serait «stupide».
Il est vrai que la gauche a toujours su faire montre d’une particulière pondération en la matière.
Pas de polémique stupide quant aux déclarations de M. Guéant sur la civilisation occidentale. Pas de polémique imbécile pour le discours de Grenoble de M. Sarkozy. Et quant au tweet de M. Mariani sur le caractère non monopolistique de la traite des Noirs, j’ai eu l’occasion la semaine passée de montrer l’esprit d’équité modérée de la gauche française.
Quant à notre ministre de la culture, ce mardi dernier, pour faire taire la polémique naissante, celle-ci a clamé un retentissant: «ça suffit les critiques contre Madame Taubira!» qui a laissé sans voix la France Inter.
Las, nul n’a demandé en effet à Mme Filipetti pourquoi cela suffirait. Au nom de quel principe non dit il conviendrait de faire silence.
Devrait-on, sans mot dire, laisser la ministre de la justice définitivement émasculer un système pénal quasi eunuque au nom d’une idéologie bêtifiante ?
À ce sujet, le remarquable article de Paule Gonzalez et Sophie Huet (le Figaro du 16 mai) décrit les incroyables dysfonctionnements et absence de garantie d’un bracelet électronique censé permettre le contrôle du condamné sans incarcération. On a vu même des délinquants commettre un braquage, le bracelet au poignet. Sans doute une bijouterie.
Sur ce point, hélas, le président Hollande respectera jusqu’au bout les promesses du candidat François, puisque l’examen du projet sur la prévention de la récidive sera débattu le 27 mai en commission des lois de l’Assemblée.
Devrait-on, sans maudire ses mensonges, laisser la ministre aligner les contrevérités, après celles sur les écoutes de l’ancien président de la république et celles sur ses doctorats imaginaires ?
Devrait-on, sans dire mot, continuer la laisser entonner l’hymne à l’indépendance de la justice, tout en intervenant à bas bruit pour ses amis, en plaçant ses obligés dans des présidences de tribunaux importants tout en déplaçant les procureurs récalcitrants?
Devrait-on, sans mal dire, accepter l’entendre fredonner à Paris les refrains karaoké pour un multi ethnisme extatique tout en regrettant sur RFI que «les Guyanais de souche étaient devenus minoritaires sur leur propre terre» ?
Bref, doit-on accepter le chantage de ceux qui ne veulent chanter que «l’Internationale», «la vie en rose» et «j’ai fait ça en douce» ?
À en croire cette fois le Monde et ses «décodeurs» à pleins tubes, on ne devrait pratiquement qu’au Figaro le développement de la polémique, stupide forcément stupide, à propos «de la journée de la jupe au lycée». D’abord, et avant tout, parce que Nantes ou Angers, ce ne serait pas toute la France. D’où le caractère forcément artificiel, en tous les cas excessif de la perplexité ambiante.
C’est vrai ça, ce ne serait pas à gauche ou dans ses journaux, que l’on irait traquer quelques événements isolés pour en faire un problème général. Comme, par exemple, une rixe mortelle entre extrémistes de droite et de gauche transformée pour l’occasion en assassinat fasciste avec responsabilité illimitée de la droite républicaine.
Ici encore, en cas d’embarras, le mieux est de rester dans la négation du réel. De la même manière, qu’il n’existerait pas de théorie du genre, que les ABCD de l’égalité n’auraient rien à voir avec le ministère de l’éducation nationale, l’académie de Nantes-puissance invitante figurant sur tous les documents serait sans lien avec une initiative purement lycéenne. Et la déclaration de Mme la proviseure du lycée Emmanuel Mounier -établissement qui a lancé «ce que soulève la jupe», il y a trois ans- indiquant que la journée s’inscrivait «dans une démarche globale sur les discriminations» et arborant un petit papier «je ne suis pas normâle» sur sa robe fleurie sans doute sortie de l’imagination facétieuse de Stéphane Kovacs, envoyée spéciale du Figaro à Angers (17 mai).
Sur le fond, il faudra expliquer à mon esprit rétif ce que l’invitation des garçons à porter une jupe est de nature à lutter contre les discriminations sexistes empêchant précisément certaines jeunes lycéennes de venir en jupe dans certaines banlieues.
C’est qu’en réalité, pour passer à une autre polémique forcément stupide, cette démarche tellement ridicule qu’on la nie, ne s’en prend pas à tous les barbus. Pas si bête. Seulement aux vieilles barbes. De la même manière, qu’un père d’un lycéen angevin, se croyant dans le coup, se réjouit de la journée de la jupe (voir article précité) «parce que ça emmerde tous les tradis qui disent qu’il faut un papa, une maman, se marier et habiller les garçons en bleu», Mme Duflot, interrogée par France Inter, se réjouissait du triomphe de la femme à barbe à l’Eurovision pour la raison que cela indignait les réactionnaires «ce qui était bon signe». Toute la soi-disant pensée soi-disant transgressive et certainement destructurante est résumée dans ces considérations: emmerder l’adversaire, ou plutôt créer un ennemi fantasmé à détester en groupe. Comme le clamaient plusieurs centaines de lycéens accompagnés de quelques militants anarchistes venus contrer les manifestants dénonçant l’opération de la jupe: «pas de fachos dans nos quartiers!» (AFP).
La réalité, moins gratifiante, c’est qu’au-delà du désir obsessionnel et pathologique de nier les différences, qu’elles soient culturelles ou sexuelles, ou d’exciter sottement leurs adversaires, Mme Duflot en blue-jean et ses élégants amis en jupe et basket n’incarnent que médiocrement la modernité.
Ils sont à peu près autant ringards que le concours de l’Eurovision qui a consacré Conchita Wurst.
Pour terminer sur une autre polémique que la gauche voudra bien trouver stupide, le concert donné par Bertrand Cantat pour soutenir la candidature de José Bové aux élections européennes vaut le détour par Bordeaux.
Je ne sais lequel des deux mérite le plus la palme d’or de l’indécence.
L’ancien leader de Noir Désir, courageux dérouilleur de femmes, condamné pour meurtre, qui se croit suffisamment investi d’un magistère intellectuel et moral pour donner des consignes de vote?
Ou le fondateur de la Confédération Paysanne, destructeur de récoltes par intermittence, étreignant de reconnaissance son compère chanteur en s’imaginant sans doute que le soutien de celui-ci lui apportera les voix qui pourraient cruellement lui manquer?
Pour expliquer cette fatuité dans l’irresponsabilité, me revient à l’esprit cette sublime pétition d’artistes et d’intellectuels cornaqués par Armand Gatti et publiée dans le Monde du 18 aout 2003, après la mort de Marie Trintignant, intitulée «Bertrand Cantat est des nôtres» réclamant l’indulgence au profit de l’artiste militant aux motifs «que Marie et Bertrand sont plus que jamais liés. Unis et indissociables…. Comme en raison de son engagement…»…
Décidément, les femmes méritent d’être défendues, mais pas contre n’importe qui.
C’est ainsi qu’alors que des comités de défense s’organisent régulièrement pour tenter de sauver des condamnés dans les couloirs de la mort des prisons américaines, je n’ai pas trouvé un seul mot de compassion en faveur de Meriam Yahia Ibrahim Ishag. Il est vrai que son cas est peu intéressant.
Il s’agit d’une chrétienne soudanaise de 27 ans condamnée à mort pour apostasie par un tribunal soudanais.(AFP 16 mai) Enceinte de huit mois, elle est détenue avec son fils de 20 mois.
«Nous vous avions donné trois jours pour abjurer votre foi, mais vous avez insisté pour ne pas revenir vers l’islam. Je vous condamne à la peine de mort par pendaison» a déclaré le juge de Khartoum.
S’en prendre aux vieilles barbes est manifestement plus récréatif que s’en prendre aux barbus. Pardon pour cette polémique, un poil stupide.
Gilles William Goldnadel©
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Merci cher Maître.
Stupide ? Non tout simplement réaliste.
Merci Monsieur.
PS : et tant pis certains me jugent un poil trop engagée…