Il y a quelques années disparaissait Michel Tournier, auquel Christine rendit hommage pour son livre « Vendredi ou les limbes du Pacifique ».
J’avais lu aussi ce livre et comme elle, je n’étais pas allé plus loin avec Tournier mais j’avais été touché par la grâce de ce grand auteur.
Dans ma bibliothèque, Tournier rejoint Marguerite Yourcenar, Huysmans ou encore Colette, parmi les auteurs fascinants, inventifs, profonds, au style exigeant et facile d’accès en même temps, ces auteurs qui manient aussi bien le verbe que l’image, qui passionnent pour peu qu’on prenne le temps de les lire. Le temps, cette denrée si rare dans la vie.
Tournier puisait dans notre fonds culturel gréco-romain et judéo-chrétien à loisir, notre Histoire plus généralement, par exemple quand il écrivait Gaspard, Melchior & Balthazar ou Gilles et Jeanne. C’était un auteur français, un auteur dont l’existence permet de dire non, Macron, la culture française existe bien, elle est là !
Il choisissait d’appeler Castor et Pollux ses jumeaux des « Météores », roman sur le thème de la gémellité, parce qu’il était pétri de mythologie.
Tournier avait le sens du dramatique, il savait rendre un livre sexy et c’était d’ailleurs une idée qui lui était très chère. Tournier conseillait à tout écrivain de trouver un titre qui fasse mouche, qui donne envie de lire. Le titre du livre avait beaucoup d’importance à ses yeux.
Et il est vrai à cet égard que si j’ai eu rapidement envie de lire « Les Météores » après « Vendredi », séduit par le titre, très vite j’ai décroché et compris que la période n’était pas propice, qu’il faudrait que j’y revienne un jour, qui ne s’est finalement pas encore présenté. « Vendredi » s’était présenté dans une période de ma vie où j’étais en inactivité professionnelle et a su m’apporter toute la sève qui me manquait pour redémarrer à ce moment précis et retrouver le goût des autres.
Le livre de Tournier qui m’intriguait le plus était « la Goutte d’or« , un roman sur l’immigration qui explorait plutôt le rapport de la France avec le monde musulman, avec ses colonies et protectorats peut-être aussi, de façon sous-jacente. Tournier n’envisageait sûrement pas de passer sous silence cette dimension de la France, héritée du modèle romain antique, la France conquérante, dominatrice, influente, ou plus exactement ce qui reste de ce qui fut un aspect de l’Histoire de France, la volonté expansionniste, à une époque où nous autres patriotes avons plutôt envie d’une France qui se protège, qui veille à elle-même, sans se mêler de ce qui se passe chez le voisin, sans volonté de s’étendre au-delà de ses frontières, mais plutôt avec une volonté de garder ces frontières intactes pour que notre pays soit le plus vivable possible (ou le moins invivable possible, au point où on en est…).
Bien sûr il y a là une question cruciale, un enjeu de notre époque et en 1985, lorsqu’il fit paraître ce livre, Tournier avait bien compris que cette trame était épaisse, tant quand on regarde le passé que quand on se projette dans l’avenir.
Alors, que dire de la lecture de « la Goutte d’or » ?
D’abord, je m’attendais à un ouvrage plutôt gentil avec le phénomène migratoire, un ouvrage qui comme tant d’autres aurait tendance à présenter l’immigré comme une victime subissant des moments difficiles qui lui valent bien un titre de mérite une fois arrivé et installé en France. Tournier n’ayant pas reçu le doux baptême de « facho » administré par la bien-pensance, je me disais qu’il avait sans doute dû se plier aux canons intellectuels qui évitent de rejoindre Zemmour ou Houellebecq dans la librairie.
Mais en même temps, je savais que l’on a affaire à un auteur de valeur et qu’il ne cèderait pas à la facilité d’une ode à une immigration idéalisée, une immigration qui n’existe que sur le papier pour attendrir le premier venu et se le mettre aisément dans la poche comme tant d’auteurs qui se font les chantres de ce nouveau misérabilisme de pacotille…
D’abord, la Goutte d’or n’est absolument pas un roman idéologique. Tournier choisit de décevoir ceux qui l’auraient attendu sur ce créneau et c’est en cela qu’il demeure un auteur passionnant, spirituel, original.
Le titre, dont on sait l’importance qu’il a pour cet auteur pour n’importe quel livre, ne se réfère pas au quartier parisien du même nom qui est celui qui concentre le plus d’immigrés africains.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Quartier_de_la_Goutte-d%27Or
Non, Tournier choisit encore une fois d’aller puiser dans notre fonds gréco-romain où la goutte d’or fait référence à la « bulle », ce pendentif qui était porté jusqu’à la fin de l’adolescence :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bulla_(pendentif)
Joli clin d’oeil de la part de celui qui nous surprend en substituant ainsi au voyage dans l’espace qu’est cette odyssée moderne un voyage dans le temps.
Si Tournier choisit un Berbère comme personnage principal, Idriss, ce n’est finalement qu’un prétexte supplémentaire pour explorer l’altérité dans tout ce qu’elle peut avoir de surprenant, d’imprévisible.
Idriss perdra, sur un malentendu, sa goutte d’or lors d’un premier rapport sexuel avec une prostituée auquel il n’avait pour ainsi dire pas consenti…
Tournier choisit le point de vue d’un immigré pour mieux nous faire ressentir la poésie nouvelle des choses, ces choses qui ont tant obsédé le vingtième siècle poétique avec par exemple Ponge ou Pérec et tout l’art du vingtième siècle si tourné vers les choses parfois les plus banales.
Le point de vue neuf de l’immigré sur cette France de la télévision par exemple est finalement le même que le point de vue d’un enfant. L’immigré est le masque de l’enfant finalement dans ce roman, le masque de l’innocence, du regard neuf.
Tournier a choisi d’aborder l’islam également et d’une manière tout à fait intéressante. Sans être islamophobe, ce roman n’est pas non plus islamolâtre.
Il interroge le rapport à l’image, par exemple, à l’icône, la représentation qui est un point de tension avec l’islam interdisant l’image. Tournier avait très tôt compris qu’il y aurait là une difficulté d’articulation entre l’islam et l’Occident, bien avant les « affaires » de caricatures avec toutes les conséquences terroristes qu’elles ont eu, Charlie Hebdo, Samuel Paty, Théo Van Gogh…
C’est ce qui fait un grand auteur contemporain, la capacité à exploiter un motif sans avoir d’ambition idéologique, mais en en révélant toute l’épaisseur symbolique.
Pendant son voyage vers la France, Idriss comprend aussi toute la duplicité musulmane au contact d’un musulman présent avec lui sur le navire, en apparence très occidental et finalement complètement empêtré dans la schizophrénie islamique, la prison mentale que représente l’islam pour lui.
J’ai apprécié la justesse du point de vue sur l’immigré. Idriss pourrait être un Eric Zemmour finalement. Berbère tout comme lui, victime du point de vue simplificateur qui veut faire de lui un Arabe mangeant du couscous, un immigré auquel on plaque l’islam comme une tare dès son arrivée alors qu’il est profondément étranger à cette culture qui n’est pas la sienne.
A mes yeux, ce que peint Tournier, dans ce regard simplificateur, grossier sur l’immigré, c’est le regard de la gauche, qui voit en Idriss son immigré rêvé, son stéréotype d’immigré alors que le personnage de ce roman est tout simplement venu en France pour récupérer une photo de lui volée dans le désert.
« On veut » qu’Idriss mange du couscous, on lui apprend qu’il vient du Sahara, alors qu’il confie qu’il n’a jamais utilisé ce mot pour désigner le désert, on lui apprend qu’il est un immigré subsaharien alors que lui-même ne connaît pas le mot… On lui plaque cette image de parfait représentant de l’immigration africaine, on le ravale à ce statut de migrant.
Tournier ne fait pas un plaidoyer pour ou contre accueillir des « Idriss » en France. Il écrit simplement cette histoire pour nous montrer qu’au-delà des clivages idéologiques, chaque cas est particulier.
Alors ce roman n’a-t-il pas eu la conséquence de nourrir le relativisme, de dissuader de procéder à un « traitement de masse » du phénomène migratoire, par exemple en interdisant l’immigration africaine ou en décidant un moratoire sur l’immigration le temps que la France régule la population pléthorique rentrée pendant les dernières décennies ?
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Michel Tournier qui habitait la vallée de Chevreuse détestait les avions et les pilotes.Il a déclaré que si un pilote tombait avec son avion dans son jardin il irait l’achever.Je suis tombé avec mon avion en panne dans un champ et heureusement ce n’était pas dans son jardin ni dans la vallée de Chevreuse.Il ne faut plus me parler de ce sale type même si c’est un génie.
J’avais lu que Tournier était accusé de pedophilie, est ce exact?
Je crains que Michel Tournier n’ait été soupçonné, voire accusé, de pédophilie, avec « Le roi des aulnes ».
Crypto- pédophile…Analyse de ce roman que j’ai lu quelque part. Le lien est perdu, mais avec un peu de chance vous devriez le retrouver.
Je crois bien qu’à une certaine époque, il faisait plus ou moins partie de la « bande à Matzneff »…et était très copain avec MITTERRAND, et le très, très sulfureux ministre de la « Culture » Jack LANG!…
Excellente analyse. Merci. Et si, en fin de compte, ce n’était pas les frustrations de toutes sortes, qui rendraient les afro-maghrébins inassimilables, arc-boutés qu’ils sont sur leur seul et unique guide, le Coran. Le Coran, leur prison mentale depuis quatorze siècles, ne les libère pas des sourates et des hadiths incrustés dans leur ADN, même en passant du cocotier à l’ordinateur en trois heure d’avion. Même avec une bonne paire de lunettes, le musulman manque de vision sur l’Occident, dont la France, qui a inventé le cinéma, l’automobile, l’aviation, etc. On me dit dans l’oreillette – c’est sûrement un islamo-gauchiste qui m’interpelle – qu’il y a quand même des exceptions; oui, l’exception qui confirme la règle. Joyeux Noël aux Amis de Résistance Républicaine qui, plus que jamais, mérite bien son nom.
« ’il y a quand même des exceptions; oui, l’exception qui confirme la règle. »
ABSOLUMENT !
« c’est l’exception qui confirme la règle » : réplique à sortir à chaque gauchiste qui vous citera tel ou tel cas de musulman (en apparence…) parfaitement intégré.
Merci mais article publié par erreur, je n’ai pas fini le livre et encore moins pris du recul pour l’analyser. C’était un début de brouillon ???
L’immigration d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle de jadis. Elle est devenue financière, mafieuse. Elle ruinera notre pays, et le fera disparaitre.
Oui je pense écrire une suite à cet article qui n’était qu’une toute première ébauche et agrémenter la suite de citations, approfondir l’analyse… Je vois que ce que j’ai écrit n’est pas si mal mais très approximatif en réalité car premier jet, première intuition. Je n’ai plus la main pour modifier le texte (la dernière phrase n’est pas une conclure mais une ouverture).
Je voulais réfléchir sur l’image de l’immigration dans ce livre aussi.