Laïcité: la France inspire le Québec !

Du Figaro :

CHRONIQUE – Depuis deux siècles et demi, le Québec lutte pour s’affirmer comme une nation de langue et culture françaises en Amérique. D’après Mathieu Bock-Côté, c’est ce combat qu’il poursuit aujourd’hui au nom d’une laïcité qu’il entend placer au cœur de son existence collective.

 

Après plus de dix ans de débats portant sur la question des accommodements raisonnables et de la place des signes religieux ostentatoires dans l’espace public, et suite à l’élection en octobre dernier d’un gouvernement de la Coalition Avenir Québec (autonomiste de centre droit), le Québec s’est enfin engagé sur le chemin de la laïcité.

Le 28 mars, le gouvernement québécois a présenté le projet de loi sur la laïcité de l’État (dit projet de loi 21), qui entend proscrire le port de signes religieux chez les employés de l’État en situation d’autorité.

Il inclut les enseignants (sans l’étendre aux éducatrices dans les crèches), et impose cette interdiction à certaines autres catégories de fonctionnaires.

Ce projet de loi, qui inscrira le principe de laïcité au cœur de la Charte québécoise des droits et libertés, prévoit toutefois une clause de droits acquis pour les employés de l’État portant déjà un symbole religieux.

Ils ne seront pas congédiés s’ils refusent de s’en départir.

Le gouvernement québécois a voulu agir sous le signe du compromis.

L’appui populaire au projet d’une Charte de la laïcité est massif.

Vue de France, une telle proposition peut sembler modeste – et même trop modeste. Il n’en demeure pas moins que dans un contexte nord-américain, le Québec vient de faire un geste qui suscitera une opposition radicale.

Justin Trudeau, le premier ministre canadien, a ainsi affirmé qu’«il est impensable […] de légitimer, dans une société libre, la discrimination de citoyens en se basant sur leur religion».

Cette position ne surprend guère dans la classe politique canadienne, qui voue un culte au multiculturalisme, dont le principe est inscrit dans la Constitution du pays.

En d’autres mots, l’exigence de discrétion religieuse demandée aux représentants de l’État conduirait le Québec à s’exclure de la famille des sociétés libres – en Europe, on l’accuserait de basculer dans le camp des «démocraties illibérales».

Ils sont nombreux, dans la mouvance multiculturaliste, à accuser le Québec de s’inspirer de la France.

Et cela se veut une accusation grave.

On reproche au pays de Voltaire de cultiver au nom de la laïcité une intolérance religieuse au point où les populations musulmanes issues de l’immigration qui habitent les banlieues se seraient retournées contre elle.

En 2016, une étude de la Brookings Institution accusant la laïcité française de pousser à la radicalisation les jeunes musulmans avait ainsi reçu une presse très favorable dans le monde anglo-saxon.

La presse américaine fait preuve, à cet égard, d’une complaisance coupable à l’endroit de la mouvance indigéniste qu’elle assimile à une forme d’activisme des droits civiques à la française.

L’empire américain considère comme autant de provinces rebelles historiquement retardataires les pays qui ne se plient pas avec enthousiasme à l’imaginaire diversitaire.

On se souviendra des commentaires désobligeants des États-Unis devant la volonté de nombreux pays européens de proscrire le voile intégral dans l’espace public.

Situons la réflexion plus largement.

Les signes religieux ostentatoires témoignent moins de l’expression hardie d’une spiritualité irrépressible qu’ils ne témoignent d’une colonisation progressive de l’espace public par certains communautarismes qui entendent le marquer toujours plus de leur empreinte en instrumentalisant frauduleusement le langage des droits.

Le politique est tout à fait légitime à remettre les religions à leur place, ce qui ne limite en rien la liberté de conscience des uns et des autres.

Car la laïcité bien compromise a l’immense vertu de dégager un espace où l’individu peut s’émanciper des tutelles communautaires qui pèsent sur lui.

Est-il encore possible, pour une nation, de proposer un modèle de «gestion de la diversité» qui ne soit pas aligné sur les prescriptions du multiculturalisme?

Cette question n’est pas désincarnée et s’impose à cause d’un certain islam qui s’accommode moins des codes culturels de la civilisation occidentale qu’il ne cherche à lui imposer les siens.

Depuis deux siècles et demi, le Québec lutte pour s’affirmer comme une nation de langue et culture françaises en Amérique.

C’est ce combat qu’il poursuit aujourd’hui au nom d’une laïcité qu’il entend placer au cœur de son existence collective.

Il entend le faire malgré l’idéologie dominante du continent. La véritable action politique consiste souvent à brandir un principe essentiel contre les fausses évidences qui dominent une époque.

Que le Québec s’inspire à sa manière de la France nous rappelle par ailleurs que cette dernière demeure dans notre monde un pôle de résistance, incarnant une autre idée de la civilisation occidentale, et aussi une autre manière de faire société, où le commun ne s’efface pas devant la survalorisation victimaire des minorités et le culte d’un individualisme exacerbé.

http://lefigaro.fr/vox/monde/2019/03/29/31002-20190329ARTFIG00113-laicite-la-france-inspire-le-quebec.php

 

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5 Commentaires

  1. Le Grand Remplacement religieux.
    :::: https://www.youtube.com/watch?v=BV6W_lutleA
    DURÉE : 23mn 32s

    Discours de l’Abbé Chautard, recteur de l’Institut Universitaire Saint Pie X, sur le grand remplacement religieux. 3ème fête du Pays Réel organisé par Civitas, le samedi 30 mars 2019 à Rungis.

  2. C’est d’autant plus intéressant qu’il y a peu, Genève allait dans le même sens :
    http://resistancerepublicaine.com/2019/03/04/la-votation-a-geneve-est-un-hommage-au-modele-francais-de-la-laicite-et-un-pied-de-nez-a-lue/
    Quant à ce projet de loi, je suis quand même très choqué de l’intervention de la doctrine des droits acquis, alors qu’il s’agit d’une relation de type statutaire quand on parle de fonctionnaires.
    Cette doctrine ne concerne que les droits entrés dans le patrimoine d’une personne (droit à une pension alimentaire, à un salaire, à un loyer…) :
    http://netcampus.free.fr/droit/civil/1-loiapplitpsespace.php3
    Les auteurs de cette proposition considèrent donc que le droit qu’avait un fonctionnaire d’arborer des signes confessionnels ferait partie du patrimoine de ce dernier. C’est tout simplement hallucinant et témoigne d’une peur de leur part à l’égard de « certains ».
    Le principe cardinal de la situation d’un fonctionnaire est la mutabilité, contrairement à un salarié de droit privé qui est en droit de s’opposer à la modification de son contrat de travail décidée unilatéralement par l’employeur. Le fonctionnaire n’a pas en France de droit acquis à la permanence de son statut. Mais peut-être en va-t-il autrement au Québec, puisque je découvre par exemple que les fonctionnaires québécois sont régis par une convention collective à durée déterminée, contrairement au droit français :
    https://www.cspq.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/Centre_documentaire/Services_aux_employes_de_l_Etat/Conditions_de_travail/Convention_fonctionnaires_2015-2020.pdf
    En tous cas, ce détail en dit long : les auteurs de la proposition partent du principe que certains auraient refusé le poste s’ils avaient su qu’ils ne pourraient arborer de signes islamiques et qu’il convient de les ménager…
    Sortie par la porte, la doctrine des « accommodements (dé)raisonnables » rentre donc par la fenêtre et on ne peut pas dire que ce soit absolument l’équivalent de la laïcité française par conséquent, loin s’en faut !
    Cela laisse quand même songeur, si l’hypothèse se vérifie, quant à leur volonté de servir l’Etat avant tout autre intérêt, toute autre idéologie…

    • Je comprends pourquoi votre réponse au-dessus. Mais j’ai écouté au vol voici quelques jours les propositions d’un fervent de la macronie qui envisageait d’établir en France un volant de fonctionnaires pour « trois ou cinq ans », en CDD.Pas encore question dans les projets de Mme Penicaud d’accommodements (dé) raisonnables, apparemment mais le projet est déjà dans les tuyaux. Et à ce propos excellente video reprise ce jour par les observateurs sur les buts de l’OCI expliqués par A.Wagner :https://www.youtube.com/watch?v=ghASLKwxxFk

  3. Merci pour cet article, qui place l’hypocrisie (certains diront la « tiédeur ») canadienne au même niveau que la française lorsqu’il s’agit de différencier et distinguer, bref de discriminer. Une faille apparaît dans ce contexte : » projet de loi sur la laïcité de l’État (dit projet de loi 21), qui entend proscrire le port de signes religieux chez les employés de l’État en situation d’autorité. » Cette « situation d’autorité » fait tiquer, et d’autant plus par : « Il inclut les enseignants (sans l’étendre aux éducatrices dans les crèches), et impose cette interdiction à certaines autres catégories de fonctionnaires. » OUI, LESQUELLES ?
    CONCLUONS:  » Tu fais partie des personnels lambda, peu qualifiés (quoique tu aies la responsabilité de nos enfants et de nos bébés) tu as le droit de porter ton voile , ton kufi ,ta robe longue ou ta barbouze et tu ne seras pas révoqué(e) si tu les portais déjà avant » (clause des droits déjà acquis) MAIS qu’en sera-t-il si tu progressais dans la hiérarchie en avançant,en principe, en expérience? Parce qu’il ne faut pas déc.. ner, la discrimination elle est LA. J’ignore tout du statut des fonctionnaires québécois, mais le service public, quelle que soit la catégorie, est le SERVICE PUBLIC. S’il n’y a pas de notion de responsabilité publique attachée même au plus faible niveau des carrières , une fonction publique irresponsable sera constituée, relevant des « droits acquis » et instaurant une fonction publique d’en-bas, (vacataires et contractuels DD) et une autre d’en-haut au Québec. Ce qui n’empêchera pas la surenchère victimaire de se faire exponentielle.

    • c’est amusant Fomalo, je viens de poster un commentaire avant que le vôtre soit publié et la fin de votre commentaire rejoint exactement la question que je me posais !

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