Le titre est une phrase de Christophe Guilluy, interviewé par Atlantico.
Ce géographe est de plus en plus critiqué et rejeté par « la caste » car politiquement incorrect sur l’immigration, entre autres.
Alors qu’initialement, Christophe Guilluy avait été salué pour son travail sur la gentrification, il est désormais conspué par une partie de la gauche, Libération demandant même dans un article : « Peut-on débattre avec Christophe Guilluy ? ». Le journal publie ainsi une tribune des membres de la revue Métropolitiques qui accuse le géographe, sous des « oripeaux scientifiques » de « contribue[r], avec d’autres, à alimenter des visions anxiogènes de la France ». Pour Le Figaro, il s’agit d’un exemple d’une tendance globale qui fait que les chercheurs ne rejoignant pas une certaine vision de gauche au sujet des migrations sont systématiquement disqualifiés par certains pontes universitaires (notamment le trio Pierre Rosanvallon, François Héran et Patrick Boucheron). La journaliste Eugénie Bastié écrit ainsi : « Dans tous les cas de figure, le schéma de disqualification est semblable : d’abord, il s’agit de montrer le manque de scientificité de l’auteur, puis de l’accuser de ne pas tenir compte de la complexité du sujet (cette même complexité étant tout à fait récusée lorsqu’il s’agit de dénoncer le capitalisme ou une excuse sociale à la radicalisation), et enfin de lui reprocher de « faire le jeu », selon l’expression consacrée, de thèses extrêmes) »Wikipedia
Dans un grand entretien pour Atlantico, le géographe de la France périphérique donne en exclusivité son analyse du mouvement qui a ébranlé le pays et la République.
Atlantico : Le mouvement des Gilets jaunes a été beaucoup commenté ces dernières semaines au travers du prisme du concept de France périphérique. Pouvez-vous revenir sur ce concept ?
Christophe Guilluy : Le concept de France périphérique traite de la répartition dans l’espace des classes populaires. Lorsque j’ai réalisé cette répartition au début des années 2000, je travaillais sur les classes populaires de banlieues, ce qui vient invalider les critiques qui voudraient voir dans la France périphérique un concept d’exclusion de la France des banlieues. La réalité est qu’à partir du moment où l’on travaille sur les classes populaires de banlieues, soit 7% de la population, on sait qu’il manque quelque chose, c’est-à-dire tout le reste. Ce qui était frappant lorsqu’on a fait les premières cartes de cette représentation était que ces territoires étaient toutes les périphéries des grandes métropoles mondialisées : les périphéries de la mondialisation. Il y a donc un aspect géographique, un aspect social, un aspect économique – parce que l’on retrouve les territoires les moins dynamiques économiquement – et puis, et surtout, un aspect culturel, puisque ce sont des catégories qui sont sorties des écrans radar de la classe politique, du monde intellectuel, du monde universitaire et du monde syndical.
C’est pour cela que j’avais annoncé, au début des années 2000, que s’il y avait un mouvement social, la contestation viendrait de ces territoires, de cette géographie, de cette sociologie, et que celle-ci pourrait être politique, sociale, ou les deux à la fois. Cela était le thème du livre. Et en partant de ce principe d’un territoire et d’une géographie, on retrouve la dynamique de toute la vague de populisme qui touche l’Europe occidentale ou les Etats-Unis.
Il est important de dire que cette géographie n’est pas celle de la pauvreté. Il y a des pauvres parmi eux mais je n’oppose pas les pauvres aux classes populaires. Cela est d’ailleurs très intéressant de constater qu’un des moyens d’invisibiliser les classes populaires a été de mettre en avant les pauvres, et notamment les nouveaux pauvres que sont les immigrés. Il y a eu une instrumentalisation des immigrés et des minorités par la bourgeoisie pour se protéger des classes populaires. Cette instrumentalisation de la pauvreté – consciente pour une minorité mais majoritairement inconsciente par le biais d’une approche bienveillante et morale – était déjà présente au XIXe siècle, quand les pauvres étaient mis en avant par le paternalisme, tout en masquant la masse du prolétariat. Il s’agissait de diviser cet ensemble majoritaire que sont les classes populaires qui peuvent être pauvres ou travailleuses. Le prolétariat devait se taire et arrêter de demander plus de protection sociale ou des salaires plus élevés parce qu’ils étaient mieux lotis que les pauvres. C’est exactement le discours de la nouvelle bourgeoisie, qui est plutôt de gauche aujourd’hui, et j’y inclus une large part du monde intellectuel et universitaire. La technique est exactement la même.
Quand je suis arrivé avec mon concept de France périphérique, ce qui a vraiment énervé, c’est que je dise qu’il y avait là un potentiel majoritaire. La France périphérique n’est pas la marge, contrairement à ce qui était annoncé dans les premiers jours du mouvement des Gilets jaunes. Cela était la même technique ; de désigner « les marges », ce qui voulait dire en creux que « tout va bien » pour la société : alors « ne changeons rien ». Ce qui est terrible, c’est que c’est la gauche qui a beaucoup porté ce discours autour des marges et des minorités, pour mieux attaquer le prolétariat. Ce dont je me suis rendu compte, c’est que les gens du parti socialiste avaient beaucoup de problèmes avec l’idée d’un conflit de classes. Et on retrouve la même fracturation autour du concept de France périphérique. Une bourgeoisie de gauche a refusé le concept parce qu’il était potentiellement majoritaire, il rappelait l’existence d’un prolétariat, d’un peuple. Il rappelait à tous ces gens que le modèle qu’ils prônaient avait des limites, parce qu’il n’intégrait pas le plus grand nombre.
Quel lien faites-vous entre France périphérique et Gilets Jaunes ?
J’ai regardé les premières cartes qui avaient faites par l’IFOP concernant les ronds-points occupés par les Gilets jaunes. Ce qui était frappant, c’était la parfaite corrélation avec celle de la France périphérique, développée autour d’un indicateur de fragilité sociale Ce qui est très intéressant c’est que cette carte fait exploser toutes les typologies traditionnelles : la division est-ouest entre la France industrielle et la France rurale par exemple. En réalité, le mouvement est parti de partout, aussi bien dans le sud-ouest que dans le nord-est, on voit donc quelque chose qui correspond exactement à la France périphérique, c’est-à-dire à la répartition des catégories modestes et populaires dans l’espace. Cette typologie casse celle de la France du vide qui n’est plus pertinente et cela nous montre bien les effets d’un modèle économique nouveau qui est celui de la mondialisation. C’est pour cela que je dis que le mouvement des Gilets jaunes n’est pas une résurgence de la révolution française ou de mai 68, cela est au contraire quelque chose de très nouveau : cela correspond à l’impact de la mondialisation sur la classe moyenne au sens large : de l’ouvrier au cadre supérieur. La classe moyenne ce ne sont pas seulement les professions intermédiaires, c’est un ensemble, ce sont les gens qui travaillent et qui ont l’impression de faire partie d’un tout, peu importe qu’il y ait des inégalités de salaires.
Comment avez-vous accueilli les différentes analyses qui ont pu être faites du mouvement ?
Ce qui était malsain dans l’analyse qui en a été fait, cela a été le moment ou l’on a dit « en réalité, ils ne sont pas pauvres ». On opposait une nouvelle fois les pauvres aux classes populaires alors que la presque totalité des pauvres sont issus des classes populaires. Il y a un lien organique entre eux. Quand on prend ces catégories, ouvriers, employés, paysans etc.…ils peuvent être pauvres, au chômage, et même quand ils ont un emploi, ils savent très bien que la case pauvreté est toute proche sur l’échiquier. Surtout, ils ont un frère, un cousin, un grand parent, un ami, un voisin qui est pauvre. On oublie toujours de dire que la pauvreté n’est pas un état permanent, il y a un échange constant entre classes populaires et pauvreté. Opposer ces catégories, c’est refuser ce lien organique entre pauvres et travailleurs modestes. C’est donc ne rien comprendre à ce qui se joue actuellement.
Quelles sont les causes du diagnostic que vous dressez ?
Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est une dysfonction entre l’économie et la société. Et cela est la première fois. Avant, l’économie faisait société, c’était les 30 glorieuses avec un modèle économique qui intègre tout le monde et qui bénéficie à l’ensemble de la société. Là, nous avons un modèle qui peut créer de la richesse mais qui ne fait pas société.
Le modèle économique mondialisé, parce qu’il n’a pas de limites, frappe les catégories sociales les unes après les autres. Après les employés, il y a les professions intermédiaires, les jeunes diplômés, et après nous aurons les catégories supérieures. La seule chose qui protège les catégories supérieures est qu’elles vivent aujourd’hui dans des citadelles. C’est ce qui fait aussi que la baisse du soutien des Français au mouvement des Gilets jaunes touche ces catégories-là. Mais cela n’empêche pas que le socle électoral d’Emmanuel Macron se restreint comme peau de chagrin, cela est mécanique.
Depuis les années 80, on a souvent compensé ces destructions d’emplois sur ces territoires par des emplois publics, mais les gens ont parfaitement compris que ce modèle était à bout de souffle. Les fonctionnaires de catégorie B et C, qui sont présents dans le mouvement, ont compris que cela était fini, qu’ils n’auraient plus d’augmentations de salaires ou que leurs enfants ne pourront plus en profiter. On a bien là une angoisse d’insécurité sociale qui s’est généralisée à l’ensemble de ces catégories qui étaient, hier, totalement intégrées à la classe moyenne, et cela démontre bien comment un mouvement parti des marges est devenu majoritaire. Cela est la limite du modèle économique néolibéral. Je n’aurais aucun problème à adhérer au modèle néolibéral, s’il fonctionnait. On a vu comment cela avait commencé, ouvriers d’abord, paysans etc.. Et aujourd’hui, des gens que l’on pensait finalement sécurisés sont touchés ; petite fonction publique et retraités. Or, ce sont les gens qui ont, in fine, élu Emmanuel Macron. Son effondrement vient de ces catégories-là.
Mais les classes populaires n’ont rien contre les riches, ils jouent au loto pour devenir riches, la question est simplement de pouvoir vivre décemment avec son salaire et d’être respecté culturellement. Nous payons réellement 30 années de mépris de classe, d’ostracisation, d’insultes en direction du peuple.
Vous soulignez l’impossibilité de la coexistence entre la démocratie et un modèle économique qui ne profite plus à la majorité…
C’est ce que ne comprennent pas les libéraux. Je crois que le débat –libéral-pas libéral- est vain. Si je dis qu’il y a un problème avec ce modèle dans ces territoires, alors on me dit que je suis pour la suppression des métropoles ou que je suis favorable à un retour à une économie administrée. Et surtout, ce qui est intolérable, c’est que je cliverais la société en termes de classes sociales. En relisant récemment une biographie de Margaret Thatcher, je me suis rendu compte que le plus gros reproche fait aux travaillistes et aux syndicats dans les années 70 était justement de cliver la société à partir des classes sociales. L’argument était de dire qu’ils sont de mauvais anglais parce qu’ils fracturent l’unité nationale. Ce qui est génial, c’est que nous voyons aujourd’hui exactement les mêmes réactions avec la France périphérique. Une arme sur la tempe, on vous dit d’arrêter de parler des inégalités. Ils veulent bien que l’on parle de pauvres mais cela ne va pas plus loin.
Mais quand on regarde finement les choses, Emmanuel Macron n’aurait pas pu être élu sans le niveau de l’État providence français. À la fin il passe, évidemment parce qu’il fait le front des bourgeoises et des catégories supérieures, des scores soviétiques dans les grandes métropoles mais aussi et surtout parce que la majorité de la fonction publique a voté pour lui, tout comme la majorité des retraités a voté pour lui. C’est-à-dire les héritiers des 30 glorieuses et surtout le cœur de la redistribution française. Emmanuel Macron se tire deux balles dans le pied en attaquant la fonction publique et les retraités. Nous assistons à un suicide en direct. C’est ce qui explique qu’il soit très vite passé de 65 à 25%. Finalement, et paradoxalement, le modèle français ne résiste au populisme et perdure dans le sens de la dérégulation néolibérale que grâce à un État providence fort. Mais en l’absence d’un État providence- ce que veulent les libéraux- nous aurons alors le populisme.
Comment expliquez-vous que ce diagnostic de la France périphérique ait été aussi tardif ?
J’en veux à la production intellectuelle et universitaire parce qu’à partir du moment ou on met les marges en avant, les journalistes vont suivre cette représentation en allant voir une femme isolée dans la creuse qui vit avec 500 euros, en se disant qu’elle est Gilet jaune, tout cela pour se rendre finalement compte qu’elle ne manifeste pas. Parce que quand on est pauvre, on n’a même pas l’énergie de se mobiliser, le but est de boucler la journée. Historiquement, les mouvements sociaux n’ont jamais été portés par les pauvres, et cela ne veut pas dire qu’ils ne soutiennent pas le mouvement.
Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont des journalistes qui vont dans les salons des Gilets jaunes pour vérifier s’ils ont un écran plat, un abonnement Netflix, ou un IPhone. Ils sont prêts à les fouiller, cela est dingue. Lors des manifestations de 1995, les journalistes ne sont pas allés vérifier si les cheminots avaient un écran 16/9e chez eux, ou quand il y a eu les émeutes des banlieues, de vérifier si le mec qui brûle une voiture vit chez lui avec une grande télé ou pas. Cette façon de délégitimer un mouvement est une grande première. C’est la première fois que l’on fait les poches des manifestants pour savoir s’ils ont de l’argent ou pas, et s’il y en a, on considère que cela n’est pas légitime. Ce qu’ils n’ont pas compris, c’est que si on gagne le revenu médian à 1700 euros, la perspective est que, même si cela va aujourd’hui, cela ne va pas aller demain.
L’élite n’a toujours pas compris que les gens étaient parfaitement capables de faire un diagnostic de leurs propres vies. Cette condescendance dit un gigantesque mépris de classe. J’ai moi-même été surpris, je ne pensais pas que cela irait si vite. En quelques heures, les Gilets jaunes sont devenus antisémites, homophobes, racistes, beaufs… Et là encore, on voit bien que l’antiracisme et l’antifascisme sont devenus une arme de classe.
Le climat général d’une prise de conscience vous donne-t-il l’impression que les choses pourraient changer ?
Nicolas Mathieu vient d’avoir le prix Goncourt avec son livre « Leurs enfants après eux« , dont il dit qu’il s’agissait du roman de la France périphérique. Le combat culturel est en cours. Cela gagne le champ littéraire, culturel et médiatique. Les Gilets jaunes ont gagné l’essentiel, ils ont gagné la bataille de la représentation. On ne pourra plus faire comme si cette France n’existait pas, comme si la France périphérique était un concept qui ne pouvait pas être incarné par des gens. Si nous sommes encore démocrates nous sommes obligés de le prendre en compte. Ce qu’il faut espérer, c’est que les élites se rendent compte que les peuples occidentaux sont encore relativement paisibles. Le mouvement réel de la société, que nous constatons partout dans le monde occidental, et que nous ne pourrons pas arrêter, continue d’avancer, de se structurer, et que cela est de la responsabilité des élites d’y répondre. Ils n’ont pas d’autre choix, celui de l’atterrissage en douceur. Je crois que ce qui vient d’arriver, c’est que le rapport de force vient de changer, la peur a changé de camp. Aux Etats-Unis, au Royaume Uni, en Europe, maintenant, ils ont le peuple sur le dos. Et puis il y a une vertu à tout cela, prendre en compte les aspirations des plus modestes, c’est pour moi le fondement de la démocratie, c’est-à-dire donner du pouvoir à ceux qui n’en ont pas plutôt que de renforcer le pouvoir de ceux qui l’ont déjà.
Qu’est-ce que le mouvement des Gilets jaunes vous a appris ?
Nous avons eu en direct ce qui essentiel pour moi ; la fracture culturelle gigantesque entre tout le monde d’en haut au sens large et la France périphérique. Ce qui s’est déployé sous nos yeux, ce n’est pas seulement la fracture sociale et territoriale mais plus encore cette fracture culturelle. L’état de sidération de l’intelligentsia française rappelle clairement celle de l’intelligentsia britannique face au Brexit, et cela est la même chose aux Etats-Unis avec l’élection de Donald Trump. Cette sidération a déclenché immédiatement l’emploi des armes de l’antifascisme, parce qu’ils n’ont rien d’autre. Ils ont découvert la dernière tribu d’Amazonie et – incroyable -elle est potentiellement majoritaire.
C’est un mouvement très positif, contraire à toute l’analyse intellectuelle qui voit le peuple dans le repli individualiste, qui refuse le collectif, ou dans des termes comme celui de la « droitisation de la société française » alors que les gens demandent des services publics et un État providence. Après, on pointe le fait qu’ils sont contre l’immigration, ce à quoi on peut répondre « comme tout le monde », soit une très large majorité de Français. Le plus important est que nous avons sous les yeux un peuple qui veut faire société et des élites qui ne veulent plus faire société, comme je le disais dans « No Society ». C’est un moment de rupture historique entre un monde d’en haut, intellectuels, politiques, showbiz etc.… qui a peur de son propre peuple. Ils ne veulent plus faire société avec un peuple qu’ils méprisent. C’est la thèse de Christopher Lasch de la « sécession des élites ». On le voit aussi avec le discours anti-média des Gilets jaunes qui ne fait que répondre à 30 ans d’invisibilisation de ces catégories. Les classes populaires n’étaient traitées qu’au travers des banlieues et ils payent aujourd’hui ce positionnement.
C’est un mouvement fondamentalement collectif et du XXI siècle. Ce qui est très nouveau, c’est que c’est un mouvement social du « No Society », c’est-à-dire sans représentants, sans intellectuels, sans syndicats, etc. Cela n’est jamais arrivé. Tout mouvement social est accompagné par des intellectuels mais pour la première fois nous ne voyons personne parler en leur nom. Cela révèle 30 ans de sécession du monde d’en haut. Le peuple dit « votre modèle ne fait pas société », tout en disant « nous, majorité, avec un large soutien de l’opinion malgré les violences, voulons faire société« . Et en face, le monde d’en haut, après le mépris, prend peur. Alors que les gens ne font que demander du collectif.
Vous insistez beaucoup sur cette dimension majoritaire… ?
Les politiques pensent qu’en agglomérant des minorités ils font disparaître une majorité. Or, les minorités restent des minorités, on peut essayer de les agglomérer, mais cela ne fait pas un tout. Il est très intéressant de suivre l’évolution de la popularité de Donald Trump et d’Emmanuel Macron à ce titre. Trump garde son socle électoral alors que Macron s’est effondré, comme Hollande s’est effondré avant lui. Cela veut dire que l’on peut être élu avec un agglomérat de minorités, cadres supérieurs, minorités ethniques ou sexuelles -c’est à dire la stratégie Terra Nova – et cela peut éventuellement passer avec un bon candidat d’extrême droite en face. Mais cela ne suffit pas. Cela est extrêmement fragile. Quel rapport entre les catégories supérieures boboïsées de Paris et les banlieues précarisées et islamisées qui portent un discours traditionnel sur la société ? Quel rapport entre LGBT et Islam ? Et cela, c’est pour longtemps. Ils n’ont pas compris que les pays occidentaux, précisément parce qu’ils sont devenus multiculturels, vont de plus en plus s’appuyer sur un socle qui va être celui de la majorité relative. L’électorat de Donald Trump est une majorité relative mais cela est malgré tout ce que l’on appelait la classe moyenne dans laquelle des minorités peuvent aussi se reconnaitre.
On a présenté les Gilets jaunes comme étant un mouvement de blancs « Ah..ils sont Blancs », comme si cela était une surprise de voir des Blancs dans les zones rurales françaises. Mais ce que l’on ne voit pas, c’est que beaucoup de Français issus de l’immigration participent à ce mouvement et qu’ils ne revendiquent aucune identité, ils sont totalement dans l’assimilation. Ils font partie d’un tout qui s’appelle la classe moyenne, ou l’ancienne classe moyenne. Le mouvement a été très fort à la Réunion, on voit donc bien que cela n’est pas ethnique. Mais cela a été présenté comme cela parce que cela permettait d’avoir le discours sur l’antiracisme et l’antifascisme. Il y a eu une ostracisation des Gilets jaunes par la gauche bienpensante parce que trop blancs, mais il y aussi eu une mise à l’écart et un mépris très fort de la part de la bourgeoisie de droite. C’est la même posture que vis-à-vis du White Trash américain : ils sont pauvres et ils sont blancs, c’est la honte de la société.
Le clivage de classe domine-t-il, selon vous, les autres clivages qui touchent la société ?
La question culturelle et ethnique existe, je veux bien que l’on clive, mais ce qui est intéressant c’est de voir que par exemple qu’un juif de Sarcelles rejette le CRIF ou Bernard-Henri Levy. C’est fondamental parce que cela dé-essentialise la communauté juive. C’est la même fracture que l’on retrouve dans toute la société. De la même manière, les musulmans ne se retrouvent absolument pas plus dans les instances musulmanes que dans Jamel Debbouze.
Et à ce propos, ce que l’on voit le plus souvent, c’est que le destin des gens issus des classes populaires qui parviennent à s’élever, c’est de trahir. C’est banalement ce qui se passe parce que cette trahison permet l’adoubement. Edouard Louis fait son livre en ciblant sa propre famille, alors il fait la une des magazines. On a vu le même phénomène aux Etats-Unis avec le livre de J.D. Vance (Hillbilly Elegy), qui est quand même plus intéressant, mais il décrit aussi le « White Trash » en disant que la classe ouvrière américaine n’est quand même pas terrible, qu’ils sont fainéants, qu’ils boivent et qu’ils se droguent, et cela lui a permis d’accéder au New York Times. En rejetant son propre milieu.
Je n’ai pas de jugement moral sur les classes populaires, je prends les Français tels qu’ils sont. Je ne demande à personne d’arrêter de penser ce qu’il pense, notamment sur l’immigration. De toute façon cette question va être réglée parce que 80% des Français veulent une régulation, et qu’on ne peut pas penser cette question comme on le faisait dans les années 60, parce que les mobilités ont évolué. La question n’est même plus à débattre. Les gens que je rencontre en Seine Saint Denis qui sont majoritairement d’origine maghrébine ou sub-saharienne veulent l’arrêt de l’immigration dans leurs quartiers. C’est une évidence.
Il ne faut pas oublier que les deux candidats de 2017 rejetaient le clivage gauche droite. Les gens se positionnent par rapport à des thématiques comme la mondialisation ou l’État providence, et de moins en moins sur un clivage gauche droite. Aujourd’hui, des gens comme ceux qui sont avec Jean-Luc Mélenchon ou avec Laurent Wauquiez veulent réactiver ce clivage. En faisant cela, ils se mettent dans un angle mort. Gauche et droite sont minoritaires. Jean-Luc Mélenchon a derrière lui la gauche identitaire qui dit – »nous sommes de gauche »- mais cela lui interdit de rayonner sur ce monde populaire. La question est donc celle du débouché politique, mais tout peut aller très vite. L’Italie a basculé en 6 mois.
Vous n’avez pas évoqué les violences du mouvement, comment les « comprendre » ?
À la fin des années 90, j’avais fait une analyse croisée sur la relance de politique de la ville et les émeutes urbaines. On voyait bien que toutes les émeutes urbaines génèrent une relance des politiques de la ville. La réalité est ce que cela marche. Et surtout, le mouvement des Gilets jaunes n’existerait pas en France et dans le monde sans les violences aux Champs-Élysées. Le New York Times a fait sa Une parce qu’il y avait cela, parce que cela est parfaitement corrélé à ce qu’est la communication aujourd’hui. Il y a cette violence et il faut la condamner. Mais cela veut aussi dire que nous ne sommes plus au XXe siècle. C’est tout le mythe du mouvement social qui est ringardisé. Réunir des gens à République et les faire manifester jusqu’à Bastille avant qu’ils ne rentrent chez eux, c’est fini. C’est aussi une réécriture du mouvement social qui est en train de se réaliser.
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Excellent travail de Christophe Guilly toujours aussi limpide et pertinent et en plus pas donneur de leçon !
Il dit les choses avec le recul et le calme sans les poncifs habituels complètement dépassés, l’exact contraire de tous ces excités politiques médiatiques qui veulent absolument exister .
Oui les Gilets jaunes ont gagné, ils se sont même fait entendre jusqu’aux Etats Unis et je suis sûr que les électeurs de Trump les ont compris !!
Pour illustrer ce que dit Juilly, les gilets rouges de dimanche essayaient de se défendre de défiler en opposition au mouvement . C’était les bobos contre la France périphérique.
Comme le dit le sociologue une haine et un mépris de trente ans contre les classes populaires.
Pourtant le mouvement dont les médias se sont escrimés à décrire comme violent vulgaire et incarné par des êtres inintelligents n’a jamais été dirigé contre une autre catégorie de population mais pour des revendications bien précises qui sont entre autres de retirer ces taxes sur les carburants qui font que les baisses de prix du baril ne sont pas reportés à la pompe, limiter les contrôles routiers automatiques, dont on use et on abuse contre l’automobiliste qui est contraint de se déplacer de cette façon. On peut penser que c’est dérisoire ou anodin, mais ils sont vécus comme les symboles d’un harcèlement fiscal et routier et on été les éléments déclencheurs du mal-être ressenti Et aussi l’expression d’un sentiment d’abandon de la France périphérique qui voit le service publics disparaitre, les conditions de travail se dégrader, le chômage se répandre dans les familles même chez ceux qui ont des compétences et se croyaient à l’abris de la précarité. L’application du mondialisme à la sauce européenne précarise Et tout cela n’est pas pris en compte par les politiques qui n’ont les yeux de chimères que pour leur minorités qu’ils instrumentalisent à leur profit. j’ai lu hier dans un commentaire de Maxime que des pensionnaires de maison de retraite en avaient marre de voir les GJ à la TV que c’était l’overdose. Il faut bien qu’ils sachent que c’est pourtant parmi eu que l’on trouve ceux qui payent leur retraite aujourd’hui par le système de répartition et ils devraient avoir une peu plus d’empathie pour ceux qui font vivre la solidarité mais veulent aussi qu’elle perdure dans le futur. Et pour cela ils ne faut ni compter sur un macron ni sur les bobos du mondialisme, ni les banlieues immigrés qui ne vivent que dans l’immédiateté .
En tout cas moi je dirais au GJ restez comme ça ne changez rien vous êtes parfait !C’est avec vos gilet que vous vous êtes rendus visibles par une société qui vous ignorait totalement sauf pour se payer sur la bête.
Vous avez déstabilisé le macron qui est en pleine période de magouillage pour reprendre la main. Pour se faire il se fait aider par des vieilles « gloires » du passé comme tapie ou Sarkozy avec des recettes pour le coup dépassés. Ils comptent bien que les gens soient impressionnées par la panoplie qui a été déployée tout azimut pour anéantir le mouvement, émissions bidonnées dont on choisi les invités politiquement compatibles, dissuader les gens de venir aux manifs en montrant les effets de flash ball tout en prenant pour prétexte de la dénonciation de la politique répressive de castaner et se font au contraire les relais du message qu’il veut faire passer c’est à dire « rentrez chez vous sinon voilà ce qu’il vous arrive et BFM ou C8 ou RMC ou autres France tv vont vous montrer ce qui vous arrivera si vous vous entêtez ». , organisation de contre manifs, listes de GJ pour les européennes complètement en dehors de l’esprit des GJ qui n’est pas de se substituer au politiques mais au contraire de les contraindre à prendre leur responsabilités. Comme dirait l’autre « chacun son job ». et la surexposition médiatiques de certain électrons libre comme le sieur Drouet qui ne représente que lui même mais visiblement a pris le « melon » complètement dépassé par le rôle auquel les médias veulent qu’il se conforme pour en faire une représentation caricaturale du Gilet jaune type. Alors que ceux ci sont pluriels comme l’explique parfaitement Christophe Guilly aussi bien chômeurs que cadres ou fonctionnaires d’origine immigrés parfois mais se ressentant d’une proximité et d’une problématique commune.
Ils sont ceux qui ne veulent pas abandonner l’intérêt général contre celui d’un agglomérat de minorités qui ne représentent pas un tout ;
Les gilets jaunes ne doivent pas se départir de leur calme et détermination et au contraire s’inspirer de ce qui a fait leur force jusque là, A mon humble avis ils devraient juste renforcer leur coordinations pour être plus efficace encore dans leurs actions futures . Et excusez moi d’être trivial, ce sont les circonstances qui m’inspire, mais les autres peuvent toujours défiler à 10000 en gilet rouge et même avec une plume dans le cul si ils le veulent! c’est pas le problème des GJ si eux sont le problème des autres !
les français ne seront jamais prêt pour lutter contre l’immigration.
j’en ai fait l’expérience l’année dernière dans le TER ayant remis a sa place un gris un peu trop virulent,en le menaçant de le balancer du train
un passager bien vaillant a alerté le contrôleur pour ce plaindre des désagrément que je causer et que mon comportement pouvait créer des problèmes dans le train .heureusement le contrôleur (une femme) n’a pas pris en compte cette réclamation.
voila a quoi ont a droit de la part de nos charmants con citoyens.
Bonjour,
Très belle analyse.
Plutôt l’impression que c’est Macron qui a gagné.
Je ne dirais pas encore ça mais je pense que Macron et Mélenchon combinant efforts pour dépouiller le mouvement des gilet jaune d’une partie de ses revendications le transformer en simple mouvement populaire avec des revendications sociales traditionnelles.
Je pense que ce youtubeur que je ne connaissais pas qui s’appelle Michel Drac qui ne semble-t-il était soralien où est l’ancien soralien tombe quand même assez juste:
À calculer fait par lrem il est assez redoutable bien sûr il y a 7 listes bidon décence macronienne qui est créé au sein du Mouvement des GJ comme un premier élément de zizanie mais il y a aussi un calcul électoral qui consiste même si la macronie et très affaibli en terme d’imposition de verre de mode de jouer la destruction de la droite de Monsieur Wauquiez avec le départ de la tendance mode juppéiste vers énervé M et d’une autre partie plus souverainiste plus patriotique vers le rassemblement national et accessoirement debout la France.
L’autre cible et la France insoumise qu’il espère également scinder en amenant la branche immigrationniste vers lrem d’un point de vue électoral l’autre branche plus patriotique plus souverainiste s’abstenant ou même rejoignant le rassemblement de National.
Macron veut reconstituer une bipolarisation lrem face au rassemblement national et refaire le coup de 2017.
Le mouvement des gilet jaune et à Paris apparaît comme une réaction très puissante insaisissable mais petit à petit c’est la politique d’avant qui revient les analyses sociologiques on vient montrer qu’il y avait une partie des gilet jaune qui était bien à droite révolution de droite comme dirait Charles Gave et une autre plutôt de gauche.
Le pouvoir est en train de se servir de cette analyse pour commencer son travail de sape je ne serai pas aussi optimiste mais je peux me tromper et je le souhaite et si je me trompe nous aurons droit à une véritable insurrection avec risque de d’embrasement franco-français entre français dit de souche beaucoup plus que le scénario que prédisait Laurent Obertone dans son Guérilla ( les banlieues ne bouge pas très peu sauf dans le cadre de quelques pillages).
Non Macron n’a pas gagné mais lui et sa clique manipulent, et essaie d’utiliser la force du mouvement à leur profit de retourner la crise alors profit.
Les gilet jaune vont être obligés de faire de la vraie politique de devenir de vrais stratège et de voir venir les loups qui tourne autour d’eux sans oublier les loups déguisé en mouton qui se glissent parmi eux.
La grande récupération commence.
Même moi je me laisse prendre tellement ça donne le tournis!
Les thématiques sociales qui sont certes importantes remonte à la surface mais les thématique identitaires, patriotiques, nationales passent à la trappe , et progressivement et pourtant même pendant la Révolution française les premières n’était pas absente lorsque l’on évoqué la patrie en danger ce n’était pas pour rien.
Désolé mais aucun gilet jaune parle d’immigration. Sur les Gilets aucun GJ n’a écrit stop à l’immigration. Quand on interroge un GJ il dit tout et n’importe quoi sauf sur l’immigration. Alors oui je me pose la question, les Français veulent ou ne veulent t’il pas l’immigration. En tout cas moi je m’inquiète et je ne suis pas rassurer du tout sur le sujet;
Au début du mouvement il suffisait de s’avancer « neutre » et de discuter cinq minutes pour voir apparaître un rejet massif de l’immigration. Puis sont apparus au fil des semaines des gens de gauche et d’extrème gauche. On les reconnait en général à leur côté moralisateur, condescendant, comme s’ils étaient à l’origine du mouvement, alors qu’ils ont juste peur de louper le train déjà parti et qu’ils n’avoueront jamais, notamment pour les syndicats, qu’ils ont trahi le peuple, bien aidés en cela par un code du travail écrasant ou s’est engouffré le patronat pour les éteindre. Trahison aussi parce que leur posture
idéologique a servi de repoussoir pour les salariés et de pain-béni pour leurs adversaires. La parole sur l’immigration est de ce fait difficile à libérer et tout retard se terminera par une libération aussi forte de ceux que l’on a rendu invisible depuis trente ans.