Lorsque mon ami Jules FERRY m’a proposé d’écrire un article sur Les Chœurs de l’Armée rouge, j’ai sauté de joie. En effet, c’est l’ensemble vocal qui m’émeut le plus quand je l’entends. Je connais un grand nombre de chœurs de musique classique qui sont d’une qualité équivalente à celui des Chœurs de l’Armée rouge, certes, mais ce dernier dégage une atmosphère, un ressenti, des ondes, une perception complètement différents des autres chœurs. Il est absolument unique en son genre. Quand les Chœurs de l’Armée rouge chantent, ce sont nos tripes, nos cœurs, notre esprit qui chantent avec eux.
Après la révolution d’Octobre, le Conseil des commissaires du peuple adopte un décret créant l’armée rouge ouvrière et paysanne, incorporant les unités déjà existantes de la Garde rouge, entre le 15 et le 28 janvier 1918.
Le 21 février, devant la poursuite de l’avance allemande, la patrie socialiste est déclarée en danger et commence l’inscription en masse des volontaires. C’est à Trotski que revient la tâche d’organiser et de structurer la nouvelle armée. En juillet 1918, lors de la guerre civile, on décrète la mobilisation générale des hommes de dix-huit à quarante ans.
Après la guerre civile commence le processus de restructuration parallèlement à la démobilisation qui s’achève en janvier 1924. Trotski est remplacé par l’homme de confiance de Staline, Vorochilov.
Les grandes purges staliniennes n’épargnent pas l’Armée rouge qui perd tous ses cadres supérieurs et une grande partie du corps des officiers. En 1939, le système de conscription de milice territoriale, qui existait depuis 1924-1925, est supprimé et remplacé par la « loi sur l’obligation militaire générale ».
Aux revers du début de la Seconde Guerre mondiale l’Armée rouge prend le nom de Forces armées soviétiques, qui aboutira à la victoire contre l’Allemagne.
Cette « armée rouge » russe est-elle la seule à être ainsi dénommée ? Non, puisqu’il existe une armée rouge chinoise et japonaise.
– LA CHINOISE
Le Parti communiste chinois a voulu créer une puissante force militaire de sa stratégie guerrière et révolutionnaire. Il a donc instauré l’Armée rouge le 01/08/1927 d’autant plus qu’il entrait en guerre civile contre le Kuomintang1. Elle fut ensuite rebaptisée Armée populaire de libération (ou Armée de libération du peuple, A.L.P.) en 1946). Cette armée était composée d’éléments nationalistes passés aux communistes et de membres du parti communiste chinois.
– LA JAPONAISE
Issue d’une scission de la Ligue communiste d’extrême gauche japonaise, l’Armée rouge est créée en 1969. Elle affronte avec violence l’État japonais et sème la terreur au sein de la population japonaise. Leur objectif avoué est de provoquer une guerre civile au Japon. Quand un de leur membre est jugé déviant, il est condamné à mourir de froid dans la montagne.
Elle se fait connaître par des actions terroristes seules puis avec le Front populaire de libération de la Palestine contre Israël. Mais la répression et les dissensions internes portèrent de sérieux coups à l’Armée rouge, très isolée au Japon. Dès la fin de 1972, elle entre dans une phase d’effritement.
L’Armée rouge japonaise est dissoute le 14/04/2001. Sa fondatrice, Fusako Shigenobu, a été libérée le 18 mai 2022, après avoir purgé une peine de 20 ans de prison. Elle était surnommée la « reine rouge » ou encore « l’impératrice de la terreur ».
Pour cette pause musicale, on ne fait pas dans le moins connu cher ami, oui Kalinka ! Kalinka est une célèbre chanson traditionnelle russe, qui célèbre la beauté de la nature russe et l’amour. Elle évoque la joie de cueillir des baies d’aubépine dans la forêt.
Elle a été écrite et composée en 1860 par Ivan Larionov (1830-1889).
Le mot “Kalinka” fait référence à la petite baie de l’aubépine, également connue sous le nom de “groseille épineuse” en russe.
Elle a été reprise en particulier par Ivan Rebroff (que j’étais allé écouter dans l’église de Compiègne il y a bien longtemps, quel bonheur !) et par nos Chœurs de l’Armée rouge bien aimés. Le soliste ici est Valery Gavva, voix de baryton2 qui nous remue les tripes par la clarté de sa voix, sa justesse et sa précision qui n’ont d’égale que la chaleur qui s’en dégage.
Les Chœurs de l’Armée Rouge constituent un très fort symbole de la Russie. Ils furent fondés en 1928 par Alexandre Alexandrov. Depuis les débuts de la révolution bolchévique dix ans plus tôt, une nouvelle entité géographique se dessine sur la carte du monde : l’URSS.
Elle ne se constitue pas vraiment dans le calme démocratique, ami passionné. La guerre civile décime le pays (y aura-t-il un jour où les Hommes sur cette planète arrêteront de s’entre-tuer ?). C’est dans cette période tendue, mais aussi dans un contexte où les promesses du communisme et d’une certaine puissance russe font vibrer les troupes, que les Chœurs de l’Armée rouge font leur apparition.
Le but premier des nouveaux Chœurs de l’Armée Rouge était de soutenir le moral des troupes, des combattants.
Ce chœur d’hommes, tous des soldats de la révolution, avaient un rôle essentiel à tenir. Il devait exalter l’idéal révolutionnaire, l’esprit d’Octobre. Le répertoire à l’époque était constitué de chants militaires révolutionnaires, et aussi des compositions de leur créateur Alexandre Alexandrov.
Alexandre Alexandrov a tellement marqué son époque au niveau choral, composition, et surtout comme créateur de l’ensemble, qu’à sa mort la dénomination officielle des Chœurs de l’Armée rouge est devenue les « Chœurs de l’Armée rouge Alexandrov » et continue de porter actuellement ce nom.
Au début, ils étaient une douzaine, guère plus. Puis, peu à peu, le groupe a grandi, musiciens et danseurs l’intégrèrent, ce qui fait qu’aujourd’hui la troupe arrive à 400 membres ! Ils étaient la voix de la toute nouvelle URSS. La voix des Soviets.
Le rôle d’Alexandre Alexandrov fut si important et ses œuvres si appréciées que Joseph Staline en 1944 lui confia une mission importante : écrire l’hymne national soviétique. Ce qu’il fit sur les paroles de Sergueï Mikhalkov. L’objectif de cet l’hymne national était d’exalter la dictature du prolétariat, la démocratie populaire et du centralisme démocratique, après tous les bains de sang que l’on connaît.
L’Hymne de l’Union soviétique possédait des traductions officielles dans toutes les langues officielles des Républiques socialistes soviétiques de l’URSS, ainsi que dans d’autres langues de minorités soviétiques. Voici la version originale russe de 1944 traduite ici en français sur fond de la Cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux de Moscou.
Voici les Chœurs de l’Armée rouge chanter l’hymne national soviétique.
Puis, la révolution terminée et le nouvel ordre installé, les chœurs de l’armée rouge voient leur mission évoluer. Ils élargissent leur champ d’action en partant en tournée à travers le monde.
En 1937, lors de l’Exposition Universelle de Paris, ils remportent leur premier grand succès. Après le concert d’ouverture, ils devinrent la coqueluche du Tout-Paris artistique de l’époque. Et oui ! Partout où ils allaient dans le monde leur succès était éclatant.
Puisque nous sommes dans l’historique de ce merveilleux ensemble, nous allons écouter Les Choeurs de l’Armée Rouge Alexandrov dans « Les Bateliers de la Volga ». Le soliste est ici Leonid Kharitonov.
Les bateliers étaient des hommes qui, avec des cordes, faisaient avancer des embarcations, des péniches, des bateaux sur des canaux ou fleuves (cela porte le nom de halage). La tâche était extrêmement dure.
Mili Balakirev, très célèbre compositeur russe, l’a intégrée dans son recueil de chansons folkloriques. Puis cette chanson a été reprise par Alexandre Glazounov, Igor Stravinsky, Manuel de Falla et de nombreux autres compositeurs.
Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler que la Volga est le plus long fleuve d’Europe avec ses 3 690 km.
Mais, c’est lors de la seconde guerre mondiale que le rôle des Chœurs fut le plus déterminant.
C’est durant cette guerre, que l’ensemble se produit sur tous les fronts du pays, aux côtés des troupes prêtes à être déployées, sur le champ de bataille, dans les tranchées, sur les terrains d’aviation, mais aussi dans les hôpitaux. Leurs missions : exalter l’idéal révolutionnaire du pays et remonter le moral des troupes.
En effet, le front soviétique est enfoncé. Les allemands avance toujours plus vite. Il faut résister. Il faut que les soldats oublient toutes ces horreurs par du rêve, de la joie, et de la musique. Les Chœurs de l’armée rouge font oublier l’avancée inéluctable des Panzers. En les écoutant, les soldats reprennent confiance.
Ils ont été le symbole du triomphe de la Russie et des forces alliées sur le nazisme, accompagnant les actes de bravoure des soldats de l’Armée Rouge sur les champs de bataille historiques
L’ensemble aura livré plus de 1 400 concerts à travers tout le pays. Alexandre Alexandrov décède en 1946 et laisse son fils, Boris Alexandrov, prendre la direction de l’ensemble.
Durant les premiers jours qui suivent l’opération Barbarossa3, Alexandre Alexandrov compose la chanson « Guerre sacrée », qui deviendra l’un des chants les plus célèbres de la Grande Guerre patriotique. « Guerre sacrée » appelle à la guerre de la nation tout entière contre les envahisseurs allemands.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE !
Rendez-vous la prochaine fois pour la deuxième et dernière partie des aventures des Chœurs de l’Armée rouge.
Bye bye
CACHOU
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1 : Le Kuomintang n’est pas un territoire comme on pourrait le croire mais un parti politique. Créé en 1912 il a dominé la Chine contemporaine de 1928 jusqu’à 1949, suite à la prise du pouvoir par les communistes cette année-là.
2 : Les voix masculines sont divisées en quatre groupes : contre-ténor, ténor, baryton et basse. Les voix féminines sont divisées en trois groupes : soprano, mezzo-soprano et contralto.
3 : le 22/06/1941 le IIIème Reich d’Hitler et ses alliés de l’Axe, tente d’envahir l’URSS de Staline. Cette action militaire a été nommée par les Allemands « l’opération Barbarossa ». Elle est considérée comme l’une des plus grandes opérations de l’histoire militaire moderne. Elle se termina par l’échec que l’on connaît, ce qui a constitué un tournant important dans l’issue du conflit de cette deuxième guerre mondiale.
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J’ai toujours écouté et apprécié les « coeurs » de l’ armée rouge, malgré mon anti-communiste primaire. Et depuis que qui vous savez à ruiné en quelques années plusieurs siècles d’amitié franco-russe, grace à nos faux amis états-uniens, je mets les bouchées doubles ou triples pour écouter ces merveilles. Un vrai régal. Spassiba! ( au fait , Ivan R. l’ était pas allemand?)Mais bon, j’aime bien quand même.
Je partage totalement ton post ami cruet73.
Quant à Ivan Rebroff, tu as évidemment parfaitement raison. Il est né et mort en Allemagne, mais il disait qu’il avait des origines russes, d’après ses propos… 😄
D’un ancien officier parachutiste, ou le chants sont immuables j’apprécie au plus haut point ces belles voix. Merci à vous, un coups de soleil dans ce monde qui devient barbare.
Bien à vous.
Merci d’avoir apprécié ce modeste article, et de cette note (sans jeu de mot) positive.
merci pour cet historique , comme beaucoup je pense j ‘apprécie cet ensemble vocal mais n’en connaissais pas et ne m »était pas penchée sur l’origine
Merci de tes encouragement, fleuriste, ils me font très plaisir.
Superbe ! merci Cachou.
Tu as accompli un gros travail de recherche, et on comprend mieux l’âme slave à travers ce répertoire.
Comme d’habitude, ami frejusien, je suis très sensible à tes encouragements. Merci. Amitiés patriotiques.
Magnifique exposé, ami Cachou, avec le contexte historique à la clé. J’ai eu un grand plaisir à lire ces lignes et à écouter les chants. Un grand MERCI ! Au plaisir pour la suite !
Je suis très honoré et heureux que tu ais apprécié cette première partie. En effet, et tu l’as bien souligné, c’est tout à fait volontairement que j’ai remis la « biographie » des Chœurs de l’Armée rouge dans l’Histoire russe, car leurs existence et missions sont directement liées à l’histoire de ce pays.
Mais il ne fallait pas oublier non plus de pouvoir les écouter dans l’article ! J’ai essayé de trouver un équilibre.
Merci à toi.
Ce n’est pas parce qu’il y avait de bons chanteurs dans l’armée russe que Staline était le guide de tous les peuples. Vous mélangez tout !
Bonjour ami Célestin Bouchabiel,
Merci de l’intérêt que tu portes à ce modeste article. Mais, pour être franc avec toi, je n’ai strictement rien compris de ce que tu veux dire. Selon toi j’aurais expliqué dans mon article que la présence de bons chanteurs dans l’armée russe justifierait que Staline était le guide de tous les peuples. Ah ?
Soit j’ai exagéré ma dose de pastis (puisque j’habite sur la Côte d’Azur), soit ton post n’a pas beaucoup de sens. J’opterais sincèrement pour la seconde solution.
Peux-tu développer, citations de mon article à l’appui, ce que tu exprimes dans ton post ?
En général dans ce type de demandes d’explications, on n’a jamais de réponse. Nous allons bien voir…
Il y a de très grands musiciens allemands. Qu’en conclure ? Que « Caligula » a eu raison d’inviter Ursula à voir Xi ?
Ami Célestin Bouchabiel, tu n’as, et c’était l’objet de mon interrogation, pas répondu du tout, ni expliqué, le sens de ton premier post.
Quant au deuxième, je ne vois toujours pas le rapport avec l’article.
Je te remercie de ces deux posts, mais je te suggère de ne plus trop insister, ou si tel était le cas, je me permettrai de ne plus y répondre.
Pour d’autres impressions en rapport avec l’article, je reste ouvert et ce sera avec plaisir que je te lirai.
Bien amicalement.
Merci, cher ami pour ce très bel article! Etant un grand amateur de musique classique, j’ai toujours admiré le niveau exceptionnel de ce choeur, les années passent, les chanteurs changent mais la qualité est toujours au rendez vous. Les choeurs orthodoxes russes sont aussi extrêmement qualitatifs et vont droit au coeur par le mélange expressif des différentes tessitures. J’attends avec impatience la suite. Bonne journée.
Merci ami Le chti français de tes appréciations face à cette première partie d’articles sur les Chœurs de l’Armée rouge. Je sais que tu es un homme de grande culture et que tu apprécies le beau.
Tu as mille fois raison de souligner l’extrême qualité des chœurs orthodoxes russes. Ils sont d’un niveau équivalent à ceux des Chœurs de l’Armée rouge.
Lorsque notre fils habitait à Moscou pendant quelques années, avec mon épouse nous sommes allés plusieurs fois dans cette ville. Et nous avons visité un certain nombre d’églises orthodoxes russes. Il est de tradition dans celle-ci, tout du moins pour les grandes églises, qu’à 16 heures tous les jours, un quatuor de voix chante pendant cinq minutes.
C’est un instant ultra magique, leurs voix tendance basse plutôt que ténor, nous portent au sommet de la beauté. À chaque visite j’attendais ce moment qui nous porte au ciel.