Bernard Pivot nous a quittés, écoeuré de l’inculture de la Macronie ?

Je ne fais pas partie de ceux qui disent « c’était mieux avant », car je fais partie d’une génération qui a vu sa mère aller laver le linge au lavoir, servir des petits bourgeois qui pétaient au-dessus de leur cul, frotter des kilomètres de parquet à la paille de fer, prendre le bus à 6 h du matin pour aller à 40 km se faire rembourser à la sécurité sociale, travailler 6 jours sur 7 pour un salaire de misère…

Bref, ne comptez pas sur moi pour pleurer sur l’ancien temps disparu.

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Par contre, ce qui a bien disparu et ça me désespère, c’est l’omniprésence de la culture, populaire ou pas, sur le petit écran à partir des années 60, quand toutes mes tantes vivant en HLM avaient la télé, y regardaient certes la Piste aux Etoiles qui me barbait (je n’ai jamais aimé le cirque) mais y découvraient, entre 2 lectures de « Nous deux » ou « Confidences » un Pivot invitant des écrivains, des vrais, des  artistes, des vrais, excentriques pour certains mais c’était alors aussi le droit à la différence, le droit de secouer le monde pour qu’il change et ça pouvait être savoureux !

Et Pivot faisait partie des rendez-vous télévisés, à égalité avec Guy Lux qui a permis grâce à la télé naissante le rendez-vous familial des jeux d’Intervilles. C’était sans doute là la plus belle réussite des années 60. Il y avait de tout, pour tous les goûts, sans sectarisme, à la télé de papa… et on n’y vivait pas dans la peur du mot de trop qui vous amènerait de gros soucis avec l’Arcom. Un air de liberté flottait sur la France.

Et le magnifique Bernard Pivot, son humour, sa culture, sa patience, faisait accoucher les écrivains et autres artistes de leurs secrets à l’écran.

Qui ne se souvient pas d’Apostrophes ? Quel nom, superbe, d’émission

Et quel programme ! Quel talent, Bernard ! Tous les vendredis soir, les Français entraient dans ton salon où se trouvaient 4 ou 5 écrivains et artistes qui discutaient, s’engueulaient, buvaient, fumaient… Oui, qui eût dit qu’à peine 30 ans après il serait interdit de montrer des gens en train de boire un verre de vin à la télé, pour faire leur éducation ? Et une cigarette ? Ciel ! 

Pivot a reçu et fait découvrir de très grands écrivains, comme Marguerite Duras. Je sais qu’il est de bon ton de cracher sur elle dans le clan patriote car de gauche, car proche de Mitterrand. Et alors ? On peut adorer des artistes ou écrivains avec qui on n’est pas d’accord politiquement mais qui sont grands non ? J’ai adoré – et j’adore toujours- Duras, j’ai dévoré tous ses livres, qui m’ont nourrie, qui m’ont apporté du bonheur, qui m’ont fait grandir, qui m’ont fait toucher le beau. Car elle écrivait bien, la Duras. Quelle plume !

Pivot n’avait pas peur d’inviter des personnages sulfureux, des artistes pas toujours mesurés. Je me souviens d’une émission incroyable où il y avait Gainsbourg que j’adorais et adore toujours et Béart que j’aimais bien sans plus. Pouvez-vous imaginer quelque chose d’approchant à la télé, aujourd’hui ? Oui, un air de liberté flottait sur la France. Gainsbourg comme souvent à moitié ivre ou camé disant ses 4 vérités aux spectateurs dans la salle « qu’est-ce qu’ils ont les blaireaux » et donnant une extraordinaire leçon de musique à Béart, imitant l’oeuvre de ce dernier et lui montrant ce qu’était vraiment l’art de jouer du piano.

  • 1986 : le clash Gainsbourg-Béart

Serge Gainsbourg, affalé devant un piano, peut-être éméché, peut-être pas, dit : « Du champ’, du brut’, du vamp’, du put’ » et explique que « ce sont les mots qui véhiculent l’idée et non pas l’idée qui véhicule les mots ».

Guy Béart n’est pas d’accord. Gainsbourg, sans même tourner la tête, lâche : « Qu’est-ce qu’il a dit, le blaireau, là ? ». Béart tente de parler, l’auteur de « Melody Nelson » balance : « Ta gueule ». « Je sens qu’il y a un petit contentieux entre vous », dit Pivot. « Mais non ! », souffle Gainsbourg. « Absolument pas ! Je le connais pas ». Ce qui est totalement faux.

Bernard Pivot gardera un mauvais souvenir de cet épisode : « Guy Béart avait été agressé, il avait dû réagir et l’émission ne le mettait pas à son avantage. » « Ce qu’il y avait de blessant dans blaireau, c’était la façon de dire. Une méchanceté se dégageait », notera pour sa part Béart.

Grandiose même si peu agréable pour Béart. Mais unique. Un air de liberté... mais les censeurs et castrateurs en tous genres ont eu la peau de cette liberté, typiquement française, qui avait fait rêver outre Atlantique et attiré à Paris tous les écrivains, acteurs, musiciens, metteurs en scène… américains, imaginant même pour certains nombre de leurs livres ou films à Paris. Hemingway, Faulkner, Fitzgerald, Dos Passos, Miller, Woody Allen, Joséphine Baker, Sydney Bechet, Cole Porter…
C’est ce Paris, cette France qui pensait, chantait, dansait, créait, remettait en cause, choquait, bougeait, évoluait… qui dynamisait le monde entier et qui nous faisait vibrer chez Bernard Pivot, grâce à Bernard Pivot, avant que l’américanisation/mondialisation avec la dictature du politiquement correct,  du puritanisme américain et de son désir de régir le monde entier wokisé n’ait tout fait disparaître..
Je t’embrasse Bernard, merci d’avoir existé.

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19 Commentaires

  1. Je me rappelle de Gainsbourg qui avait brule un billet de 500 Francs, en grande partie et d’expliquer: « voila cd que me prend l’Etat en impôts et ce qui me reste ».
    J ai oublie quelle émission citait.

    Sacre Ginsbar !. J’aimais l émission « Apostrophes » de Bernard Pivot.
    J’aimais bien Guy Lux et « Interville » et ses vachettes.
    Il y avait aussi Leon Zitrone, Coluche et tant d autres.
    Oui c etait mieux avant, question culture et rigolade. On n avait pas le Rap et toutes les Mrd gauchistes. Et encore moins tous les interdits qui nous pourrissent la vie.
    J’oubliais: on mangeait mieux même si l’hygiène, parfois, laissait a désirer.
    Oui je viens d une époque ou l’on apprenait a écrire a la plume « Sergent Major » et a l’encre violette.

    • Bonjour,

      Moi aussi, je me souviens même des abrutis qui râpaient leur gomme à effacer dans les encriers …

  2. En revanche, je me souviens du sourire (complice ?) de B. Pivot quand D. Kohn Bendit expliquait son « bonheur » quand une petite fille de 5 ans le déshabillait…
    Ce jour là, personne n’a protesté, Pivot y compris.

    • Bonjour,

      Je me souviens de la québécoise Denise Bombardier qui avait envoyé un paquet à Matzneff …

      Très courageuse, elle avait envoyé un paquet, aussi, à une admiratrice de Brasillach.

      Mais, c’est vrai, que pour les bien-pensants des années 70, elle était vue comme une mère la pudeur …

    • Je crois me souvenir que personne n’a moufté à ces déclarations du gros con bandit… Ça souriait même pas mal…

  3. Bernard Pivot à fait une émission Apostrophe intitulée « Le coran, livre de guerre ou livre de paix ? » dans les années 80. J’ai prix l’émission en cours, quasi à la fin, n’ai pas compris qui était l’auteur ni ce que racontait ce livre ni pourquoi la question du titre de l’émission… Par contre je me rappelle la conclusion : 6 invités, 5 votants « livre de guerre », 1 votant « livre de paix ». 5 blancs, 1 arabe. Cette émission est actuellement totalement censurée.

    • Bonjour,

      Je ne me souviens plus, du tout, de celle-là …

      Ce serait très, très intéressant de la revoir.

      Faut dire qu’à l’époque, le Coran nous n’avions rien à en carrer.

      Au passage, il est scandaleux que les archives de l’INA soient payantes : ces progammes ont été financés par le fric des Français et on leur demande de racker une fois de plus …

  4. Bonjour,

    Oui, de merveilleux moments, des années 70, comme tu l’expliques …

  5. Je ne me rappelle pas précisément de ses émissions, mais il manque terriblement, c’est clair. Dans un tout autre exercice de style, il y avait Michel Polac qui n’avait pas son pareil pour heurter la bien-pensance. A la réflexion, les années 70/80 étaient la dernière période pendant laquelle régnait une certaine liberté, une certaine insouciance, de l’audace aussi. Car, à partir des années 90, tout a commencé à se dégrader, partir en vrille: il suffit de voir ce qu’étaient devenus les programmes télévisés (avènement de personnages comme Cauet, Arthur, Lagaf: c’est parlant, non ?), le cinéma, la musique, ainsi que les restrictions qui ont commencé à pointer le bout de leur nez (les premiers pas des phénomènes « Cancel culture » et « Woke » se sont manifestés à ce moment-là, d’ailleurs, même si ça ne se voyait pas sur le moment).

  6. Je me souviens de cette emission avec Gainsbourg et Beart.En fait,le premier arguait que la chanson est un art mineur alors que Beart pretendait qu il etait majeur,ajoutant un peu pretentieusement que dans le cas contraire , »il ne ne serait pas la , ce soir »(a Apostrophe).
    Et puis il y avait eu auparavant l emission avec l ecrivain americain Bukowsky.Cela avait bien commence et puis Bukoswsky sortit une bouteille de whisky et vers la fin debloquait comletement,interrompant les gens dont Cavana qui le menacait de lui foutre son poing dans la gueule.
    A la fin,2 personnes emporterent Bukowsky hors du plateau,ce qui fit dire a Pivot  » mr Bukowsky,je me felicite de vous avoir intervieve en tout debut d emission ! »

  7. Habitant la Belgique, adolescent, j’écoutais le soir, avec ma mère, les invités de feu Jacques Chancel. C’était une autre époque qui a forgé nos esprits … Je ne me rappelle pas de Pivot mais je veux bien vous croire.

  8. il n’assistera pas à l’ultime dégringolade de la france : un grand merci à cet homme d’exception, dont nous n’aurions manqué aucun vendredi soir – la télé neutre de l’époque relevait le niveau et n’était pas cette poubelle gauchiste où les censeurs, les commissaires politiques, remplacent les intelligents, les érudits – on vous aime BERNARD

  9. J’ai passé un examen avec un texte de Marguerite Duras : un régal ! quel tristesse ce décès, tous les meilleurs partent (je me souviens de Gainsbourg ce génie qui brulait tranquillement son billet de 500 Francs pour montrer aux téléspectateurs le montant de ses impôts au moment ou il lui restait juste un bout de billet entre les mains). Ça me fait un coup au cœur à chaque fois qu’un artiste, un acteur, un journaliste, un présentateur de notre ancien monde, part : le monde actuel n’a plus d’âme.

    • Gainsbourg le nihiliste affreux . Lemon inceste, même sa fille il en jouait. La grand dérive , l’argent , l’argent. Pov de nous.

  10. C’est Mitterrand qui a détruit la France. Explosion de la liberté libertaire des mœurs, pornographie, désindustrialisation , aucune programme scientifique mis en œuvre, abaissement de l’enseignement nationale, temps libre et vide pour tous. Un vieux pervers ancien de la collaboration sous Vichy, Ministre des colonies et de la Justice sous la 4eme république, élu à deux reprises par le peuple « éclairé » de France.
    Pivot n’a pu que constater cette dérive et a du parfois complaire à son époque. Il l’a reconnu en refusant tout honneur .

  11. « Un air de liberté flottait sur la France ».
    Et vous dites que ce n’était pas mieux avant ?

    • La liberté qui ne profitait qu’à une partie de la population, l’autre accablée de tâches, travaux… très difficiles, méprisée, peu payée, en profitait bien peu

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