20, 25, 30 ans en arrière… des parents se lamentaient de voir leurs enfants passer leur temps libre sur les jeux vidéos.
C’était l’époque des « game boys », « playstations » et autres consoles de jeux, des jeux sur ordinateurs comme GTA, Tomb Raider ou les Sims.
Les adolescents pouvaient vivre mille et une vies dans leur chambre ou n’importe où d’ailleurs et ce fut le début d’une génération de « geeks » qui ne répondait pas à l’appel du soir : « à table !! ».
Il fallait que le père ou la mère se déplace pour aller chercher son geek en plein milieu d’une partie de jeux vidéos en ligne ou dans un épisode particulièrement important de sa vie « virtuelle » de joueur afin qu’il daigne venir partager le repas familial.
A cette époque les parents se lamentaient de la part prise par les jeux vidéos dans la vie de leur enfant.
Et finalement, cette époque n’était-elle pas idyllique comparée à la situation actuelle ?
Les réseaux sociaux ont désormais jeté les enfants et adolescents dans un univers de grande violence sans aucune distanciation, sans aucun mécanisme de « catharsis » alors qu’ils n’ont plus les moyens psychiques de se défendre.
Violence d’abord du principe même de ces réseaux sociaux : une deuxième vie mais qui n’a plus la même distance qu’avec la première, la vraie vie, celle qui paraît ne devoir jamais s’arrêter à cet âge du grand gaspillage de temps et de potentiel de vie.
Alors que les adolescents « geeks » amateurs de jeux vidéos n’avaient pas encore de téléphone portable, ou pour ceux qui en avaient ne pouvaient que passer ou recevoir des appels téléphoniques avec, loin des smartphones actuels, le temps passé sur les jeux vidéos, certes du temps perdu à première vue, leur offrait une échappatoire vers un imaginaire qui était salutaire.
Il pouvait y avoir de la violence dans ces jeux, parfois même de la délinquance. Cependant, la console vidéo et le principe même du jeu où le personnage était figuratif et l’univers représenté un univers parallèle faisait participer l’adolescent incarné dans un personnage de pixel à des aventures que le jeu vidéo mettait à distance de lui.
Par exemple dans le jeu « Grand theft auto », « le système de jeu est lancé dans un monde ouvert dans lequel le joueur choisit des missions pour progresser dans le scénario principal, en plus de s’engager dans des activités parallèles, de type action-aventure, conduite, tir en vue à la troisième personne, occasionnellement de rôle, et infiltration. La série est souvent l’objet de polémiques du fait de son contenu adulte et ses thèmes violents. Elle se concentre également sur différents protagonistes, souvent criminels, dont les objectifs divergent selon les jeux ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_Theft_Auto
Le jeu vidéo offrait une sorte de pont entre la vraie vie et la vie rêvée qu’un roman ne pouvait pas offrir par exemple. L’adolescent participait au jeu vidéo là où une lecture le mettait à distance totale d’un univers sur lequel il ne pouvait pas agir, même si la richesse de ce qu’un roman permet de vivre est plus intense pour peu que l’adolescent ait assez d’imagination, de capacité de concentration et de faculté d’abstraction.
Bien sûr il était inquiétant que l’ado passe trop de temps sur son jeu au détriment de son investissement scolaire, mais dans le cas où les parents étaient vigilants et avaient assez d’autorité pour savoir placer des limites, je pense que le jeu vidéo pouvait apporter un équilibre à l’adolescent.
Désormais, que font les adolescents de leur temps libre ? Ils sont précipités dans cet univers de grande violence que sont les réseaux sociaux, où les médisances se multiplient tant il faut être conforme au modèle de perfection qu’incarne « l’influenceur ».
Plus les ado passent de temps sur les réseaux sociaux, plus se dégrade l’image qu’ils ont d’eux-mêmes, à commencer par cette enveloppe corporelle qui mue continuellement à cet âge et passe par des stades parfois disgracieux…
Les influenceurs eux-mêmes ne sont pas des modèles d’équilibre psychique pour un certain nombre, soumis à la pression de garder leurs centaines de milliers d’abonnés en produisant suffisamment de contenu quotidien, production dont dépend leurs revenus publicitaires.
Pris dans le tourbillon d’une célébrité qu’ils ne savent pas toujours gérer, ou pris au piège d’une image construite qui ne leur correspond pas réellement, certains se suicident dans la fleur de l’âge…
Quant aux adolescents, c’est le monde entier qui devient à portée de mains avec une volonté de toujours repousser les limites spatiales.
Là où les générations antérieures avaient leurs copains et copines du quartier, du village et des environs, désormais les ados veulent pouvoir s’émanciper de ces frontières tacites qui balisaient et sécurisaient l’espace d’un adolescent.
Ainsi, samedi une adolescente a perdu la vie en faisant de « l’urbex », activité définie comme l’exploration de sites abandonnés, de friches urbaines non destinées à la visite et dangereuses (usines abandonnées par exemple)…
Je me souviens qu’à l’époque du jeu « Pokémon » par exemple, les enfants et adolescents parcouraient des kilomètres à longueur de journée sur leur console pour chercher des « pokémons » (« poket monsters »), assimilables à des espèces d’animaux totalement imaginaires.
Ils avaient moins de risques de se blesser et le jeu était plaisant !
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ces jeux vidéos ne rompaient pas l’échange social entre enfants et adolescents car tous jouaient aux mêmes à peu près au sein d’un génération.
Le jeu vidéo pouvait ainsi rapprocher les enfants et adolescents autour d’un intérêt commun car le jeu était assez riche pour que les jeunes gens concernés puissent partager ce qu’ils avaient vécu en tant que joueurs…
Enfin, il existait pour les adolescents les plus cérébraux des jeux de bâtisseurs de cités qui étaient proprement passionnants.
Je me souviens d’heures passées à jouer au jeu « Pharaon » qui permettait de bâtir et administrer une cité égyptienne, un jeu intelligent et réellement bien conçu.
Alors finalement, il y en avait pour tous les goûts et toutes les personnalités.
Sans doute que les jeux vidéos n’arrivaient pas à la cheville de ce qu’ont vécu les générations précédentes d’adolescents.
Qu’est-ce qui liait ensemble les adolescents d’il y a 50 ou 75 ans en dehors de leurs liens familiaux, amicaux, scolaires ?
Ceux d’il y a 50 ans étaient sans doute liés dans une passion commune pour tel artiste par exemple, ou le fait de regarder les mêmes émissions télévisées. Mais quelle pauvreté cela représente finalement de se retrouver dans l’adulation de Sylvie Vartan ou Johnny Hallyday…. qui, vus à la télévision, n’en étaient pas moins enfermés dans un écran sans aucune interaction avec le « fan ».
Quant aux générations antérieures, précipitées dans le labeur dès 14 ans, mariées à 18, elles étaient plus sainement liées par la recherche de leur survie matérielle immédiate et la conscience de l’urgence de vivre une vie dont l’espérance de durée était bien plus courte…
Bien sûr c’est une caricature car tous les adolescents n’étaient pas identiques et les milieux sociaux conditionnaient en grande partie leur vie.
On a l’impression qu’à chaque génération, il y a eu dégénérescence de l’adolescence. Le retour au réel que paraissent offrir les réseaux sociaux où les humains reviennent dans l’écran, où le personnage de fiction et l’univers fictif de pixel disparaissent, n’a pas apporté un surcroît d’humanité dans la construction des adolescents.
Au contraire, cet univers de réseaux sociaux est d’une cruauté froide inégalée, où des adolescents en poussent d’autres au suicide, pratiquent le harcèlement… On retrouve des collégiens pendus à l’âge de 11 ans !
Cette génération a été marquée pendant l’enfance par les attentats islamistes diffusés en direct sur les chaînes d’information (par exemple l’attentat de l’Hyper casher) et associe l’écran à une grande violence qui est aussi tout simplement celle de l’ensauvagement de la France qui a connu son paroxysme dans les 15 dernières années écoulées.
Le réel est devenu cet univers parallèle où tous les démons sont en liberté, la violence déchaînée, la menace à chaque coin de rue, les personnages imaginaires ont laissé la place à des humains déshumanisés s’agitant dans un smartphone…
L’univers du jeu vidéo présentait justement l’intérêt de canaliser toute cette violence dans un univers fictif que l’on quittait en éteignant la console. Il permettait un nouveau type de catharsis, remplissant ainsi le rôle que toute fiction a toujours rempli.
Même l’adoration des « idoles », chanteurs, acteurs, Alain Delon ou Brigitte Bardot, Dalida ou Balavoine relevait de la catharsis pour les générations précédentes, où chacun pouvait se projeter dans les aventures sentimentales et familiales, les malheurs et les bonheurs médiatisés de ces gens enfermés dans un écran télévisé, suivant leurs accouchements, divorces, décès tragiques comme autant d’aléas de la vie.
Désormais il n’y a plus de catharsis dans le monde des influenceurs et des influencés, les ados se prennent tout de plein fouet dans la figure mais sans être armées humainement comme l’étaient les générations qui n’ont pas connu les écrans et qui étaient précipitées dans la dureté de la vie dès le plus jeune âge.
En effet, paradoxalement, il y a une petite similitude avec les générations où les adolescents travaillaient dès 14 ans, génération qui affrontait la vie sans l’échappatoire, sans la catharsis de ces vies parallèles qu’on pouvait trouver dans un jeu vidéo ou l’adoration des idoles de la radio et de la télévision. Ces générations qui ont puissamment contribué à construire la France, sous lesquelles la France était prospère et non dénaturée, étaient obligées de se prendre en main très tôt. Mais il y avait des valeurs de civilisation solides qui leur permettaient de faire face à cette dure vie qu’elles savaient qu’elles allaient mener.
Les réseaux sociaux ont gommé toute fonction de catharsis aux écrans du fait que la participation au réseau (Tiktok par exemple) abolit la distanciation qui existait avec l’écran autrefois.
On pouvait imaginer la vie de tel acteur ou chanteur quand on le voyait à la télévision, se projeter dans son idylle avec telle starlette, son divorce, la naissance de ses enfants, ses déboires, ses addictions, ses succès etc. mais on ne pouvait interagir avec la vedette tant épiée et adorée, telle une divinité finalement ou une figure mythique. Ne dit-on pas couramment que tel acteur ou chanteur est « un mythe », n’a-t-on pas parlé de « mythes vivants » pour les désigner ?
De même, les jeux vidéos offraient un univers fantastique à laquelle la participation du joueur procurait un sentiment d’évasion intense et lui permettaient d’évacuer pulsions et frustrations. Incarner la vie d’un « sims », par exemple, permettait de s’offrir une vie imaginaire amusante car le jeu ne manquait pas d’une pincée d’humour…
Déjà, les jeux vidéos présentaient ce danger de l’accoutumance du fait que les adolescents les moins encadrés par leurs parents pouvaient y passer des heures et ne plus être capables de quitter leur jeu. Combien ont dû connaître des échecs scolaires à cause des jeux.
La mise à distance de l’univers réel, par la séduction qu’offraient ces jeux proposant des univers fantastiques qui permettaient de s’échapper du réel très facilement, n’a sans doute pas contribué à responsabiliser une génération qui devait faire face à un déclin annoncé de sa qualité de vie.
Ce n’était rien cependant par rapport au danger actuel des réseaux sociaux où les adolescents influencés, soumis au culte du paraître, perdent progressivement l’estime de soi et le sentiment de l’humain, l’écran offrant une humanité simulée, une humanité idéalisée aussi où l’existence paraît facile.
C’est le danger dans l’ordre vertical de la relation descendante influenceur -> influencé qui est finalement une relation d’emprise et de domination où l’influencé est réduit à être un néant, qui se consente d’admirer sans rien représenter pour l’influenceur.
L’autre danger, dans l’ordre horizontal, concerne la mise en relation dans le réseau de membres qui peuvent prendre de plein fouet dans la figure le rejet dont ils font l’objet de la part des autres adolescents ne la trouvant pas assez conforme à leurs critères d’appartenance au groupe. Les déferlements de haine qui peuvent alors s’exprimer ont poussé des adolescents à se donner la mort ou ne plus vouloir aller au collège avec donc des conséquences graves sur leur vie, l’écran devenant alors un instrument d’amplification de la violence sociale ordinaire en raison de la portée potentiellement très étendue du réseau, au moins dans la représentation que s’en fait l’adolescent victime là où les scrupules moraux des persécuteurs sont plus bas que jamais puisque l’empathie et le savoir vivre sont au plus bas dans la société ultraviolente qui est devenue la nôtre.
Désormais plus désarmés, démunis que jamais, navigant dans un monde dangereux sans aucune repère d’aucune sorte, sans catharsis permettant de tenir à distance les émotions, les adolescents pris au piège de la virtualité des réseaux ne peuvent que subir un processus de déshumanisation préoccupant…
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euh…Entre la génération du travail à 14 ans/mariage à 18 ; et la génération télé sylvie vartan Johnny et tutti quanti, il me semble tout de même qu’un siècle s’est écoulé (soit 4 générations au bas mo sinon 5, durant lequel il existait: livres, journaux, revues(la vie catho), le patronage et les explorations à la campagne (les musées en ville), les bandes de copains, chorales et bals, jeux de société, et l’écoute des « anciens »..
J’avais téléchargé un jeu violent, conçu par des suprémacistes américains, une sorte de Doom politiquement incorrect. Je résume : « Vous êtes un ancien des SEAL, et le KKK vient de vous charger d’une mission de la plus haute importance : nettoyer New York des indésirables. Vous voilà à pied d’oeuvre, armé d’une tronçonneuse, d’un fusil à pompe, d’une mitrailleuse, d’un bazooka. Toutes les fois que vous tuez un Noir, il pousse un cri de singe. Un Mexicain ? Il crie « Ay caramba ». Vous voilà dans le métro et là, vous tombez sur Ariel Sharon qui vous agonit d’injures yiddish, parce que, bien entendu, ce sont les juifs qui tirent les ficelles et qui cherchent à détruire l’Amérique ! Vous flinguez Sharon, et vous avez gagné !
Et les consoles Atari ou Intelvision des années ´70. Elles valaient des fortunes et les cassettes de jeu n’étaient pas gratuites… Avant cela quelques programmeurs doués avaient fabriqué des petits jeux sur les premiers ordinateurs comme alunissage dont je me souviens.