Quand Salan a sauvé sa tête…

 

En avril 1961, à Alger les généraux Edmond Jouhaud, Raoul Salan, et Maurice Challe défient de Gaulle. AFP

Je « couvre » pour les quotidiens « L’Aurore » et « Le Méridional »  les procès des généraux Salan et Jouhaud.

Je suis entouré par les écrivains Jacques Perret et Jean-Raymond Tournoux. Celui-ci me répète une phrase que lui a dite de Gaulle la semaine précédente et qui l’a choqué énormément : « Ce n’est pas un Français comme vous et moi. C’est un Pied-Noir»

Il s’agissait justement du général 5 étoiles de l’Armée Française Edmond Jouhaux.

Le 15 mai 1962 le général Salan, lors de son procès, revendique hautement sa responsabilité entière en tant que chef de l’OAS :

« Je suis un général français représentant l’armée victorieuse et non l’armée vaincue. A la différence de celui qui vous demande licence de me tuer (de Gaulle) j’ai servi le plus souvent hors de métropole.

            Quand, par deux fois, l’heure du péril a sonné pour la vieille métropole, j’ai vu les peuples de l’empire accourir à son secours.

            Quand on a connu la France du courage, on n’accepte jamais la France de l’abandon.

            Je suis sorti de la légalité mais ce n’était pas la première fois.

            J’ai préparé, sans la réaliser, une opération militaire sur la métropole, sur Paris, opération décidée par celui qui devait en être le bénéficiaire, le général de Gaulle, alors simple particulier.

            Ceux qui ont été bafoués et trompés avec moi, c’était les soldats vivants et morts de l’armée d’Algérie, leurs camarades de métropole et tout ce peuple confiant et fort, toutes races confondues.

            Si j’ai trompé le peuple d’Algérie et l’armée en criant « Vive de Gaulle », c’est parce que j’ai été trompé moi-même.

La mission qui m’a été confiée était de garder l’Algérie à la France et de la garder française. De Gaulle m’a affirmé : « que l’Algérie resterait française et que la France ne nous abandonnerait jamais.

            Je dis cela sans haine, mais j’ai grande amertume en constatant combien la perte de la province algérienne nous coûte, et singulièrement en ce moment où nous allons être privés de ce pétrole que nous avons fait jaillir des étendues vides du Sahara.

            J’essaye toutefois de m’expliquer les variations du général de Gaulle dans sa politique algérienne, dans ses relations avec moi, et je pense à ce que me disait, le 12 avril 1945, dans une chambre de Baden-Baden, André Malraux, (alors colonel Berger), commandant la brigade Alsace-Lorraine qui entrait dans la composition de ma 14 » D.I.

« Le mensonge de la seconde, le mensonge de la minute, le mensonge de l’heure, le mensonge du jour, le mensonge de la nuit, toujours le mensonge… »

            Utiliser le mensonge comme arme, couvrant la raison d’Etat, est un acte terrible lorsque des hommes, pour cette même raison d’État, meurent dans l’obéissance aux ordres partis d’en haut ».

            Il est donc prouvé que de Gaulle, alors simple citoyen, organisait, en 1958, un complot contre l’État français avec intervention de l’armée dans le cas où on ne lui aurait pas offert le pouvoir d’une manière constitutionnelle.

            Le général Salan a refusé d’y participer.

(Nous verrons que cela se reproduira un peu plus tard, en 1968, avec son appel au général Massu)

Ce que l’on sait moins, ce sont les circonstances exactes et exceptionnelles dans lesquelles le général Salan a sauvé sa tête.

Les jurés sont réunis et il est plus que probable qu’une condamnation à mort sera votée.

De Gaulle la veut et même l’avocat de Salan, Maître Jean-Louis Tixier-Vignancour, en est intimement persuadé.

Que se passe-t-il donc dans le secret de la salle des délibérations ? L’un des jurés, Pasteur Vallery-Radot (membre de l’Académie de Médecine, membre de l’Académie Française, grand-croix de la légion d’honneur, ex député RPF, etc.) sort un revolver de sa poche et avertit :

« Je vous préviens, si vous votez la mort de Salan, je me tue, là devant vous ! ».

On peut imaginer la stupeur qui s’empare des autres jurés et des magistrats.

Si cela se produisait, sur un plan technique il faudrait reprendre le procès à zéro mais sur le plan émotionnel le scandale serait énorme, international.

Or aussi bien les magistrats que les jurés savent que Pasteur Vallery-Radot ne cherche nullement à les influencer mais qu’il se tirera très certainement une balle dans la tête.

Les jurés ont voté les circonstances atténuantes.

Le général Salan a sauvé sa tête et de Gaulle a presque perdu la sienne car il est entré dans une colère noire en l’apprenant.

« Le haut Tribunal militaire commet un affront à mon égard. On n’a pas fait le procès du général Salan, on a fait le procès du général de Gaulle. Il faut désavouer ce Haut Tribunal et je ferai exécuter Jouhaud. Il faut fusiller Jouhaud. Je rejetterai le recours en grâce. »

Le général Jouhaud emprisonné attendra son exécution durant 229 jours avant d’être gracié et dirigé vers la prison de Tulle. Il sera amnistié en 1968.

 

 

Cette anecdote dramatique m’a été racontée par Maître Jean-Louis Tixier-Vignancour en personne.

 

 

 

 

 

 

(Davantage de détails dans mon livre « J’accuse De Gaulle » – Edition 2016)

Manuel Gomez

 

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14 Commentaires

  1. Merci pour ce petit morceau d’histoire, il y a tant de faits qui restent cachés.

  2. Merci pour ce témoignage historique par sa légitimité.
    Les jeunes Français devraient lire les Mémoires de Tixier « Des républiques, des justices et des hommes » et écouter sa plaidoirie pour Salan éditée à la SERP en 33 tours. Plus jeune Avocat de France, il tenait le Quartier Latin avec l’Action Française à l’entre deux guerres et affrontait Edgar Faure.

  3. « Ce n’est pas un Français comme vous et moi. C’est un Pied-Noir»
    Pas que lui !
    Durant ma vie, comme tout un chacun, je fus parfois contrôlé par la police, voire la gendarmerie.
    En présentant ma carte d’identité, certains me demandaient ma carte de séjour en lisant mon lieu de naissance.
    Et quand fallait renouveler ma carte, livret de famille, extrait de naissance, le tout à envoyer dans les services de Nantes
    Mais pour effectuer mon service militaire (16 mois) ils surent m’identifier français.

  4. Que l’on me cite les hauts faits d’armes de cette baudruche imbue de sa personne : un des rares officiers français capturés à Verdun dont le récit fait polémique, une fuite à Londres car il N’A PAS obtenu du Maréchal Pétain le ministère ou secrétariat d’Etat qu’il convoitait, la trahison algérienne avec les accords d’Evian, et encore la fuite à Baden-Baden en mai 68, voilà le « héros ». C’est un des plus grands responsables (avec le grand patronat) des grandes premières immigrations de masse et donc , en partie de la situation actuelle du pays. Juste une grande gueule, bien entourée par ces pseudos compagnons de la libération, qui , en leur absence, n’aurait rien changé au cours de la guerre.

    • Vous oubliez que l’Algérie était prête à soutenir le général Giroud la baderne dans les mains des Américains. Inacceptable pour de Gaulle. Vous oubliez aussi de rappeler que le Maroc mais aussi la Tunisie ont été libérés par les Américains. Cela a permis aux US d’installer des bases US au Maroc. Jusqu’à la libération l’Afrique du Nord a soutenu le régime de Vichy. De Gaulle se souvenait que cette partie de l’Afrique ne l’a jamais soutenu jouant toujours son propre jeu. de Gaulle traitait les pieds noirs de « braillards » . Quant à l’immigration de Gaulle l’a toujours refusé et c’est une raison supplémentaire pour se séparer de l’Algérie . Il ne voulait pas que Colombey les deux églises devienne Colombey les deux mosquées et que l’on ne pouvait pas mélanger l’eau et l’huile. De plus les départements français d’Algérie étaient une création des francs-macons qui eux se croyaient plus forts que les lois physiques et qui par anticatholicisme pensaient avec leur laïcisme lumineux rendre homogène l’huile et eau.

      • Bonjour,

        J’ai souvent cité ici le professeur Yves Lacoste.

        Il explique que, dès l’été 62, de Gaulle a permis l’immigration en France d’une bonne partie de l’état-major FLN …

      • @ni francs ni maçon,ce qu vous dite ne tient pas debout.la preuve une fois qu’ils ont eu l’indépendance ils sont tous venus en France . maintenant nous n’avons plus le pétrole que nous français avons trouvaient et exploitaient , désormais c’est les arabes qui profitent du pays que nous avons créés.a l’origine nous sommes allaient là bas pour arrêter les barbaresques, les razzias des pirates musulmans sur nos côtés occidentale , puis sur cette terre sans peuple ,un pays est né par la France. quand aux kabyles qui eux sont un vrai peuple, ils vivaient dans des régions plus éloignés .

    • Et cette histoire en 14-18 où De Gaule s’est rendu sans combattre devant les Allemands…
      Sur le carnet militaire les Allemands avait écrit cela…
      Et ils avaient souligné qu’ils ne lui avaient pas remis son arme car il ne s’en servira pas étant trop trouillard…
      Le carnet militaire du monsieur est introuvable.
      C’est à cause de cette histoire qu’il ne fut nommé que général à titre provisoire.
      Au début de la guerre il était à Bordeaux et l’appel du large fit qu’il alla à Londres se planquer.
      Cela écrit j’ajoute que mes parents au nord-est de Tulle recevaient par parachutage des armes venant de Londres. Tout le village était communiste…

      • Bonjour,

        Mon père, qui était dans le maquis de l’AS de Corrèze, était furieux de constater que les parachutages d’armes de Londres atterrissaient systématiquement chez les FTP.

        Ses doutes sur de Gaulle ont commencé là …

  5. J’ai vécu à Tulle durant la captivité de Salan, Jouhaud, Zeller et d’autres, qu’on pouvait apercevoir en empruntant la route surplombant la prison. Je me souviens des tirs de DCA lorsqu’un avion survolait la ville. Anecdote vécue : lors du coup d’état de De Gaulle, le régiment où mon père était gradé est arrivé après la bataille sur Paris. Ils étaient en manœuvre. Leur chef préférait peut-être ne pas s’en mêler, malgré les ordres. Les militaires n’étaient pas tous gaullistes, vous pouvez me croire. Je retiens une phrase, dite plus tard par un gradé : De Gaulle se prend pour une diva. Il en a les caprices. Je peux vous dire que ça les emm. d’obéir à un colonel, même général à titre temporaire.

    • Bonjour Argo. Bienvenue de retour. J’étais à Tulle exactement à la même période. Enfant de troupe à l’E.M.P.T. de Tulle. Je me souviens du désordre que tu soulignes. Tout le monde ne parlait « que de CA ! »

      • Bonjour Paco, nous avons pu nous croiser sans nous connaître. Les élèves de l’EMPT descendaient en ville lors de leurs sorties autorisées. Il me semble que c’était le jeudi? Je me souviens de leurs uniformes. Ils allaient au cinéma avenue Victor Hugo cinéma dont j’ai oublié le nom, et au bar le saloon juste en face. Toute une époque.

    • Bonjour,

      Je me souviendrai toujours de ma mère, quand nous descendions à Tulle, j’avais 6 ou 7 ans, qui nous montrait cette prison toute blanche sous le soleil, à flanc de colline, en nous demandant une petite prière pour les emprisonnés …

      Ma mère était complètement indifférente à la politique mais elle était très émue par ces prisonniers.

      19 en force !

  6. Mille fois merci pour ce témoignage. Et dire que De Gaulle voulait se faire passer pour un authentique chrétien pratiquant. Que du bluff. Cinéma!Cinéma! Son neveu, prêtre que j’ai connu, disait la messe dans une petite chapelle que son oncle, De Gaulle, avait fait installer dans un bureau de l’Elysée transformé en lieu de culte. Ah, il avait bonne mine le prieur bidon pour enfumer les gogos de la future Francarabia.

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