Mon frère m’a offert à Noël l’intégrale (il a cassé sa tirelire) de la série diffusée sur Arte « Quand l’Histoire fait date ».
Quelle gentillesse de sa part et j’ai accepté volontiers le cadeau, même si je savais d’emblée que la série de documentaires historiques (ou prétendus tels) est présentée par Patrick Boucheron, censé être historien.
cf mon article de 2018 : https://resistancerepublicaine.com/2018/04/23/p-boucheron-lhistorien-darte-qui-affirme-que-les-premier-francais-il-y-a-34-000-ans-etaient-des-migrants/
et ceux d’Antiislam :
Je pense que Boucheron est effectivement bien meilleur historien que je peux l’être puisque c’est son métier et que j’en ai un autre…
Mais la question est de savoir ce qu’il fait de l’Histoire. J’ai le souvenir d’avoir suivi des cours d’histoire au lycée où l’enseignant se revendiquait d’extrême-gauche et assumait auprès de la classe de littéraires qu’il avait alors de faire des cours partisans. J’étais seul à fulminer dans ma barbe naissante, dans une classe de théâtreux volontiers enclins à écouter cette histoire gauchisée, moi qu’on avait mis là parce que j’avais la spécialité « latin et grec » et me trouvais le seul du lycée dans ce cas (ce qui ne m’a plutôt pas nui puisque j’avais alors décroché la mention « très bien »)…
J’aime l’Histoire antique, ainsi que ses aspects juridiques que j’ai découverts ensuite dans mes études… et l’on ne me mène donc pas en bateau à ce sujet. Des centaines, des milliers d’heures à parcourir les ouvrages d’histoire du droit ont contribué à forger mon esprit critique.
J’accepte donc le cadeau en me disant que ce sera l’occasion d’exercer mon esprit critique et peut-être d’avoir un point de vue différent sur certains sujets. Les Romains ne disaient-ils pas « audi et alteram partem » ? (https://fr.wikipedia.org/wiki/Audi_alteram_partem)
Je commence donc le premier DVD de la série avec un épisode inaugural consacré aux Egyptiens. Pas trop ma tasse de thé mais c’est dépaysant… beaucoup de Macroniens aiment ça, les Egyptiens, l’Egypte antique, c’est poussiéreux mais exotique les pyramides et les pharaons, et ils ne nous ont rien transmis, c’est de l’Histoire hors sol qui ne nous a rien laissé en termes de civilisation, comme on opposerait le sable infertile de l’Egypte au terreau riche de l’Antiquité gréco-romaine.
Le message semble bien être que tout commence par l’Egypte… terre d’islam désormais. Encore plus séduisant comme thème pour un mélencho-macronien, du coup.
Deuxième épisode sur la préhistoire… bon, d’accord, là encore, les peintures d’animaux, les petits objets en morceaux, pourquoi pas… rien de transcendant. Lascaux. OK. Et si les peintures avaient été faites par le curé du coin pour amuser la galerie ? Je regarde attentivement mais n’en ressors pas extasié.
Vient enfin le troisième épisode sur la naissance de Rome. Ah, là, ça devient intéressant. On parle du pomerium, Remus et Romulus, un vieux film de Corbucci… enfin je commence à y trouver mon compte.
Jusqu’à ce moment terrible où Boucheron fait du Boucheron, autrement dit, du Macron : « la grandeur de Rome est là : les Romains, pour être Romains, doivent accepter l’idée qu’ils viennent toujours d’ailleurs, qu’ils sont étrangers et que cette altérité est constitutive de cette identité » (minute 23 du documentaire), ils sont « étrangers à la ville qui les accueille ».
Je ne comptais pas aller jusqu’à écrire que Boucheron est un faussaire de l’Histoire. Il n’a pas absolument tort lorsqu’il évoque le fait que les Romains venaient tous d’autres villes (Lavinium, Albe etc.).
Mais il arrange l’Histoire pour la rendre compatible avec les tendances mondialistes actuelles, comme un arrangeur fait en sorte qu’une oeuvre musicale puisse être interprétée par un chanteur ou un orchestre, et en cela, c’est un militant, sans doute pas désintéressé.
Il sait que cette façon de présenter l’Histoire plaît beaucoup au « Nouvel ordre mondial » et que c’est la clé pour avoir le droit de passer à la télé, la radio, vendre des DVD, devenir une référence officielle de la nomenklatura, un bon agent de propagande. Peut-être quelques billets dans la caisse de l’Elysée pour avoir des vieux jours confortables…
Il me semble en effet que ce n’est absolument pas là que se trouve la grandeur de Rome ! Les Romains se moquaient pas mal de leur origine, contrairement à certains qui ne se définissent que par cela…
La grandeur de Rome, c’est l’oeuvre qui a été celle des Romains au fil des générations ! Et notamment dans le domaine juridique où je prétends maîtriser sans doute aussi bien le sujet que Boucheron (ce qui n’est sans doute pas le cas dans beaucoup d’autres domaines historiques).
Il y avait au départ un droit archaïque, qui n’a fait que se raffiner au fil des siècles, et dont l’état le plus abouti sous Justinien a permis de construire la technique juridique encore en cours aujourd’hui dans bien des domaines et en premier lieu, le droit civil.
C’est cela, la grandeur de Rome, par exemple !
C’est cela que Rome nous a transmis…
Il en va de même de la langue et sur ce point, notre Christine nationale saurait mieux dire que moi. Le latin de Cicéron est à l’origine de 80% des mots français…
Cicéron, c’est le premier siècle, on est bien loin de 753 et plus encore des origines mythiques… !!
La langue, le droit, ce n’est pas rien !! Et cet héritage, massif, qui a fait la grandeur du monde dans les pays de droit civiliste, de langue romane, n’a rien à voir avec les origines de Rome, le sentiment que les Romains auraient eu d’être des étrangers sur leur propre sol, des clients passagers d’un hôtel aurait dit Attali, ou Attal, si la France est un grand hôtel pour migrants…
Les Romains ont conceptualisé la propriété, ce droit inscrit dans la Déclaration de 1789, la propriété unifiée vient de là, alors que les coutumes connaissaient des droits morcelés, collectivisés… S’attaquer à Rome, c’est aussi s’attaquer à la propriété immobilière notamment et c’est à 100% ce que le pouvoir politique fait actuellement ! (à propos des squatteurs, en faisant flamber les prix de l’énergie, en remettant en cause la possession du sol, etc. https://resistancerepublicaine.com/?s=propri%C3%A9t%C3%A9).
Alors non, absolument pas, ce qui fait la grandeur de Rome ce ne sont pas ses origines obscures, mythiques, parce qu’il fallait bien trouver une réponse à une question, comme un gamin vous harcèlerait pour que vous lui expliquiez pourquoi le ciel est bleu ou le soleil est jaune. On se pose tous des questions du pourquoi du comment et quand on ne connaît pas la réponse et qu’on n’a aucun moyen de la connaître, on invente, on imagine…
Ce qui est important, c’est ce que les Romains ont construit, et sûrement pas le fait qu’ils venaient de Lavinium ou Albe… S’il en avait été ainsi, ils auraient été incapables de cimenter une identité, parce qu’Untel aurait refusé de parler telle langue ou d’être soumis à telle règle du droit romain au motif qu’il venait d’Albe et non de Lavinium…
Les Romains avaient une très forte notion de l’identité, ils en étaient fiers et prêts à constamment la défendre par les armes, lutter contre les envahisseurs. Des migrants carthaginois échouant sur une plage n’auraient pas été accueillis par des associations immigrationnistes mais se seraient fait massacrer !!
Pour les Romains, comme pour les Français intégrés, l’origine lointaine de sa famille n’était qu’une anecdote sans importance pour agrémenter la conversation, tout au plus. (1)
Sans doute que dans les écrits des historiens romains on pouvait parfois indiquer que telle famille venait de tel endroit mais c’était pour écarter d’autant plus vite ce fait en soi de faible intérêt (par exemple, Suétone quand il écrivit « La vie des douze césars » raconte la généalogie des Césars comme un passage obligé mais tout le monde s’en foutait et lui le premier… ce qui comptait, c’était les anecdotes croustillantes qui arrivaient après et qui étaient volontiers exagérées pour marquer les esprits… cette généalogie barbante ne servait que de faire-valoir aux passages destinés à marquer les esprits dépeignant la tyrannie des Césars les plus absolutistes !).
Alors je pense que dire que Boucheron est un arrangeur de l’Histoire n’est pas honnête et qu’il faut aller bien plus loin que cela… Il baratine quand il prétend que « c’est là la grandeur de Rome » avec ses airs de savant.
Boucheron met en avant le terme « origo » pour indiquer que chaque Romain aurait été toujours ramené à ses origines, « cette altérité était constitutive de leur identité » comme il le prétend, « qui signifie que chaque Romain vient toujours d’ailleurs ».
En réalité, le mot « origo » était issu du latin tardif (autrement dit, dégénéré, décadent) et l’ouvrage « Origo gentis romanae » est un opuscule dont on ne connaît même pas l’auteur et qui aurait été victime d’interpolations médiévales… tu parles d’une source !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Origo_gentis_Romanae
Origo gentis Romanae, litt. Les Origines du peuple romain (en sachant que Origo veut dire « Histoire » en latin tardif), est un ouvrage de compilation présent dans le corpus Aurelianum.
On hésite sur l’auteur de l’opuscule, le compilateur et l’auteur du titulus. Il semble que le titulus fut rajouté par le compilateur1.
Il est possible qu’il y ait eu quelques interpolations à l’époque médiévale à travers l’Historia miscella de Landulf Sagax1.
D’après les promesses de la préface, on croyait que c’est un abrégé d’une œuvre plus vaste, surnommé OGR Plenior par Theodor Mommsen, si on se base sur les rapprochement avec Laudulf Sagax et Paul Diacre. Des analyses complémentaires montrent que ce n’est pas un abrégé mais à plusieurs reprises, l’anonyme condense sa source ou le compilateur fit une interpolation. On pense que c’est le compilateur qui fit des abréviations1.
La source doxographique est inconnue. Les hypothèses sont nombreuses.
Ah ah ! pas très sérieux tout ça… comme si les grands écrits des « classiques » romains n’étaient pas de meilleure facture que ce torchon bâtard qui s’intéressait aux origines du peuple romain…
Ce qui est bien malheureux, c’est que tout un tas de gens désireux de se cultiver vont tomber dans les rets de cette émission, de cette idéologie et trouver normal de se sentir étranger chez soi, de ne plus reconnaître son pays, bref de subir !! Ils iront voter Macron en trouvant normal de se faire spolier dans son propre pays, d’avoir le sentiment de ne pas être propriétaire de sa maison, d’avoir des envahisseurs à tous les coins de rue…
Voici par ailleurs ce qu’indique la page wikipédia dudit Boucheron
https://fr.wikipedia.org/wiki/Patrick_Boucheron
Orientations politiques et intellectuelles
Selon Éric Aeschimann, de L’Obs, dans un article consacré à la leçon inaugurale de Patrick Boucheron, avec l’arrivée de ce dernier « le Collège de France vire à gauche »40.
Lors d’un entretien avec Benoît Hamon diffusé par Mediapart en juillet 2015, au moment de la crise entre la Grèce et l’Union européenne, P. Boucheron émet de fortes réserves à l’égard du parti d’Aléxis Tsípras, Syriza, qu’il accuse de former « un gouvernement d’alliance avec des formes d’extrême droite »41.
D’après un portrait que lui consacre Le Monde en juin 2017, Patrick Boucheron a voté pour Emmanuel Macron dès le premier tour de l’élection présidentielle de 201712. Lors d’un débat avec Ludivine Bantigny en marge du festival d’Avignon en juillet 2019, il déclare cependant que cette affirmation était une extrapolation du journaliste à partir des propos qu’il avait tenus, précisant au passage qu’il ne dit jamais pour qui il vote42. Le même portrait affirme également que « ce partisan de l’histoire en marche ne cache pas son intérêt pour le nouveau locataire de l’Élysée » (comparé au jeune Machiavel par Patrick Boucheron). Intérêt réciproque, puisque Emmanuel Macron s’est référé plusieurs fois à Patrick Boucheron et à ses ouvrages au cours de la campagne12.
Contre les romans nationaux
En 2017, sous sa direction est publiée une Histoire mondiale de la France. Confronté au « récit entraînant du roman national », Patrick Boucheron estime nécessaire d’« organiser la résistance face à ce type d’offensive idéologique »43, une démarche « délibérément politique » selon L’Obs44.
L’ouvrage part, précise Patrick Boucheron, d’une intuition de Jules Michelet selon laquelle « Ce ne serait pas trop de l’histoire du monde pour expliquer la France »45. Ainsi, précise-t-il, de nouvelles dates sont « réintégrées dans le récit national : le coup d’État de Pinochet en 1973 n’est-il pas aussi une date de l’histoire française dans la mesure où cet événement produit dans les consciences politiques une entaille profonde ? »45
Se présentant comme « dépassionnée », cette Histoire mondiale de la France reste quand même, selon Boucheron, « grosse des inquiétudes du présent »46. Les succès de l’histoire non universitaire sont, selon lui, pour partie, le résultat de sa génération d’historiens qui « s’est peut-être enfermée dans une sorte de « chic intellectuel », une conception un peu « artiste » de l’histoire, de son écriture, inévitablement élitiste dans son allure et dans ses sujets », se spécialisant par exemple en histoire médiévale sur les révoltés, les marginaux, les prostituées, et délaissant d’autres pans importants de l’histoire43. Pour Patrick Boucheron, « le défi qui est devant la gauche est celui de réarmer l’idée de progrès. […] Il faut réinventer une manière d’y croire à nouveau et de mener la bataille d’idées43. »
Lorsqu’on lui demande pourquoi il n’a pas écrit une « Histoire européenne de la France », il explique qu’un tel projet aurait impliqué de participer à la création d’un nouvel imaginaire, d’un nouveau sentiment d’appartenance, qui aurait rebuté les historiens avec qui le livre a été écrit, quand bien même ces derniers seraient personnellement favorables au projet européen47.
Réception critique
Selon Les Inrocks, cette histoire de France veut « se déprendre d’une vision étriquée et rétrécie d’un paradis perdu45. »
Le quotidien Libération présente le livre comme étant celui d’une histoire où Frantz Fanon, Dominique de Villepin et Simone de Beauvoir détrônent Napoléon, Clovis et Jeanne d’Arc au panthéon des Grands Hommes48 : « Malgré les précautions oratoires de Patrick Boucheron, il s’agit bien de produire un autre récit qui fait la part belle aux idées progressistes : métissage, égalité, mixité, ouverture…48 » Au point de présenter les habitants de la grotte Chauvet, il y a 34 000 ans, comme les premiers Français… issus d’une migration. Le quotidien se demande tout de même si « en accumulant les références aux migrations, à la religion — rencontres et chocs successifs, notamment, entre christianisme et islam —, à la mondialisation et à l’écologie, Histoire mondiale de la France ne frise pas l’anachronisme. N’y a-t-il pas un risque à retracer le passé à travers les obsessions d’aujourd’hui48 ? »
Pour l’historien Jean-Pierre Rioux, « l’entreprise […] est bourrée de science neuve et de talent48. »
Dans deux lettres publiées par Le Monde49, le spécialiste du monde musulman médiéval Pierre Guichard regrette que la bataille de Poitiers de 732 soit présentée dans le livre comme une simple « escarmouche » et déplore que Libération et Le Monde aient repris cette idée dans leurs recensions. Il s’agit selon lui d’une déformation historique caractérisée, une « quasi-négation de ce qui est, qu’on le veuille ou non, un événement majeur dans l’histoire des pays de la Méditerranée occidentale au VIIIe siècle50,51. »
Pour l’essayiste Alain Finkielkraut, Patrick Boucheron serait caractéristique d’un enseignement de l’histoire « que nul scrupule, nulle probité intellectuelle n’arrête, quand il s’agit de souligner les failles et les fautes de la France dans son rapport à l’altérité52. » L’ouvrage serait un « bréviaire de la bien-pensance et de la soumission ». Il décrit ses auteurs comme des « fossoyeurs du grand héritage français » qui « n’ont que l’Autre à la bouche et sous la plume », mettant en doute que le fait d’affirmer qu’il n’y a pas de civilisation française et que la France n’a rien de spécifiquement français puisse contribuer à résoudre « la crise du vivre-ensemble »44.
Éric Zemmour dans un article intitulé « Dissoudre la France en 800 pages », fait un compte rendu critique de l’ouvrage qui s’inscrit, selon lui, dans la volonté de déconstruction de notre « roman national » présente dans l’Éducation nationale depuis les années 1970. Il dénonce une histoire selon laquelle il n’y aurait « pas de races, pas d’ethnies, pas de peuple », mais seulement des « nomades », et estime que Patrick Boucheron veut « renouer avec le roman national, mais ne garder que le roman pour tuer le national. » Le parti-pris particulier de l’ouvrage serait que « tout ce qui vient de l’étranger est bon53. »
La presse a apporté un large soutien médiatique à cette « Histoire mondiale » ce qui a eu pour conséquence de multiplier les ventes44.
Controverses
Controverse avec Dominique Barthélemy autour de l’œuvre de Georges Duby et de l’antipositivisme
En 2016, l’historien médiéviste Dominique Barthélemy réagit vivement, dans un texte publié par la revue de l’Association des historiens et géographes54, contre un article de l’ouvrage collectif Historiographies55 dans lequel Patrick Boucheron présente comme « incompréhensible » et « stérilisante » sa critique des thèses de Georges Duby concernant la mutation féodale. Dans l’article, Patrick Boucheron rattache cette critique à une « régression positiviste » qu’il a souvent déjà dénoncée dans d’autres textes, en l’imputant en particulier à Dominique Barthélemy et à Alain Guerreau.
Dans son essai intitulé Faire profession d’historien, notamment, Patrick Boucheron avançait en effet que :
« la fameuse “querelle de l’an mil”, du moins à partir du moment où Dominique Barthélemy a enfourché le fier destrier de “l’école méthodique” qui pourfend les mythologies romantiques et “fait reculer l’erreur” [était un exemple de] discours général sur l’opération historique qui s’apparentait, en dépit de toutes les précautions oratoires pour affirmer le contraire, à une forme de régression positiviste56. »
Dominique Barthélemy, s’il reconnaît les excès du positivisme de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, ainsi que la légitimité des critiques que Marc Bloch ou Henri-Irénée Marrou lui ont faites, considère que
« depuis les années 1960, il arrive souvent que l’antipositivisme affiché recouvre d’autres préoccupations. Il peut servir à justifier qu’on ne fasse pas soi-même de nouvelle enquête mais que, prenant les résultats antérieurs sobrement procurés par « le positivisme », on y ajoute un commentaire intelligent ou se prenant pour tel. Il veut excuser, à l’inverse, qu’on remette en cause les plus sûres des conclusions « positivistes » (telle la réfutation des terreurs de l’an mil) sous couleur de déconstruction. Il dispense de réfuter les maîtres et collègues, ce qui est toujours source de fâcheries et peut nuire à une carrière – même et surtout lorsque l’on a raison. L’antipositivisme enfin donne son aval à la levée des interdits : il fait sauter les verrous naguère posés contre l’épanchement d’une écriture luxuriante ou même ébouriffée, et contre l’invasion d’une théorie ou d’une idéologie au goût du jour. Il sape l’emprise du principe de réalité et se révèle fauteur de régression. »
Dans une réponse publiée également par l’Association des historiens et géographes, Patrick Boucheron dit ne se sentir en rien concerné par l’antipositivisme qu’attaque Dominique Barthélemy et suggère que la démarche de ce dernier est liée à « une conception héroïque du progrès historiographique qu'[il] ne partage pas57. »
Controverse avec Sanjay Subrahmanyam sur le concept d’histoire du monde
Dans un entretien publié par Politis le 25 juillet 2018, l’historien Sanjay Subrahmanyam, fondateur de l’histoire connectée, déclare que
« La contribution originale de Patrick Boucheron à ce débat [sur l’histoire mondiale et l’émancipation à l’égard de l’histoire nationale] reste pour moi un mystère. Elle ne s’exprime certainement pas au niveau de la méthodologie, car son Histoire mondiale de la France n’est pas un livre novateur de ce point de vue. Je trouve qu’il est crypto-nationaliste, et même qu’il joue sur tous les tableaux58. »
Peu après, dans un entretien au Figaro, Sanjay Subrahmanyam réitère ses critiques en accusant Patrick Boucheron de s’être « auto-institué grand mamamouchi de cette nouvelle approche [l’histoire globale] » alors qu’il « est d’abord un historien de l’Italie médiévale », faisant ainsi « une histoire globale pour imbéciles »59.
Dans Le Monde du 14 octobre 2018, la médiéviste Valérie Theis prend la défense de Patrick Boucheron. Ayant suivi ses cours, elle conteste les accusations de Sanjay Subrahmanyam, qu’elle attribue à la « jalousie » et à un « manque de générosité intellectuelle »60.
Controverse concernant le mouvement des gilets jaunes
Lors d’un entretien sur France inter avec Nicolas Demorand dans le cadre de la promotion de son livre La trace et l’aura, Patrick Boucheron évoque longuement le mouvement des Gilets jaunes61. Il y dénonce la « petite came insurrectionnelle » des intellectuels favorables au mouvement62.
L’historien Gérard Noiriel consacre peu après un billet de son blog à lui reprocher son point de vue dépourvu d’empathie sur le mouvement (ignorant notamment les violences policières subies par les manifestants)63.
Pour Gérard Noiriel, la critique par Patrick Boucheron de la focalisation du mouvement sur la figure « monarchique » du président est d’autant moins bien venue que ce dernier est effectivement doté de pouvoirs très étendus dans le cadre de la Ve République, et que Patrick Boucheron lui-même revendique d’avoir voté pour Emmanuel Macron aux deux tours de l’élection présidentielle de 2017. Surtout, Gérard Noiriel conteste la conception de l’histoire et du rôle de l’historien défendue dans cet entretien par Patrick Boucheron : selon ce dernier, la comparaison avec les événements et situations antérieurs ne serait guère utile pour saisir le présent et l’histoire devrait surtout souligner les différences entre hier et aujourd’hui, l’étrangeté du passé. Pour Gérard Noiriel, l’incompréhension de Patrick Boucheron à l’égard des Gilets jaunes serait liée à sa position de pouvoir d’historien institutionnellement dominant.
(1) Note de Christine Tasin
Un immense merci à Maxime pour ce véritable travail d’historien et l’analyse politique qui y est liée. J’apporterai juste une petite nuance à son propos. Les Romains étaient en fait très attachés à leurs origines familiales, à la « Gens » (donnant le même nom à ses descendants), qui pendant des centaines d’années ont permis aux familles les plus anciennes, les descendants des « patres » (pères de la Cité, une centaine dans la légende), les 100 familles mythiques qui avaient fondé Rome. Et il fallut bien des luttes, des grèves, des guerres civiles… pour que le descendant du plébéien puisse mettre un pied au Sénat qui décidait de tout. Et il fallut encore d’autres centaines d’années pour que les enfants des esclaves affranchis aient le droit de devenir citoyen romain, le christianisme aidant. Mais à partir de là d’aucuns parlent de décadence pour cause d’individualisme et de recherche effrénée du plaisir, aux dépens de l’amour de la patrie que plus personne ne voulait défendre. Alors, le recrutement de barbares pour défendre les frontières… c’était pas une très bonne idée….
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Bonjour,
Merci pour cet article passionnant, Maxime.
J’ai acheté le livre de Boucheron lié à la série de DVD et, aussi, son « Histoire Mondiale ».
Ce n’est pas inintéressant, justement parce que c’est totalement anecdotique et donc inconnu (enfin de moi :=))
La grande perversité de la manipulation boucheronesque étant de faire croire que les « événements » qu’il évoque sont capitaux pour l’Histoire de France.
« Quousque tandem, Boucheron, abusere patientiam nostram ? Quid ? Nihil movit ? »
(Cicéron -Les catalinaires)
Les trouducs étaient déjà repérés à l’époque …
Merci de ce travail d’érudition éclairant, monsieur Maxime.
Comme j’en plaisante – au quart – sur un autre fil, il me semble que des membres possibles d’un futur gouvernement post-Libération sont déjà présents sur RR/RL.
Ah, Christine Tasin à l’Instruction Publique ! Le cauchemar des obscurantistes…
Le théâtre en latin et en toge avec des acteurs surclassant ceux de Jean-Michel de cent coudées dès la quatrième…
Haa ! Alors voilà les étrangers suivent bien l’adage qui dit « A Rome, fais comme les Romains ». Ils se comportent en étranger. Oh, que nous étions mauvaise langue !
Bon et plus sérieusement, il pourrait léguer son corps à la science, pour comprendre comment on peut vivre sans cerveau.
Petit complément sur la notion d’identité : les Romains avaient élaboré un droit pérégrin applicable aux étrangers.
https://www.cnrtl.fr/definition/p%C3%A9r%C3%A9grin
« Qui concerne l’étranger libre, lequel ne jouissait ni du droit de cité ni du droit latin ».
Il est certain que les Romains ne se considéraient donc pas comme ayant vocation à être étrangers chez eux !