L’école qui accueille des élèves de 32 villages du Sud a ouvert ses portes le temps d’une fête grâce au contingent français de la Finul.
Sous le préau du collège Saint-Joseph des Soeurs des Saints-Coeurs, une ribambelle de bérets bleus tapisse de chocolat des dizaines de crêpes. Un épais brouillard a recouvert le village, entrecoupé d’averses. Les soldats français de la Force Commander Reserve (FCR) ont investi l’école et quadrillent ses abords, sur un rayon de deux kilomètres, le temps d’une trêve, informelle, dans une guerre qui ne porte pas son nom. Pour que tout se déroule sans encombres, des agents de liaison de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) communiquent en permanence avec les belligérants. « Pas avec le Hezbollah directement, avance un militaire français, puisqu’on ne peut s’adresser qu’à des armées étatiques ». Mais ce déploiement, le plus important depuis la guerre de 2006, renforcé par des soldats irlandais, polonais et italiens, a de quoi dissuader les combattants de tirer des roquettes depuis la zone, qui pourraient ensuite entraîner une riposte israélienne. Une sorte de « dôme de paix » éphémère de ce côté de la frontière. « Déployer du casque bleu, ça apporte un vernis sécuritaire, pour que, ne serait-ce que, pour quelques heures, les hostilités s’arrêtent », affirme le colonel Leroy, commandant de la FCR.
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Depuis le 8 octobre, les villages situés à la frontière sud vivent au gré des bombardements quotidiens. Pour atteindre Aïn Ebel, où se trouve l’école dont les portes sont restées closes depuis, il faut emprunter des routes sinueuses à travers champs, et contourner un chapelet de villages chiites désertés. Cette bourgade maronite ne compte plus que 30% de ses habitants, et, en ce 23 décembre, rien n’indique dans les rues ou à travers les fenêtres des maisons que la fête de Noël approche. Le 5 novembre, trois élèves de cet établissement scolaire privé, les sœurs Chour, Reman, 14 ans, Talin, 12 ans, et Layan, 10 ans, originaires de Aïnata, ont été tuées, ainsi que leur grand-mère, dans une frappe israélienne qui a visé leur voiture. « Ce sont les anges de cette école », qui accueille des enfants de plus de 32 villages du Sud, et dont les vitres ont été soufflées deux semaines plus tard. « Il faut poser des gestes de vie où il y a la mort », lâche sœur Maya Beaino, citant le pape François.
Malgré le drame et en dépit de tout, la directrice de l’école a œuvré d’arrache-pied pendant des semaines pour pouvoir organiser une fête de Noël entre ses murs. Elle n’a pas le cœur de réclamer les écolages dus par plus de 500 familles, dont la plupart sont des agriculteurs qui ont perdu leurs récoltes. Elle s’est endettée pour régler les salaires de décembre des 70 enseignants et n’a pas de quoi régler les prochains, mais qu’importe. Aujourd’hui, c’est jour de fête !
Habitée par la foi, cette femme à poigne n’a pas eu de mal à convaincre le contingent français de la Finul sans qui il aurait été impossible d’organiser l’événement. Les militaires la regardent d’ailleurs, éberlués, dévaler les escaliers, courir dans la salle de spectacle, rameuter les missionnaires, donner des ordres au technicien du son, et sommer Georges, l’élève de terminale bien trop jeune et bien trop frêle pour jouer les pères Noël.
Champs de tabac et d’oliviers
Il est plus de 10h, et des familles de Aïn Ebel affluent et s’engouffrent dans la salle où patientent les petits choristes de Mme Rebecca, venue de Rmeich, un peu plus au sud. Pour ne pas donner de fausse joie, elle a longtemps pensé que la fête ne pouvait pas avoir lieu. « Il y avait une réelle crainte de la part des familles de risquer le déplacement d’un village à un autre », dit-elle. Alors des bus ont été réquisitionnés et escortés par l’armée libanaise.
Le Père Fadi fend la foule pour installer les 54 enfants de la paroisse Mar Geryes, qu’il a ramenés en van de Debl. Dans ce petit village qui vit de ses champs de tabac et d’oliviers, plus de 60% des habitants sont restés. Tous les soirs après la messe, père Fadi sillonne les rues avec des chansons de Noël à plein tube, « pour sortir les enfants de cette ambiance mortifère ». Siham Atmeh, de Aïn Ebel, est venue avec son mari et leurs trois enfants. Après plusieurs semaines à Beyrouth, la famille a préféré revenir malgré une situation qui empire. « Mes petits savent reconnaître les drones des avions, ou savent si une bombe est tombée pas loin », lâche, laconique, celle qui était adolescente en 2006.
La cérémonie commence ponctuée de discours des officiels, de chants religieux, de prières et d’une vidéo sur la naissance du Christ. Dans le hall, le groupe La Vida Fiesta, composé de musiciens et d’acteurs, déguisés en soldats casse-noisette s’inquiète du retard sur le programme. Ils doivent rejoindre l’hôtel Phoenicia à Beyrouth, puis une autre soirée à Bikfaya. « Ça a été la route, pas de nid de poule, pas de roquette ? », leur lance un jeune ado en plaisantant.
La fine équipe fait enfin son entrée sous le son des tambours devant des dizaines de paires d’yeux émerveillés, et de militaires se prenant au jeu. « J’ai contacté plus de vingt parades entre Saïda et Tyr, qui demandaient dix fois le prix. Eux, ont fait cinq heures de route de Batroun, oui, de Batroun les enfants, et ils ne m’ont même pas posé une question sur le danger », lance sœur Maya au micro en demandant de les applaudir.
S’ensuit la distribution des cadeaux, offerts par les équipes d’actions civilo-militaires françaises (CIMIC – Civil military cooperation). Les quelque 200 enfants, qui, jusque-la, avaient fait preuve de patience, se ruent sur la scène, pour recevoir leur paquet des mains de la capitaine Estelle, visiblement émue. Charbel, 10 ans, Maroun, 9 ans et Cosette, 4 ans, ressortent de la salle en serrant fort leur cadeau. « Ils étaient surexcités. Ça change de leur quotidien », confie leur maman Madonna Hanna, venue de Rmeich. Ils prient tous les soirs pour le retour de leur papa, Tanios, qui travaille à la Sûreté générale, tout le long de la frontière.
« C’est un beau message d’espérance pour toutes ces communautés qui souffrent. Ça aurait été facile de ne rien faire, de rester chez nous, de continuer à faire notre petite patrouille sans s’arrêter », appuie le colonel Leroy, qui repart, lui, avec une icône de Saint Charbel offerte par sœur Maya.
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Bien triste de devoir vivre cette fête de NOEL dans de telles conditions, parce que des parents naïfs et trop généreux, ont laissé entrer l’islam destructeur et violent dans le pays.
Merci Juvénal pour ce témoignage. Les Libanais paient cher la présence de l’islam conquérant dans leur pays. L’effet cliquet empêche tout règlement de cette paralysie du pays : là où l’islam parvient, c’est la partition et la guerre. Puis l’islamisation complète du pays. Ce qui se passe au Liban annonce ce qui se prépare en France et en Belgique.