Quand les Français en colère lynchaient Maigrat, l’épicier violeur de “Germinal”

Pour notre coup de coeur dominical, l’actualité, forcément, m’a fait penser à des scènes historiques de révolte, de révolution, et notamment à la scène terrible de Germinal, avec la mort de Maigrat, castré post mortem. 

Il est évident que les scènes qui se passent partout en France en ce moment n’ont aucun rapport avec nos révoltes, nos Jacqueries, nos révolutions, qui, toutes,  étaient explicables, justifiables par les abus de pouvoir, les différences sociales, l’impossibilité pour celui qui était né en bas de la pyramide d’en sortir, de s’en sortir, quelles que soient ses qualités, dons, aspirations, s’il n’était pas “bien né”. Ce qui est le cas pour la mort de Maigrat.

Alors oui il y eut des révoltes sanglantes, terribles de violences, mais ces violences étaient explicables, justifiables. Ce qui n’est pas le cas de ce que à quoi nous assistons en ce moment venant de la part de gens qui, pour partie, dealent, volent, et qui, cerise sur le gâteau, ne travaillent pas, bénéficiant des. aides sociales…

La révolte des femmes contre l’épicier usurier qui se paye sur la bête, traduisez les femmes  est terrible et dans le texte de Zola et dans les images des différentes adaptations. Elle dit tout des injustices, des monstruosités que vivaient autrefois nos ouvriers nos mères, nos arrière grands-mères qui vivaient dans la faim, la fatigue, l’endettement permanent à côté des “riches” pétant dans la soie. Elle dit tout aussi, peut-être, de ce qui pourrait arriver à un Macron un jour, lui qui ne cesse de mettre de l’huile sur le feu pour nous imposer un monde abominable.

 

[…]

— Regardez ! regardez !… Le matou est là-haut ! au chat ! au chat !

La bande venait d’apercevoir Maigrat, sur la toiture du hangar. Dans sa fièvre, malgré sa lourdeur, il avait monté au treillage avec agilité, sans se soucier des bois qui cassaient ; et, maintenant, il s’aplatissait le long des tuiles, il s’efforçait d’atteindre la fenêtre. Mais la pente se trouvait très raide, il était gêné par son ventre, ses ongles s’arrachaient. Pourtant, il se serait traîné jusqu’en haut, s’il ne s’était mis à trembler, dans la crainte de recevoir des pierres ; car la foule, qu’il ne voyait plus, continuait à crier, sous lui :

— Au chat ! au chat !… Faut le démolir !

Et, brusquement, ses deux mains lâchèrent à la fois, il roula comme une boule, sursauta à la gouttière, tomba en travers du mur mitoyen, si malheureusement, qu’il rebondit du côté de la route, où il s’ouvrit le crâne, à l’angle d’une borne. La cervelle avait jailli. Il était mort. Sa femme, en haut, pâle et brouillée derrière les vitres, regardait toujours.

D’abord, ce fut une stupeur. Étienne s’était arrêté, la hache glissée des poings. Maheu, Levaque, tous les autres, oubliaient la boutique, les yeux tournés vers le mur, où coulait lentement un mince filet rouge. Et les cris avaient cessé, un silence s’élargissait dans l’ombre croissante.

Tout de suite, les huées recommencèrent. C’étaient les femmes qui se précipitaient, prises de l’ivresse du sang.

— Il y a donc un bon Dieu ! Ah ! cochon, c’est fini !

Elles entouraient le cadavre encore chaud, elles l’insultaient avec des rires, traitant de sale gueule sa tête fracassée, hurlant à la face de la mort la longue rancune de leur vie sans pain.

— Je te devais soixante francs, te voilà payé, voleur ! dit la Maheude, enragée parmi les autres. Tu ne me refuseras plus crédit… Attends ! attends ! il faut que je t’engraisse encore.

De ses dix doigts, elle grattait la terre, elle en prit deux poignées, dont elle lui emplit la bouche, violemment.

— Tiens ! mange donc !… Tiens ! mange, mange, toi qui nous mangeais !

Les injures redoublèrent, pendant que le mort, étendu sur le dos, regardait, immobile, de ses grands yeux fixes, le ciel immense d’où tombait la nuit. Cette terre, tassée dans sa bouche, c’était le pain qu’il avait refusé. Et il ne mangerait plus que de ce pain-là, maintenant. Ça ne lui avait guère porté bonheur, d’affamer le pauvre monde.

Mais les femmes avaient à tirer de lui d’autres vengeances. Elles tournaient en le flairant, pareilles à des louves. Toutes cherchaient un outrage, une sauvagerie qui les soulageât.

On entendit la voix aigre de la Brûlé.

— Faut le couper comme un matou !

— Oui, oui ! au chat ! au chat !… Il en a trop fait, le salaud !

Déjà, la Mouquette le déculottait, tirait le pantalon, tandis que la Levaque soulevait les jambes. Et la Brûlé, de ses mains sèches de vieille, écarta les cuisses nues, empoigna cette virilité morte. Elle tenait tout, arrachant, dans un effort qui tendait sa maigre échine et faisait craquer ses grands bras. Les peaux molles résistaient, elle dut s’y reprendre, elle finit par emporter le lambeau, un paquet de chair velue et sanglante, qu’elle agita, avec un rire de triomphe :

— Je l’ai ! je l’ai !

Des voix aiguës saluèrent d’imprécations l’abominable trophée.

— Ah ! bougre, tu n’empliras plus nos filles !

— Oui, c’est fini de te payer sur la bête, nous n’y passerons plus toutes, à tendre le derrière pour avoir un pain.

— Tiens ! je te dois six francs, veux-tu prendre un acompte ? moi, je veux bien, si tu peux encore !

Cette plaisanterie les secoua d’une gaieté terrible. Elles se montraient le lambeau sanglant, comme une bête mauvaise…

[…]

Zola, Germinal…

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9 Commentaires

  1. Puisque vous parlez de l’un de mes livres préférés, pensez à la suite, l’étranglement de Cécile Grégoire par le vieux Bonnemort, quand ils allaient, tout naïfs, faire l’aumône dans les corons.
    Au lieu de parler de révolte, ils ont qualifié ça de “crime d’un idiot”, un déséquillibré comme on dit de nos jours.
    Ils ne voulaient pas admettre que l’ouvrier pouvait à ce point haïr le bourgeois.
    Je pourrais faire aussi allusion aux soeurs Papin, deux folles là encore, parait-il…

    • Bien sûr ! D’ailleurs le jour de la mort de Maigrat Cécile Grégoire a déjà failli se faire massacrer, elle a été sauvée… pas pour longtemps

      • elle manque de se faire écharper façon princesse de Lamballe et elle y retourne…C’est un roman mais il y a des gens comme ça, ils n’arrêtent leurs délires qu’une fois morts.
        Ou encore Souvarine, qui parle de détruire le monde entier et pleurniche pour un lapin qui passe à la casserole. Un gauchiste quoi! Ah quel visionnaire, ce ZOLA

  2. Germinal est un film qui montre la misère ouvrière d’une population qui travaillaient dans les mines de charbon du Nord de la France à une époque où la France avait connu la révolution industriel ce qui montre que le vrai peuple français est un peuple qui se bat pour sa fierté dans une époque où les ouvriers étaient mal considérés . L’adaptation du roman de Zola est très intéressant et qui se distingue de la folie ambiante actuelle !

  3. Bonjour,

    Scène inoubliable de la littérature française : merci de nous la redire …

  4. Si on castrait tous les violeurs, les collabos, les salopards de nos jours, les profiteurs, il y aurait un sacré monceau de barbaque.

    • La fameuse “résignation séculaire” des mineurs sur laquelle comptaient actionnaires et patronnat c’est un peu ce qu’on retrouve avec ce foutraque d’immigration…Jusqu’à la révolte!

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