La Cité de cristal, récit de science-fiction, première partie

   Le président  Pierre-Paul Drapeur se présenta à l’entrée de son bunker. Pour y pénétrer, il dut poser  son pouce sur le lecteur de reconnaissance digital. Le boîtier clignota quelques instants, puis la lourde porte coulissante  s’ouvrit dans un chuintement. Il pénétra dans un couloir  chichement  éclairé par des spots qui diffusaient une lumière bleutée. Il était suivi par ses deux gardes du corps : deux chiens monstrueux. Un soldat  armé jusqu’aux dents montait la garde devant la salle de conférence, son pistolet laser à la ceinture, et son fusil à impulsions électromagnétiques en bandoulière, tous deux capables de foudroyer un adversaire.
   Dans la salle de conférence se trouvaient les trois ministres chargés d’assister le président. Cela suffisait puisque la cité était administrée par un puissant ordinateur, surnommé le Grand Tout. Lorsqu’une décision devait être prise, le président consultait ses ministres, puis décidait en dernier ressort. Ensuite, et seulement, un technicien transmettait les nouvelles données à Grand Tout. Les habitants de la cité recevaient sur leurs ordinateurs domestiques les nouvelles consignes à appliquer. Au cas où Grand Tout aurait connu des défaillances, un frère jumeau de l’appareil, fonctionnant en parallèle, avait été prévu.  Les ministres et le président étaient nommés à vie. Seule la mort de l’un d’entre eux provoquait  une nouvelle élection pour le poste laissé vacant.  Drapeur s’adressa à ses adjoints : 
   – Alors, messieurs, quoi de neuf aujourd’hui?
   – L’esprit civique se perd, répondit Balthius, ministre de l’Information. Le peuple  sort de sa léthargie. Je crains que nous n’ayons à procéder à quelques arrestations, et peut-être même à quelques exécutions pour l’exemple. 
    — Avant d’en arriver là, projetons un film sur les évènements qui ont précédé la construction de notre cité, trancha le président.  Nous l’avons déjà fait par le passé. Cela avait suffi. 
   En effet, la Cité de Cristal avait été érigée  après les grands événements de la moitié du vingt et unième siècle : famines, surpopulation, pandémies. Les autorités d’alors avaient pensé à la construction d’une ville, uniquement réservée aux élites intellectuelles et scientifiques. Il avait fallu quand même consentir à incorporer quelques subalternes pour accomplir les tâches ingrates. 
 
 La cité devait être entourée de remparts infranchissables, remparts armés de gigantesques canons lasers. Une massive porte de fer en défendait l’entrée.  Les bâtiments avaient été dotés de toits de verre scintillants, d’où le nom de la ville. Les concepteurs avaient assuré au peuple qu’une place leur serait réservée. C’était évidemment un leurre pour accroître leur productivité.  Le jour de l’inauguration, les heureux élus franchirent l’entrée, et la porte se referma. Les ouvriers constatèrent qu’ils avaient été floués. Ils protestèrent,  hurlèrent, jetèrent des  énormes pierres sur la porte d’entrée. Du haut de la muraille, des gardes ouvrirent le feu. Le premier rang fut fauché. Les gens s’éloignèrent. On les vit ramasser les morts et les blessés qu’ils chargèrent sur des chariots, puis ils s’éloignèrent. Ils disparurent au loin dans un nuage de poussière, on ne les revit jamais. 
   La vie dans la cité était agréable. Les habitants mangeaient à leur faim, étaient soignés dans un hôpital ultramoderne. Ils ne travaillaient que quelques heures par semaine. Le reste du temps, ils bénéficiaient des avantages que leur procurait le complexe sportif, qui comprenait des cours de tennis, une piscine, des salles de sport, et un stade où se déroulaient chaque dimanche des compétitions de différentes disciplines. 
   Il y avait tout de même quelques inconvénients à vivre dans cet apparent paradis : les résidents étaient espionnés à leur insu; les appartements étaient tous truffés de microphones numériques  dotés d’algorithmes reliés au ministère de l’Information.   Les auteurs de propos les plus déviants étaient identifiés et arrêtés, puis chassés de la cité ou exécutés par injections létales. Les citadins ne pouvaient pas quitter la ville. Leur existence devait se dérouler entre ces quatre murs. De plus, la population ne devait pas excéder cinq mille âmes. Dès que ce chiffre était atteint, la procréation était interdite sous peine de sanctions. Les vêtements étaient tous identiques, sauf pour les dirigeants et les personnes importantes. La nourriture était toujours la même, des protéines, des vitamines et des minéraux mêlés à une bouillie d’algues, algues cultivées dans des serres toute l’année. Les emplettes se faisaient dans un magasin d’État.  L’élite avait droit à une alimentation plus élaborée, préparée soigneusement par de grands chefs. Il n’y avait pas d’argent non plus. Uniquement  des cartes de crédit abondées chaque mois. Pas de possibilité de cumuler, la carte était remise à zéro avant chaque nouveau virement. Et si les titulaires ne se montraient pas dociles, le montant du crédit diminuait. Il y avait des barèmes pour cela. 
   Une sourde colère se faisait sentir lors des remontées des micros espions au ministère de l’intérieur. Ce n’était pas encore la révolte, mais cela devenait inquiétant. L’esprit civique se mourait. Les gens avaient oublié le monde d’avant, les horreurs perpétrées. Certains nés après la construction de la Cité de Cristal ne l’avaient même pas connu. C’est pourquoi le ministre Balthius s’inquiétait. Les quatre hommes choisirent le film qui serait diffusé dans chaque foyer. Un vrai festival de violences de toutes sortes, des images de famines, d’épidémies meurtrières. Avec à la fin, les images rassurantes de la ville enserrée entre ses remparts. 
   — Voilà, messieurs, conclut le président. Il ne nous reste plus qu’à attendre. Je pense que cette piqûre  de rappel portera ses fruits et ramènera nos concitoyens à de meilleures dispositions. 
   — Dieu vous entende, conclut  Gerland, ministre de la Défense. Je n’aimerais pas être obligé de supprimer  quelques récalcitrants. Le seuil d’alerte en ce qui  concerne la population totale a été franchi. Mais négativement.  Nous ne sommes plus que 4900. Il va falloir relancer la procréation
   Drapeur approuva, puis quitta la salle de conférence, les deux molosses sur ses talons.  Il regagna le palais présidentiel. Dans les jardins, des ouvriers s’affairaient et regarnissaient les massifs de fleurs. Il aperçut son épouse en train de superviser les travaux. Il lui fit un signe de la main et s’avança vers elle. On était en hiver, mais les botanistes avaient mis au point des espèces non gélives.  Le soleil s’abaissait  sur l’horizon, jetant ses derniers feux.  C’était  l’heure où le ciel se teintait de rose et de mauve. Les toits de verre de la ville, les dômes brillaient d’un dernier éclat. Le président appréciait particulièrement ce moment. Il espérait que ce soir serait suivi de beaucoup d’autres. Mais un événement inattendu allait bouleverser l’ordre des choses. 
   

                                                    FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE

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9 Commentaires

  1. Extrait de https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Prisonnier

     » Le Prisonnier (The Prisoner) est une série télévisée britannique en dix-sept épisodes de 52 minutes ».

    « Un agent secret britannique démissionne brutalement de son poste et se dirige vers son appartement londonien au volant de sa Lotus Seven. Il est suivi et, alors qu’il fait ses valises pour quitter la ville, un gaz anesthésiant est diffusé par sa serrure7. À son réveil, il se trouve dans un lieu étrange, le « Village ». L’endroit est excentrique avec une architecture baroque, il est dirigé par le Numéro 2 et habité par une communauté de villageois, tous vêtus d’habits colorés similaires. Un badge numéroté sur la poitrine les identifie. L’homme est désormais le Numéro 6. Il réfute cette dénomination et se déclare libre envers et contre tout… »

    On y arrive grandement et ton conte (future réalité) le montre.

  2. Excellent texte, ami Argo. Mais, comme je le dis depuis 40 ans et comme cela s’est vérifié des dizaine de fois, en France (désormais Islamofrance) la fiction devient TOUJOURS réalité, TOUJOURS. D’une situation pour laquelle on rigole devient réalité en Islamofrance SYS-TE-MA-TI-QUE-MENT. Les exemples sont très nombreux.
    Alors, ton récit peut devenir, compte tenu que les commandes de ce pays sont dans les mains de fous de part la bonne et tenace volonté du peuple islamofrançais, peut, de toute évidence, devenir réalité. Et quand cela sera le cas, les islamofrançais resteront toujours soumis, vivant dans le déni, tout comme aujourd’hui.

  3. Les gens vont se débarrasser des nanopuces, éliminer tout ce qui est électronique autour d’eux, quitter internet qui en réalité n’existe plus et descendre dans le concret, dans l’action sur le terrain, communiquer directement et non plus par l’intermédiaire des pacotilles électroniques qui déforment les choses et ça sera la fin de la secte dégénérée. Ça a déjà commencé. Le piratage des organes de sens c’en est fini. L’être humain est souverain

  4. Tu fous la trouille Argo. Ce que tu décris est tout à fait possible.
    A moins qu’une soudaine révolte anéantisse les projets de ces monstres.
    Qu’est-ce qui est le plus crédible ? Cette horrible vie à venir ou cette éventuelle révolte ?
    En tout cas restons sur le qui-vive et alertons notre descendance qui est encore plus concernée que nous.
    Toujours aussi pertinent et réaliste Argo !

  5. Bravo ! Votre récit et votre dystopie me rappellent « La cité du Grand Juge » de Van Vogt, où tout est en fait régi par un ordinateur tout-puissant et « L’âge de crystal ». Tout au long où XXème siècle, des visionnaires ont entrevu l’horreur logique où risquait de nous entraîner l’abus de technologie sous l’égide de saletés incompressibles de politicards et de financiers. https://www.youtube.com/watch?v=kGCOc6CsT3g

  6. Exactement ce que veulent les Schwab et cie. De quoi les faire haïr encore plus.

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