La « Delaunay Belleville », voiture préférée du dernier tsar de Russie, Nicolas II

Tsesarevich Alexei Nikolaevich posant au volant de la Belleville 40CV de Delaunay.

Le destin de la voiture préférée de Nicolas II

Delaunay Belleville, usines à Saint-Denis (Seine)

Le dernier  tsar de Russie, Nicolas II, a  apprécié et profité de l’utilisation de l’automobile. La première voiture de la famille impériale appartenait à sa mère, l’impératrice Maria Feodorovna (1847-1928). Il s’agissait d’un phaéton équipé d’un moteur électrique de la société américaine Columbia, offert par sa sœur, la reine Alexandra de Grande-Bretagne.

C’est son aide de camp, le prince Vladimir Nikolaïevitch Orlov (1868-1927), qui initie l’empereur à ce nouveau mode de transport qui déferle sur la Grande-Bretagne et l’Europe. Passionné d’automobile, Orlov conduit souvent le tsar dans sa Delaunay Belleville personnelle. Nicolas II, impressionné par les capacités de cette nouvelle technologie, décide de troquer le cheval et la calèche contre une automobile.

À l’automne 1905, il ordonne à Orlov de lui acheter « deux ou trois voitures », laissant le choix des modèles à la discrétion de son fidèle aide de camp. Orlov, sans hésiter, commande au tsar une Delaunay Belleville : une 40CV, phaéton à six places avec toit décapotable, est achetée pour 13 416 roubles (environ 20 millions de roubles en monnaie d’aujourd’hui).

L’empereur Nicolas II assis à cheval à côté de sa première « automobile » – le triple phaéton Delaunay Belleville 40CV. À l’arrière se trouvent les princesses monténégrines Milica et Stana, à l’avant de la voiture le prince V.N. Orlov (en blanc) et le chauffeur Adolphe Kégresse. Krasnoe Selo, été 1908

Aujourd’hui, le nom de Delaunay Belleville n’est connu que des passionnés d’automobile. Mais au début du XXe siècle, c’était un nom bien connu de ceux qui pouvaient s’offrir le luxe. À l’origine, l’entreprise française produit des chaudières à vapeur pour les navires. Devenu riche grâce aux commandes de l’amirauté britannique, le propriétaire de l’entreprise, Louis Belleville, décide de se lancer dans l’automobile.

En 1903, il s’adjoint les services du designer Maurice Barbara. Celui-ci n’a que 28 ans et a déjà une expérience dans les entreprises automobiles Benz & Cie et Lorraine-Dietrich. Le talent et l’assiduité de Maurice, associés à un solide capital de départ, portent rapidement leurs fruits.

La Delaunay Belleville fait ses débuts au Salon de l’automobile de Paris en décembre 1904 et fait immédiatement sensation. Des voitures solides et bien construites sont présentées avec un certain nombre d’innovations – par exemple, la lubrification des arbres à cames sous pression et les freins à refroidissement liquide !

Presque instantanément, la fabrique de chaudières à vapeur acquiert une solide clientèle, le prince Orlov étant l’un des premiers acheteurs.

L’arrivée de l’empereur Nicolas II dans sa Belleville 70CV de Delaunay, à la quatrième exposition internationale de l’automobile, tenue au manège Mikhailovsky.
Exposition internationale d’automobiles, tenue au Manège Mikhailovsky. Saint-Pétersbourg, 1913

Après la 40CV à quatre cylindres, Orlov commande la Delaunay Belleville-70CV à six cylindres, plus puissante, pour le propre garage de Sa Majesté Impériale. Cette voiture, souvent appelée SMT (Sa Majesté le Tsar), a été commandée en 1909.

La Delaunay Belleville-70CV était l’une des voitures les plus sophistiquées de son époque. Son niveau d’équipement est impressionnant. Par exemple, le système optionnel de démarrage du moteur se faisait depuis le siège du conducteur – sans que celui-ci ne doive utiliser la poignée du démarreur à courbe. Pour ce faire, ce n’est pas un démarreur électrique qui a été utilisé, mais un astucieux système pneumatique. Le démarrage ne nécessite pas d’allumage : les pistons et, par conséquent, le vilebrequin tournent sous l’action de l’air comprimé, qui alimente directement le moteur. Une fois que la voiture a pris de la vitesse, il faut couper le système pneumatique et activer l’allumage et l’alimentation en carburant. La Delaunay fonctionne alors à l’essence comme un moteur à combustion interne traditionnel.

Le dispositif pneumatique – référence évidente au passé vapeur de l’entreprise – assure également le pompage à distance des roues, le fonctionnement du cric pneumatique, ainsi que la fonction de frein moteur lors des décélérations. Un miracle de technologie !

La décoration intérieure de la Delaunay Belleville-70CV était un chef d’oeuvre. Les artisans carrossiers français ont décoré l’habitacle de bois de rose, prévu un casier pour le nécessaire de voyage, installé un toit en verre et un double plancher qui éliminait complètement les vibrations du système d’échappement. Le toit était si haut que Nicolas II pouvait s’y tenir debout. Heureusement, il n’était pas grand – selon diverses sources, il mesurait environ 1,70 m.

Alors que la première Delaunay Belleville 40CV de l’empereur coûtait quelque 13,5 mille roubles, la Delaunay Belleville 70CV a coûté plus de 20 mille roubles (plus de 30 millions de roubles aujourd’hui). Et c’est sans compter les modifications qui ont été apportées en cours d’exploitation : des pneus jumelés ont été installés sur les roues arrière, les phares à acétylène ont été remplacés par des phares électriques plus lumineux de Bosch-Licht.

En plus de sa Delaunay Belleville 40CV, l’Empereur possédait également une Delaunay Belleville 70CV (SMT) avec une carrosserie Landaulet. Cette photo a été prise à Krasnoe Selo en 1909. Au volant se trouve le prince V.N. Orlov, à ses côtés Adolphe Kégresse (1879-1943).

Le tsar était très satisfait de sa Belleville de Delaunay. Bien qu’il n’ait jamais eu envie de maîtriser les subtilités de la conduite – avec neuf pédales, l’automobile était trop difficile à manier – Nicolas II préférait donc voyager en tant que passager, occupant toujours le siège arrière gauche.

Certains rapportent que la Delaunay Belleville 70CV (SMT) pouvait accélérer jusqu’à 120 km/h. En cas d’urgence, par exemple si la vie du tsar était menacée, l’automobile s’avérait donc être une voiture de fuite efficace.

Le garage de Sa Majesté Impériale compte d’autres voitures. A côté des modèles français, on trouve des marques allemandes, comme la Mercedes-Simplex et la Daimler Motoren Gesellschaft. Le garage abritait également un Russo-Balt C 24/40 (voir ci-dessous), un véhicule tout-terrain unique en son genre, conçu par Adolphe Kégresse, alors qu’il travaillait pour Nicolas II entre 1906 et 1916. Il l’a appliqué à plusieurs voitures du garage impérial de Tsarskoye Selo, notamment des Rolls-Royce et des camions Packard.

L’empereur Nicolas II (sur le siège arrière), à bord d’un véhicule semi-chenillé
Russo-Balt C 24/40. Adolphe Kégresse, l’inventeur, est le conducteur. 1915

Après la révolution de février 1917, les voitures du tsar sont saisies et transférées dans le garage du gouvernement provisoire. Après les événements tragiques de juillet 1918 et l’assassinat de l’empereur et de sa famille, les voitures de Nicolas II se sont retrouvées dans le bilan de la « Base automobile du gouvernement ouvrier et paysan ».

Les Delaunay Belleville, dont la structure est complexe, nécessitent un entretien professionnel régulier et des pièces de rechange de haute qualité, ce que le gouvernement soviétique ne peut pas se permettre à l’époque. Au début des années 1920, les luxueuses voitures françaises qui transportaient autrefois le tsar et sa famille dans la capitale impériale sont restées inutilisées, devenant un fardeau pour le garage « gouvernemental ». En 1928, la décision est prise de mettre au rebut la voiture préférée de « Sa Majesté le Tsar SMT ».

Le destin de la firme Delaunay Belleville est également malheureux. Après une ascension fulgurante au début du XXe siècle, l’entreprise connaît un déclin tout aussi rapide après la Première Guerre mondiale. Au milieu des années 1920, il ne reste de Delaunay que le souvenir de son statut de marque parmi les plus prestigieuses au monde. Basée à Saint-Denis, en France, l’entreprise se reconvertit dans la production de camions et d’équipements militaires.

Quant à la ville de  Saint-Denis, dans le « 93 », elle deviendra hélas, quelques décennies plus tard, emblématique du Grand remplacement qui frappera la France.

http://gsg9polizei.blogspot.com/2021/12/les-limousines-du-tsar-nicolas-ii.html

https://fr.rbth.com/histoire/88092-voitures-tsar-nicolas-ii

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8 Comments

  1. Très belles automobiles avec des applications techniques surprenantes.
    Merci Jules pour cet article particulièrement intéressant.

    Sur la photo devant l’usine le personnel manque de diversité…(😉)

    Je vais déborder un peu : j’ai visité dans les années 60/70 une usine CCM-SULZER qui fabriquait d’énormes moteur (hauts parfois comme 3 étages !) de bateau, 20000 à 30000 CV. Ceux-ci démarraient aussi à l’air comprimé et tournaient à 150 tours/minute, pépère. Avec des pistons de 105cm, je n’ose imaginer la consommation.

    Une série de locomotives diesel SNCF des années 70 dont certaines sont en fin de parcours, démarraient le moteur de 3600 CV à l’air comprimé. Les seules à ma connaissance, CC 72000 qui oeuvraient sur Paris-Bâle, Nantes, Clermond-Ferrand, Boulogne sur Mer, etc…

    • « …Sur la photo devant l’usine le personnel manque de diversité…(😉)… » C’est normal. On demandait aux ouvriers de travailler, pas de jouer au foot…

  2. Par contre , nous sommes a la recherche d’un SECRET D’ETAT OU  » DE L’HISTOIRE  » , qui sont les organisateurs de la  » révolution d’octobre  » , leurs ORIGINES et pourquoi ? et dans l’intérêt de qui ???
    Qui sont ou qui est l’assassin de toute la famille impériale ? le plus grand , le plus immense génocide du monde = entre 80 et 100 millions de victimes russes blanc et autres ?laissant tous les autres genocides a l’état de conflits mineurs , IMMENSE GÉNOCIDE de 80 MILLIONS D’orthodoxes en général , mais dont personne ne veut parler sous peine de ?……. comme si dérangeant ou secret politique….

  3. Cela me fait penser penser malheureusement à la triste fin de cette famille.

  4. Merci Jules Ferry pour ce magnifique voyage dans le passé. Quand on pense au destin tragique de la famille impériale. Les Romanov aimaient la France. Jadis, notre pays rayonnait dans le monde entier, aujourd’hui nous connaissons le déclin le plus important de notre histoire, grâce à notre « Grand Timonier ». Aussi à ses prédécesseurs, qui n’ont pas su ou plutôt voulu faire fructifier le capital qui leur a été légué. En plus, nous sommes désormais en guerre par procuration avec notre ami d’hier. Triste destin…

    • Merci beaucoup pour cet article qui me permet d’approfondir mes connaissances d’un sujet passionnant qui est l’influence de l’histoire de l’automobile sur les grands de ce monde. J’ignorais cet épisode qui nous rappelle un prestigieux passé industriel occidental qui émigre vers l’Asie pendant que l’Afrique s’installe chez nous …

    • Tel quel…

      … »Après la révolution bolchévique de 1917, de nombreux Russes ont émigré en France afin de fuir la terreur rouge…

      https://lachansonfrancaise.net/2016/01/02/les-cosaques-a-paris/

      …Eh oui, l’immigration chambarde souvent le statut social. Pensez-y la prochaine fois que vous prendrez un taxi – qui sait, ce sera peut-être un prince nigérian ou un sultan marocain qui vous conduira! ».

      • Hélas, beaucoup plus de chance de tomber sur une racaille magrébine ou africaine…

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