En ce mois de décembre 1913, un journaliste de l’Éclair, Paul Birault, qui semble avoir une piètre opinion des hommes politiques, décide de leur tendre un piège en montant un canular.
Il crée un comité du centenaire d’Hégésippe Simon, né le 31 mars 1814, personnage fictif, censé être le père de la démocratie, et auteur d’un aphorisme remarquable : « Les ténèbres s’évanouissent quand le soleil se lève.»
Il expédie à un certain nombre de parlementaires du parti radical la missive suivante :
Monsieur le Député,
Grâce à la libéralité d’un généreux donateur, les disciples d’Hégésippe Simon ont enfin pu réunir les fonds nécessaires à l’érection d’un monument qui sauvera de l’oubli la mémoire du précurseur.
Désireux de célébrer le centenaire de cet éducateur de la démocratie avec tout l’éclat d’une fête civique, nous vous prions de vouloir bien nous autoriser à vous inscrire parmi les membres d’honneur du Comité.
Veuillez agréer, monsieur le Député, l’hommage de notre profond et respectueux dévouement.
L’inauguration devait avoir lieu le 31 mars 1914 à Poil, petit village de la Nièvre, et lieu de naissance de ce grand Français où les députés contactés furent invités à se rendre. Il fallait donc se rendre à Poil. Il reçut un bon nombre de réponses favorables. Birault relança même les députés retardataires. Six nouveaux élus lui répondirent. Un futur président du conseil , une flèche en la matière, répondit comme suit :
« J’accepte avec d’autant plus de plaisir que j’ai bien connu Hégésippe Simon, ce grand Français paré de toutes les vertus républicaines.»
Aussi, le député Paul Meunier de l’Aube :
«Je m’empresse de vous faire savoir que j’accepte avec grand plaisir le titre de membre d’honneur du comité d’initiative du centenaire d’Hégésippe Simon. »
Les sénateurs ne furent pas oubliés. Birault expédia une centaine de lettres. La même que pour les députés. Avec un post scriptum indiquant que la pierre à la mémoire de votre illustre compatriote sera élevée à … Il ajouta pour chacun le nom d’un village de sa région. De même pour les conseillers généraux. Dix-sept sénateurs répondirent, dont le comte d’Aulnay, sénateur de la Nièvre :
«Je vous autorise bien volontiers à m’inscrire parmi les membres d’honneur du comité du centenaire d’Hégésippe Simon ; mais, à mon vif regret, je prévois qu’il me sera sans doute difficile de me trouver à Poil le 31 mars 1914.»
On comprend mieux ce sénateur, aller à Poil par un temps de printemps, c’est risquer la pneumonie. En avril, ne te découvre pas d’un fil…
Notre journaliste avait choisi cette date pour que tous les journaux rapportent cet événement le 1er avril.
Quelques organes de presse annoncèrent l’inauguration de la statue du grand homme dans le village de Poil, l’ami Birault ayant finalement décidé que le grand patriote Hégésippe Simon était bien né à Poil, petite commune de la Nièvre.
Certains députés, pour préparer leur discours inaugural, avaient procédé à des recherches. Nulle part trace de l’homme illustre, poilu de naissance (ou pictien). Paul Birault considéra que c’était là la fin de l’histoire. Il décida de révéler la mystification dans les colonnes de l‘Éclair. La France se gondola de rire. La réputation d’intelligence des hommes politiques en prit un sérieux coup. Un chansonnier composa des couplets. Je ne résiste pas à l’envie de vous en faire part :
Il fit tout jeune ses débuts politiques
En se faisant sous la Révolution
Guillotiner pour la Grand’République
C’est ce qui fit la gloire de son nom
Un peu plus tard cet aigle au cœur de bronze
En quarant’huit se faisait fusiller
Et finalement c’est en soixante et onze
Qu’il succombait parmi les Fédérés
Ah! Ah! mes bons amis chantons
La gloir’ d’Hégésippe Simon.
Les Français eurent bien raison de rire, car quelques mois plus tard, ce fut la Grande Guerre. J’ajoute que tous les députés qui avaient répondu à l’appel de Paul Birault furent réélus.
L’affaire Hégésippe Simon eut des rebondissements inattendus : lors de l’élection législative suivante, des rigolos placèrent près des urnes des bulletins au nom d’Hégésippe Simon dans la première circonscription de Cambrai. Le candidat fictif obtint 8495 voix, soit 41% des suffrages exprimés. Le radical-socialiste Alfred Le Roy, 12038.
Le 1er juillet 1914, la Chambre refléchit à un déménagement parlementaire depuis le Palais Bourbon. La commission reçut alors une missive d’un certain Hégésippe Simon fils, qui invite les parlementaires à venir s’installer à Poil, sous les vertes frondaisons. Il conclut sa lettre en invitant les députés à venir à Poil.
NB : les noms et prénoms d’Hégésippe Simon sont calqués sur le prénom d’Hégésippe Moreau, poète oublié et mort de faim en 1838, et sur le patronyme de Jules Simon, républicain.
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Heureusement il s’appelait Birault et pas Biroute.
A -t- on a vu Biroute a Poil ?
Merci Argo pour m’avoir bien fait rire.
Et tout ça sans réseaux sociaux!
Et comme disent certains ici on pouvait déjà constater le ridicule de quelques politicards. Quelle engeance, qui a à peine changé.
Une histoire qui en dit long sur les politiques ! De nos jours, ça marcherait aussi. Le modèle à admirer serait obligatoirement issu de la diversité, musulman, originaire du 93 de préférence. Il aurait bien sûr apporté énormément à la France par ses talents de rappeur, de dealer et de tabasseur de femmes.Le jour de l’inauguration de la statue : au premier rang tout le gratin ému, Macron, Hidalgo, la mère Aubry…
Voilà une belle pépite de caricature à une époque où la grande Guerre allait transformer la France comme le plus grand théâtre du plus grand massacre européens de l’histoire.
A poil et à la queuleuleu ! Merci Argo. Belle poilade !
Bonjour,
Savoureux , merci Argo !
Un peu plus tard, il y a eu aussi les Poldèves qu’il fallait secourir d’urgence : canular monté par l’ Action française …