Nous vous avons présenté hier la traduction du début de la 3ème section du deuxième chapitre du livre de Thilo Sarrazin, « Der Staat an seinen Grenzen », en français « L’État à ses frontières » paru en 2020, consacré au thème hautement explosif de l’identité.
Voici la seconde partie.
Quarante ans plus tard, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche faisait part de ses réflexions après avoir écouté l’ouverture de l’oeuvre musicale de Richard Wagner « Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg » : « quelque chose d’arbitraire, de barbare et de solennel à la fois […] quelque chose d’allemand, dans le meilleur et le pire sens du terme, quelque chose de foisonnant à la manière allemande, de non-formel et d’inépuisable […], selon lui.
Ce genre de musique exprime le mieux ce que je pense des Allemands : ils datent d’avant-hier et d’après-demain – ils n’ont pas encore de présent ».
Nietzsche reprend ainsi, à propos de la situation des Allemands, le motif, qui résonnait également chez Schiller et Goethe, dans son ouvrage « les Xénies », et chez Heinrich Heine dans son Conte d’hiver.
Pour Nietzsche, « l’âme allemande […] est avant tout plurielle, de différentes origines, davantage composite et superposée que véritablement structurée. Cela tient à son originalité. […[ En tant que peuple issu de la plus « monstrueuse mixture » et mélange de races, toutefois caractérisé par une prédominance de l’élément pré-aryen, les Allemands sont plus inconcevables, plus complets, plus contradictoires, plus inconnus, plus imprévisibles, plus surprenants, plus effrayants même que les autres peuples ne le sont pour eux-mêmes – «
C’est pour cette raison qu’il est si difficile pour tout esprit né en Allemagne de renier pleinement la malédiction et la culpabilité de l’Allemagne. […] La tendance à l’autocritique, qui est souvent allée jusqu’à l’autodénigrement, a toujours été allemande, et il restera à jamais incompréhensible qu’un peuple aussi enclin à la connaissance de soi ait pu concevoir l’idée de dominer le monde. […]
L’on ne peut rien mettre en parallèle avec les inexorables propos que de grands Allemands, comme Hölderlin, Goethe, Nietzsche, ont tenus sur l’Allemagne, avec ce qu’un Français, un Anglais, ou même un Américain n’aient jamais lancé devant leur peuple ».
Thomas Mann concluait au sujet des Allemands par ces lignes en évoquant « l’espoir d’une réforme sociale mondiale qui offrirait précisément aux dispositions et aux besoins les plus intimes de l’Allemagne les plus grandes possibilités de bonheur ».
« En fin de compte, le malheur allemand n’est que le prototype de la tragédie de la condition humaine proprement dit.
Nous avons tous besoin de la miséricorde qui est si désespérément nécessaire à l’Allemagne« .
Avec ces mots, Mann donna en avril 1945 le ton d’un l’internationalisme résolu caractérisant la politique allemande depuis la Seconde Guerre mondiale. Son idée d’un État mondialisé a trouvé son expression quelques mois plus tard – le 24 octobre 1945 – dans la création des Nations unies. 73 ans plus tard, la chancelière allemande Angela Merkel a soutenu avec vigueur le pacte de l’ONU sur les migrations, que l’on peut tout à fait considérer comme un petit pas supplémentaire vers l’État mondial auquel Thomas Mann aspirait tant.
Personnellement, je pense que Thomas Mann a commis une grave erreur de raisonnement avec son concept d’État mondial.
Un État mondial doit créer une unité s’il veut être effectif et pertinent. Personne ne pourrait s’y soustraire en émigrant, par exemple.
Hitler et Staline aspiraient eux aussi, chacun de leur côté, à un État mondial. C’est précisément ce que fait aujourd’hui l’islam radical.
C’est justement parce que les hommes sont faillibles et sujets à l’erreur que l’on doit mettre en concurrence des systèmes politiques différents, et donc des États distincts.
Ce n’est qu’ainsi que des valeurs, des idées, des méthodes et des structures opposées pourront avoir une chance de faire leurs preuves et de subsister. Comme l’écrit l’historien américain Mark Mazower, « l’idée d’un gouvernement mondial […] est une utopie dépassée ».
Certes, « les institutions en matière de gouvernance mondiale […] doivent être réformées de toute urgence. Cependant, l’intuition fondamentale (du XIXe siècle) selon laquelle un internationalisme efficace repose sur des États-nations opérationnels reste pertinente« .
Le concept de Thomas Mann selon lequel l’Allemagne se fondrait dans un État mondial révèle l’esprit allemand qui l’habite. Sans doute seul un Allemand peut-il penser de manière aussi radicalement universaliste. Mais j’en reviens à la question de départ de ce chapitre :
Mais qu’est-ce qui est allemand ?
– Sur le plan génétique, des éléments germaniques, celtes et slaves se sont mélangés au sein du peuple allemand, avec une prédominance de l’élément germanique au nord de l’ Allemagne, et de l’élément celte au sud, tandis que la composante slave s’est développée à l’est.
Les Allemands ne peuvent donc pas être définis génétiquement.
Les rapprochements avec les peuples voisins restent toutefois fluides. Les différenciations dans ce sens n’ont aucune valeur explicative quant à la spécificité des Allemands.
– Sur le plan linguistique, l’allemand s’est développé à partir de dialectes germaniques.
– Sur le plan psychologique, on attribue volontiers certaines caractéristiques aux Allemands. Parmi celles-ci, on a relevé des qualités positives telles que la ponctualité, l’honnêteté, l’amour de l’ordre, le sens du devoir, l’assiduité, l’esprit de la vie en communauté et la capacité à s’intégrer.
Parmi les caractéristiques d’ordre plutôt négatif, on trouve le respect aveugle envers l’autorité, l’obéissance sans discernement, le manque de tact et de sensibilité, la tendance à être grossier, à vouloir tout savoir, et à ne pas vouloir respecter les principes de base.
Pour moi, un héritage germanique transparaît dans le profil mental des Allemands.
– D’un point de vue culturel, l’espace linguistique germanophone a toujours eu une très grande tendance à absorber les influences étrangères.
Cela perdure encore aujourd’hui.
Cela a eu une influence positive sur le développement économique et culturel des pays de langue allemande. Et bien sûr, la culture allemande ne se limite pas à la langue allemande.
Depuis le 16e siècle et jusqu’à nos jours, la curiosité, le goût de la recherche et le goût de la performance en matière de formation ont toujours été bien supérieurs à la moyenne dans l’espace germanophone.
Cela a conduit à la position autrefois exceptionnelle de l’Allemagne dans le domaine de la science et de la technique.
Le potentiel intellectuel des Allemands, associé à leur zèle au travail, à leur loyauté envers les valeurs et à leur capacité au compromis social, a fait de l’Allemagne l’un des pays les plus riches et les plus stables du monde.
Ces facteurs font que l’Allemagne fait encore partie des pays les plus prospères du monde.
Et c’est précisément cela qui peut être mis en péril par une mauvaise politique en matière d’immigration.
Je ne fais pas ici allusion aux migrations d’Européens au sein de l’Europe même, qui, à quelques exceptions près, ne constituent pas aujourd’hui un problème majeur.
Traduit de l’allemand du livre de Thilo Sarrazin, »Der Staat an seinen Grenzen », pages 183 à 191.
Nicolas Faure.
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« le respect aveugle envers l’autorité, l’obéissance sans discernement, le manque de tact et de sensibilité, la tendance à être grossier, à vouloir tout savoir, et à ne pas vouloir respecter les principes de base. »
Il me semble que cela décrit aussi la France Macronienne avec son covidisme, son mondialisme et son boboisme.