Marc Chagall, peintre russe devenu Français de cœur et de papier

Au-dessus de la ville (1918, Galerie Tretiakov)

 Sa femme et muse  est apparue sur ses toiles durant des décennies. Il n’a cessé de la peindre, eux ensemble, et avec l’arrivée de leur fille Ida, tous les trois. Les femmes des tableaux de Chagall avaient des traits reconnaissables : un visage pâle, de beaux yeux noirs – c’était toujours elle, la femme principale de sa vie. Selon les aveux de l’artiste, il ne terminait jamais une œuvre sans avoir entendu son avis. Il l’appelait son âme, sa création. Il a souvent représenté leur couple en train de voler au-dessus de la ville – l’amour leur donnait en effet des ailes. Bella Chagall est morte en 1944. Mais elle est restée une source d’inspiration éternelle pour l’artiste.

 

Depuis Renoir, personne n’a senti la lumière comme Chagall, et après la mort de Matisse, il restera le seul artiste à comprendre ce que signifie la couleur, pensait Picasso.

 

Marc Chagall & l’Amour (Musique : W.A Mozart – Piano Concerto n°23 Adagio)

 

Voici l’histoire étonnante de ce garçon juif de Vitebsk qui a conquis Paris et le monde.

Originaire d’une modeste famille juive de Biélorussie, Marc Chagall étudie l’art d’abord à Saint-Pétersbourg. Il arrive à Paris en 1910, et s’installe à « la Ruche », dans le quartier de Montparnasse, où travaillent déjà Amedeo Modigliani, Chaim Soutine et Fernand Léger. Il se lie également d’amitié avec le poète Blaise Cendrars. Utilisant les principes du cubisme, Chagall transpose ses souvenirs de Russie et ses visions imaginaires : son œuvre a été pour cette raison souvent rattachée au surréalisme.

En 1914 il rentre en Russie et à la Révolution de 1917, est nommé commissaire des Beaux-Arts de la province de Vitebsk.

Revenu en France en 1923, l’artiste illustre Les Ames mortes de Nicolai Gogol, Les Fables de La Fontaine et, marqué par un voyage sur les sites saints de Palestine, de Syrie et d’Egypte, il donne des illustrations de la Bible. Peu avant 1940, ses toiles traduisent l’angoisse de la guerre.

Il se réfugie aux Etats-Unis en 1941, où il réalise les décors et les costumes de L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky, avant de rentrer en France en 1948. Il réalise alors des vitraux et des céramiques pour l’église du plateau d’Assy, la cathédrale de Metz et la synagogue de l’hôpital Hadassah de Jérusalem. En 1964, on lui commande le plafond de l’Opéra Garnier, à Paris. Chagall atteint la consécration en 1973 avec l’ouverture d’un musée portant son nom à Nice, qui abrite principalement Le Message biblique exécuté entre 1954 et 1967. Il s’éteint en 1985 à Saint-Paul-de-Vence, presque centenaire. 

 

Au cours de sa longue vie – il a vécu 97 ans – Marc Chagall a créé de nombreuses peintures, des graphiques, des vitraux.

Des hommes et des animaux volants, des violonistes et des anges, les courbes de la tour Eiffel et les lignes lisses des maisons de sa ville natale de Vitebsk – l’artiste a donné naissance à un monde particulier qui, tel un kaléidoscope, reflète l’histoire mouvementée du XXe siècle. Examinons  quelques œuvres du maître.

Moi et le village (1911, MoMA)

Arrivé pour étudier à Paris en 1911, Chagall, âgé de 23 ans, s’est plongé dans de nouvelles expériences. Il a rencontré Sonia Delaunay et André Lhote, Blaise Cendrars et Guillaume Apollinaire. Les salles d’exposition deviennent alors sa seconde maison – il scrute les toiles impressionnistes et s’essaie aux nouveaux mouvements, le futurisme et le cubisme. Inspiré par la stylistique des artistes « sauvages », Chagall peint la même année l’une des déclarations d’amour les plus poétiques pour sa terre natale. Il ne s’agit pas tant d’un paysage que de l’image d’un univers entier, reflétant la nostalgie d’un mode de vie familier. Il se peint en vert, qui symbolise pour lui la renaissance et la joie. Son mentor à Saint-Pétersbourg, Léon Bakst, s’est exclamé en voyant l’œuvre : « Vos couleurs chantent maintenant ! ».

Le Violoniste (1912-1913, Stedelijk Museum)

Après s’être installé dans la célèbre Ruche à Paris, il peint à nouveau abondamment sa ville natale de Vitebsk. Manquant d’argent, Chagall utilisait tout ce qui lui tombait sous la main comme toile. Il a par exemple peint Le Violoniste sur une nappe à carreaux. Ses motifs sont encore clairement visibles sur les vêtements et les chaussures du musicien. Ni les mariages ni les enterrements n’avaient lieu à Vitebsk sans un violoniste, qui était présent à tous les événements importants de la vie d’une personne. L’artiste l’a placé sur le toit d’une maison pour une raison précise : il a avoué un jour qu’il avait un oncle qui avait l’habitude de grimper sur le toit pour ne pas être dérangé lorsqu’il buvait sa kompot (boisson avec fruits entiers infusés).

 

Autoportrait aux sept doigts (1913, Stedelijk Museum)

En France, Chagall a connu un essor sans précédent. « Aucune académie n’aurait pu me donner tout ce que j’ai appris en me promenant dans Paris, en observant les expositions et les musées, en regardant les vitrines des magasins », a-t-il écrit. En 1912-1914, il expose ses œuvres au Salon des Indépendants. Parmi eux figure le premier autoportrait français. L’artiste s’est représenté en costume d’apparat, travaillant sur un tableau intitulé À la Russie, aux ânes et aux autres. Son amour pour Paris et Vitebsk s’y reflète également : ce n’est pas un hasard si l’on peut voir la tour Eiffel dans le dos de l’artiste, et la vision de sa « ville natale d’églises et de synagogues » au-dessus de son chevalet. Et aussi un rêve de reconnaissance. Chagall s’est peint lui-même avec sept doigts sur une main – un homme à tout faire.

L’Anniversaire (1915, MoMA)

En 1948, Chagall retourne en France. Enfin, des livres illustrés par ses soins sont publiés – Les Âmes mortes de Gogol et Les Fables de La Fontaine, tandis qu’est en cours le travail sur des illustrations pour la Bible. En même temps, la vie personnelle de l’artiste change. Ida le présente à Valentina Brodsky et cette rencontre s’avère décisive : ils se marient et font un voyage de noces autour de la Méditerranée avant de s’installer à Saint-Paul-de-Vence, près de Nice. Cependant, comme auparavant, Vitebsk, dont il avait la nostalgie, ainsi que de vagues inquiétudes quant à l’avenir, vivent dans son cœur.

Le Cirque (1964, collection privée)

Chagall admirait le cirque depuis son enfance, lorsqu’il avait vu des acrobates se produire à Vitebsk. L’artiste l’a qualifié de spectacle le plus tragique de la planète. Après une visite au Cirque d’hiver de Paris, il a créé une série d’œuvres sur ce thème et, tout au long de sa vie, il reviendra sans cesse à cet univers festif et grotesque. Il a consacré deux œuvres monumentales – pour le Watergate Theatre et l’Opéra de Francfort-sur-le-Main – au cirque, représentant cavalières et bêtes, clowns et acrobates.

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