Le 17 mai 1962, quand le Général de Gaulle visita Tulle, j’y étais

J’étais âgé de onze ans lorsque de Gaulle rendit visite aux Tullistes, le 17 mai 1962. Mon père, militaire de carrière,  était alors en Algérie. Nous nous étions réfugiés à Tulle, fuyant la banlieue parisienne, devenue un coupe-gorge pour les Français de souche. Les attentats perpétrés par le FLN avaient décidé mes parents à quitter les Hauts-de-Seine pour la préfecture de la Corrèze,  loin des actes de terrorisme  perpétrés par de soi-disant libérateurs d’un pays à qui ils  prétendaient  offrir un avenir brillant et une prospérité sans précédent. L’Histoire a montré qu’en plus d’être des assassins, ils n’étaient que des incapables. Leur incurie a fait que ce pays, jadis prospère, est devenu une nation  en pleine déliquescence, en pleine déroute économique, incapable d’un sursaut salvateur. Hormis le fait de pleurer sur l’affreuse période coloniale qui les aurait décimés et spoliés, à part émigrer chez l’affreux colonisateur de la veille, je n’ai vu chez eux aucune volonté de vouloir s’en sortir.
À cette époque, pendant l’absence de mon père, nous habitions le quartier du Trech, rue du Pas-Roulant exactement, un vieux quartier de Tulle, non loin de la préfecture et de la place de la Cathédrale, où de Gaulle haranguera la foule. Il fut accueilli à la mairie par le premier magistrat de l’époque,  Jean Montalat. Le président traversera la ville en sa compagnie. Je me trouvais sur le trajet. Je ne sais pas pourquoi le général vint me tapoter une joue et me secouer ma menotte, puis continua son parcours.  Mais c’est ce qui se passa ce jour-là. Une  admiratrice du grand homme faillit en avoir une attaque. « Ah! s’exclama-t-elle, si ça m’était arrivé, je ne me serais plus lavé la main et la joue. » Je ne l’ai heureusement pas écoutée par la suite.  J’ai assisté , en compagnie de ma mère, au discours de l’homme du 18 juin. Je n’en ai pas retenu grand-chose. Lorsqu’on est enfant, la politique est plutôt une affaire de grandes  personnes. Le maire de l’époque, étant d’une taille inférieure au Général, de mauvaises langues prétendaient qu’il se dissimulait derrière ce dernier au cas où il y aurait eu un attentat. Il est vrai que le 22 août avait lieu l’attentat du Petit-Clamart.
Pendant l’allocution de de Gaulle, des banderoles avaient fait leur apparition. On pouvait y lire : «Pompidou chez Rothschild, ou Fusillez Salan et Jouhaud.» Pompidou était passé par la banque Rothschild, d’où l’invite à y retourner. Le Général, informé qu’il s’agissait d’éléments communistes, demanda à ce qu’ils soient dispersés par les CRS. Ce qui fut fait par la suite. Le soir même, de Gaulle dînait à la préfecture. Je vous livre le menu à titre de curiosité : baron d’agneau des Monédières, arrosé d’un pomerol Haut-Néac 1952. Il dormit cette nuit-là à la préfecture. Il paraît qu’il fallut trouver un lit à sa taille, celui de la chambre où il devait reposer étant trop petit. Je n’ai jamais su si ce détail relevait de la légende dorée ou si l’anecdote était véridique. Il est vrai qu’il mesurait 1 mètre 93. Ironie du sort, de Gaulle dormit  cette nuit-là non loin des généraux Salan, Jouhaud,  et des autres détenus du putsch d’Alger, la prison n’étant pas très  éloignée de la préfecture.
Autant j’ai admiré l’homme du 18 juin, le partisan de l’indépendance nationale, sa conception d’une Europe des nations souveraines, son attitude intransigeante face aux Américains qui voulaient nous coloniser au lendemain de la guerre,  autant je suis plus réservé quant à son rôle dans la guerre d’Algérie, abandonnant les Pieds-Noirs et les Harkis à leur triste sort.
Aujourd’hui, quand je vois le bal des faux-culs qui se précipitent à Colombey, j’ai envie de hurler. Ces mêmes faux-culs qui se réclament du Général  et qui ont vendu la France et son patrimoine industriel et culturel à l’Europe et à l’étranger me donnent  envie de vomir.   De Gaulle doit s’en retourner dans sa tombe. Il a déclaré qu’un jour, après sa disparition, ce ne serait pas le vide mais le trop-plein. Je constate aujourd’hui que ce trop-plein, à part quelques rares exceptions, a des relents d’égout.
Pour finir, pour clore ces quelques propos, j’ai appris que  des aigrefins vendaient, pendant la visite, des portraits du Général à leur seul profit. L’art de joindre l’utile à l’agréable, sans doute. Je tiens à ajouter que le Général avait les mains froides. Il devait avoir une mauvaise circulation sanguine. Ce qui explique peut-être  qu’il soit mort d’une rupture d’anévrisme quelques années plus tard. Cette année-là, j’ai été gâté en guise de grand homme. Monseigneur Lefebvre était alors   évêque et archevêque de Tulle. Il présida la cérémonie de confirmation qui eut lieu à la cathédrale. J’eus l’honneur de passer en premier pour recevoir ce sacrement des mains  de ce prélat. À l’époque, j’avais un air angélique.  Des commères présentes me prédirent un avenir ecclésiastique. Comme quoi la vox populi peut se tromper. J’ai été et je suis toujours un laïque.

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13 Commentaires

  1. Merci pour ce partage de souvenirs !! Quelle chance d’avoir pu côtoyer ces hommes de valeur.

  2. Même la pourriture de mitteux y est allé!!!
    Moi, un jour, j’irai pisser sur sa tombe à Latché!!!

  3. Et bien tu vois Argo, nous étions déjà « voisins » à l’époque, puisque moi j’étais Enfant de troupe à l’École Militaire de Tulle. L’E.M.P.T.

    • Bonjour,

      Et moi aussi, en vacances chez mes grands-parents corréziens, j’y allais souvent à l’époque.

      On pourrait presque fonder un club !

    • Je te réponds seulement ce soir. Opéré vendredi dernier, examens avant, je n’ai pas eu le temps de te répondre. Je me rappelle des enfants de troupe qui descendaient en ville. J’admirais leur uniforme et les enviais un peu.

  4. Merci Monsieur pour cet article qui devrait être republié par nombre de journaux et qui devrait être lu par EZemmour et Marine Le Pen qui se sont ridiculisés en rejoignant le bal des faux-culs. J’avais d’ailleurs réagi sur ce site sur ce sujet par un commentaire que la responsable avait bien voulu valider. Je me permets d’ajouter de nouveau ces articles. Et de mentionner que De Gaulle n’a pas voulu prémunir la France d’une invasion migratoire des Algériens ((Colombey les 2 mosquées étant une allégation superfétatoire). De Gaulle avait du début de 1954, l’intention de donner l’indépendance aux Algériens, il n’était pas obligé de léguer les puits de pétrole que nous avions forés. Il a trompé les Français d’Algérie en leur faisant croire que l’Algérie resterait française. Et pour un chef d’Etat digne de ce nom, il eût pu gracier ceux qui avaient voulu le tuer dans l’attentat du Petit Clamart. Pourquoi les faux-culs précités n’évoquent jamais les assassinats de De Gaulle, des Pieds-noirs et des harkis ? https://www.herodote.net/11_mars_1963-evenement-19630311.php
    http://www.soldatsdefrance.fr/N-oublions-jamais-il-y-a-cinquante-deux-ans-le-Lieutenant-Roger-DEGUELDRE-etait-assassine-sur-ordre-du-Pouvoir-_a1034.html‌
    https://www.lemonde.fr/archives/article/1963/03/12/six-jours-entre-la-sentence-et-l-execution_3143411_1819218.html

    • Le « mite » 2 goal reste profondément ancré chez les Français. Pourquoi.
      Pour eux 2 goal reste le libérateur de la France, ainsi on occulte complétement le Général Leclerc qui fut le 1er à entrer dans Paris pour le libérer. Leclerc curieusement mourut dans un accident d’avion à la frontière algéro-marocaine.
      Il en est de même pour le Général Giraud que les Ricains préfèrent à 2 Goal et qui, du coup, devient l’ennemi à abattre.
      C’est de cette épisode de 1942 que 2 Goal a voué haine aux Français d’Algérie qui lui préféraient le Général Giraud.
      2 goal de tous temps n’eut qu’un seul objectif: être le plus grand (il l’était par la taille proportionnée par la trahison).
      Aujourd’hui encore aucun historien digne de ce titre n’évoque sa piteuse capitulation le 2 Mars 1916.
      Personne n’évoque également sa « période indochinoise » au cours de laquelle, mystérieusement – tout comme pour Leclerc – l’avion de Duy Tan s’écrase en mer le jour de Noël 1945.
      Mais l’on pourrait également évoquer la trahison des Anglais qui attaque et coule la marine Française basée à Mers el Kébir. Churchill prétendant en avoir avisé 2 Goal; ce dernier rejetant cette affirmation.
      Plus proche la trahison avérée de 2 goal envers la population d’Algérie, mais pas seulement car lors de la tournée des popotes il avait assuré à tous les Officiers Français que l’Algérie resterait envers et contre tout Française.
      Certains se demandent les raisons du soulèvement de ces Officiers?! elle est dans la trahison de 2 Goal, d’autant qu’à peine 4 ans auparavant les Indochinois connaissaient la trahison; n’oublions pas que plus de 100.000 hMonghts durent franchir la frontière Thaïlandaise pour échapper aux massacres. Quelques uns furent sauvés et installés en Guyane.
      Il y aurait encore fort à dire sur celui qui fut traité par Alain Duhamel comme « le plus grand traitre de la 5ème République ».
      Ainsi de par tous ses forfaits de Gaulle aurait dû être mis au poteau d’exécution. Mais voilà quelle icone auraient choisis les Français?
      qui ne gardent de ce transfuge que l’appel du 18 juin et son entrée triomphale à Paris.
      D’aucuns prétendent qu’il a viré les Ricains de France pour ne pas se soumettre à leur colonisation. C’est en partie vrai. Mais c’est surtout parce qu’il devait se venger des Américains qui le dédaignaient.
      Aujourd’hui tout le monde se revendique gaulliste; politiquement cela est presque obligatoire car le politique qui cracherait sur de gaulle est à coup sûr éliminé, quelles que soient les autres options de son programme.
      Ainsi pour conclure ne jetons pas trop vite la pierre. Aujourd’hui qu’attendons nous toutes et tous: le renouveau de la France. Gardons bien cela en soi.

  5. (Commentaire – Partie 2 sur 2)

    A l’époque, de Gaulle était dans une situation compliquée : des Français eux-mêmes – qu’ils fussent alors en France ou en Algérie – faisaient en sorte que l’on perde la guerre d’Algérie, en fournissant volontairement des armes défectueuses à nos soldats…

    Certainement que nombre de Français sont morts à cause de l’idéologie « anti-guerre » de leurs propres compatriotes…!
    …Je ne pense pas que ces gens-là aient été condamnés pour ce qu’ils ont fait, d’ailleurs…? Pour avoir trahi la France et mener à la mort des Français?

    Mais après… je n’y étais pas, donc… je ne suis pas bien placée pour parler de la Guerre d’Algérie ou de Charles de Gaulle.

    • Non ces traitres n’ont pas été condamnés MAIS auréolés: Gisèle Halimi, réseau Janson, Yveton ; mais n’oublions pas non plus les 121 pourris qui ont signé un manifeste : Arthur Adamov, Robert Antelme, Georges Auclair, Jean Baby, Hélène Balfet, Marc Barbut, Robert Barrat, Simone de Beauvoir, Jean-Louis Bedouin, Marc Begbeider, Robert Benayoun, Maurice Blanchot, Roger Blin, Arsène Bonnafous-Murat, Geneviève Bonnefoi, Raymond Borde, Jean-Louis Bory, Jacques-Laurent Bost, Pierre Boulez, Vincent Bounoure, André Breton, Guy Cabanel, Georges Condominas, Alain Cuny, Dr Jean Dalsace, Jean Czarnecki, Adrien Dax, Hubert Damisch, Bernard Dort, Jean Douassot, Simone Dreyfus, Marguerite Duras, Yves Elleouet, Dominique Eluard, Charles Estienne, Louis-René des Forêts, Dr Théodore Fraenkel, André Frénaud, Jacques Gernet, Louis Gernet, Edouard Glissant, Anne Guérin, Daniel Guérin, Jacques Howlett, Edouard Jaguer, Pierre Jaouen, Gérard Jarlot, Robert Jaulin, Alain Joubert, Henri Krea, Robert Lagarde, Monique Lange, Claude Lanzmann, Robert Lapoujade, Henri Lefebvre, Gérard Legrand, Michel Leiris, Paul Lévy, Jérôme Lindon, Eric Losfeld, Robert Louzon, Olivier de Magny, Florence Malraux, André Mandouze, Maud Mannoni, Jean Martin, Renée Marcel-Martinet, Jean-Daniel Martinet, Andrée Marty-Capgras, Dionys Mascolo, François Maspero, André Masson, Pierre de Massot, Jean-Jacques Mayoux, Jehan Mayoux, Théodore Monod, Marie Moscovici, Georges Mounin, Maurice Nadeau, Georges Navel, Claude Ollier, Hélène Parmelin, José Pierre, Marcel Péju, André Pieyre de Mandiargues, Edouard Pignon, Bernard Pingaud, Maurice Pons, J.-B. Pontalis, Jean Pouillon, Denise René, Alain Resnais, Jean-Francois Revel, Paul Revel, Alain Robbe-Grillet, Christiane Rochefort, Jacques-Francis Rolland, Alfred Rosmer, Gilbert Rouget, Claude Roy, Marc Saint-Saëns, Nathalie Sarraute, Jean-Paul Sartre, Renée Saurel, Claude Sautet, Jean Schuster, Robert Scipion, Louis Seguin, Geneviève Serreau, Simone Signoret, Jean-Claude Silbermann, Claude Simon, René de Solier, D. de La Souchère, Jean Thiercelin, Dr René Tzanck, Vercors, J.-P. Vernant, Pierre Vidal-Naquet, J.-P. Vielfaure, Claude Viseux, Ylipe, René Zazzo.
      Aujourd’hui il y aurait autant de noms à citer – si ce n’est plus.

  6. (Commentaire – Partie 1 sur 2)

    Merci pour ce témoignage, Argo!

    Je n’ai pas connu cette époque, alors je ne peux pas juger de ce qu’il s’y était passé…
    Mais j’ai du mal à comprendre de Gaulle : pourquoi avoir abandonné ainsi, alors qu' »il suffisait d’attendre une semaine pour que nos ennemis crèvent de faim »?

    De ce que j’en sais, à l’époque, beaucoup de Français – je dis « beaucoup », mais je n’ai pas de chiffres – étaient contre la guerre d’Algérie. Et ces gens-là semblaient reprocher cette guerre à de Gaulle lui-même…
    Je ne sais pas si il a cédé à la pression, du coup?
    …Il y a plusieurs avis divergents des gens d’accord avec les choix de de Gaulle; des gens en colère contre lui; et des gens qui fussent d’abord en colère, mais qui ont fini par estimer que son choix étaient le bon…
    (J’aimerais bien assister à un débat, pour juger un peu mieux de ce qu’il en est…)

  7. Et moi, Argo, je préfère aller me recueillir sur la tombe de Jean Bastien-Thiry, au cimetière de Bourg la Reine… Pour information, de Gaulle n’a jamais été général de l’armée Française…. Il est donc un simple colonel !

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