Le destin des 3 fils de l’Empereur : 1) Napoléon II, dit l’Aiglon, roi de Rome

Contrairement à Macron, nous n’oublions pas, à Résistance républicaine, que 2021 est le bi-centenaire de la mort de L’EMPEREUR, de notre Empereur, de celui qui fut notre sauveur. Alors oui il faut évoquer son souvenir de temps en temps… Rappeler comment il a pu reconstituer une nation, un pays fier de lui-même, avec des valeurs, des institutions… Un pays capable de défier toute l’Europe avec à sa tête un homme de génie adorant son pays. 

C’est pourquoi je me suis permis d’ajouter à l’article d’Argo quelques passages de wikipedia fort intéressants sur l’Aiglon et le fameux poème de Victore Hugo consacré à Napoléon II. 

Christine Tasin

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LE DESTIN DES FILS DE L’EMPEREUR, TROIS VIES, TROIS TRAJECTOIRES

Napoléon Ier eut trois fils, dont un légitime et deux nés hors mariage. Ils connurent des fortunes diverses. Le destin le plus tragique fut celui du fils légitime surnommé à titre posthume l’Aiglon, surnom popularisé par Edmond Rostand.
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 Napoléon François Joseph Charles Bonaparte naquit le 20 mars 1811. Fils de l’Empereur et de Marie-Louise sa deuxième épouse. Il n’avait que trois  ans lorsque son père dut abdiquer et fut exilé sur l’île d’Elbe. À cette occasion, Napoléon Ier confia son fils au patriotisme de la garde impériale. Sa mère le ramena en Autriche en avril 1814. Après son retour  de l’île d’Elbe, à l’issue de la période dite des Cent- Jours et du désastre de Waterloo,  l’Empereur abdiqua en faveur de son fils le 22 juin 1815, abdication faite au palais de l’Élysée. Ce dernier reçut le nom de Napoléon II. Cette abdication fut infirmée le 7 juillet 1815. En tout et pour tout l’Aiglon ne régna que deux semaines.
À la cour d’Autriche, à Vienne, auprès de son grand-père maternel  François Ier d’Autriche, Napoléon François mena une existence monotone. On surveillait ses correspondances et ses rencontres. On tenta de lui cacher les faits d’armes de son illustre père, de peur qu’il ne veuille reprendre le flambeau. Son grand-père le fit duc de Reichstadt, colonel et gouverneur de Graz. C’est par Marmont, maréchal et duc de Raguse, exilé et de passage à Vienne, devenu son tuteur, qu’il prit connaissance du destin glorieux de son père .
 Il aurait envisagé un temps de rallier autour de lui les nostalgiques de l’Empire. Il rêvait d’une carrière militaire, mais sa santé fragile lui interdisait tout effort physique. Il est décédé le 22 juillet 1832 à Vienne,  en Autriche.  Probablement de consomption, ou tuberculose. Des rumeurs ont fait état d’un empoisonnement par un dentiste du nom de Carabelli, stipendié par Metternich, qui aurait administré à Napoléon François des piqûres de substances toxiques  au cours de soins dentaires. Ce Carabelli avait épousé une femme de chambre, qui,  à l’article de la mort, aurait  confessé le crime de son mari   à Stéfanie de Bade, cousine de l’Empereur. Mais rien de solide ne permet d’étayer  cette thèse.
Il est vrai que sur  ordres de Metternich, l’Aiglon reçut des soins inappropriés, traité pour des problèmes de foie, et qu’il lui fut interdit de rejoindre sa mère à Parme dont le climat eût été plus favorable à son état de santé.
Inhumé tout d’abord en Autriche, sa dépouille fut réclamée par Napoléon III aux Autrichiens, sans succès. Ce fut Adolf Hitler qui ordonna le transfert des cendres de l’Aiglon en 1940. Il fut d’abord déposé dans la chapelle Saint-Jérôme où repose son oncle du même nom. Il y demeura jusqu’au 15 janvier 1970. Ses restes furent transférés ensuite aux Invalides. Père et fils étaient enfin réunis pour l’éternité.
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En espérant ne pas vous avoir ennuyés ni choqués, et si cela s’avère possible, je poursuivrai la semaine prochaine la saga des enfants Bonaparte par le récit de la vie du comte Walewski, qui connut un sort plus heureux et qui fut un grand personnage de l’État sous le règne de son parent, Napoléon III,  et je terminerai par le premier fils de l’Empereur, le comte Léon.
Je me suis efforcé de me montrer succinct, bien que parfois j’aie éprouvé la tentation d’aller au -delà de ce court récit.
Compléments
Le Roi de Rome 

Le jeune prince reçoit, dès sa naissance, le titre de roi de Rome, en vertu de l’article 7 du sénatus-consulte du , dont le titre premier était intitulé « de la réunion des États de Rome à l’Empire ». Ce titre rappelait le titre de l’héritier du défunt Saint-Empire romain germanique mais aussi au pape Pie VII que Rome n’était plus que le chef-lieu de l’un des 130 départements français. L’article 10 du sénatus-consulte prévoyait que les empereurs des Français, après avoir été couronnés à Notre-Dame de Paris, le seraient également dans Saint-Pierre de Rome, « avant la dixième année de leur règne ». Ce qui peut laisser entendre que l’Empereur prévoyait peut-être pour lui-même une telle cérémonie par analogie avec le couronnement de Charlemagne en 800, cérémonie à laquelle il aurait pu associer son fils6. L’Empereur avait envisagé de faire couronner son fils roi de Rome par le pape, mais la dégradation de ses relations avec ce dernier et la chute de l’Empire français empêchèrent la réalisation de ce projet.Napoléon Ier décida de donner la plus grande solennité au baptême de son fils, dont le cérémonial fut repris de celui ayant servi pour le baptême de Louis Joseph, premier dauphin de France de Louis XVI. Le baptême a lieu le à la cathédrale Notre-Dame de Paris7[source insuffisante]. Il n’est pas étonnant qu’ait pu paraître en 1811 un ouvrage intitulé : Recherches sur le couronnement des fils aînés des rois, héritiers du trône français et la prestation de fidélité du vivant de leur père8.

Le titre de roi de Rome impliquait en outre que l’on s’adressât à l’enfant en l’appelant Sire ou Votre Majesté.

En outre, Napoléon captait ainsi l’héritage du Saint-Empire romain germanique : en effet, les électeurs avaient la possibilité de désigner un successeur du vivant de l’empereur, et cet héritier recevait le titre de roi des Romains.

Napoléon a décidé de donner à Rome le statut officiel de seconde ville de l’Empire français, et elle apparaît comme telle sur la médaille des bonnes villes de l’Empire9.

Le titre de roi de Rome permit aux artistes d’associer dans leurs œuvres le fils de Napoléon Ier à la Ville éternelle et à tout ce que le nom de cette dernière avait comme charge symbolique, historique et poétique.

Source wikipedia

 

Education 

Soucieuse de former dès son plus jeune âge le roi de Rome à la lecture,Mmede Montesquiou, surnommée « maman Quiou » par l’enfant, souhaita débuter au plus tôt l’apprentissage de la lecture ; elle fit appel à la méthode mise au point parMme de Genlispour l’éducation des enfants du duc de Chartres. Proche de la méthode syllabique, elle la complétait en associant une image à un son15.Par ailleurs, on chercha à développer chez le jeune prince le goût de la lecture et on lui constitua donc une bibliothèque. Quelques mois après sa naissance, le roi de Rome était abonné à plusieurs journaux comme Le Moniteur, Le Journal de l’Empire, La Gazette de France. De nombreux ouvrages sont commandés pour lui donner une solide éducation religieuse, morale, historique et militaire. On peut citer notamment les Anecdotes chrétiennes, les Anecdotes militaires, les Figures de la Bible, les Fastes de la Nation française et des puissances alliées, les vues des Ports de mer de France, le Dictionnaire historique des Grands Hommes.

Du fait de l’importance de l’armée sous le Premier Empire et afin de faire naître chez le roi de Rome le goût des choses militaires, Mme de Montesquiou lui offrit pour son premier anniversaire « un cavalier lancier polonais roulant et mouvant » et on le forma à l’uniformologie très jeune16.

Mme de Montesquiou tenait néanmoins à diversifier l’éducation de l’héritier de l’Empire français : elle lui fit donc livrer, dès , « un piano à trois octaves, boîte en acajou et touches en ivoire ».

Ci-dessus, l’aiglon représenté en petit jardinier. Huile sur toile de Carl von Sales exposée dans le salon Napoléon au château de Schönbrunn..

Source wikipedia

 

Retour des cendres de Napoléon II à Paris

Soucieux d’améliorer son image aux yeux des Français, Hitler décida en 1940 sur le conseil d’Otto Abetz du rapatriement des « cendres »31 de l’Aiglon en France. Une cérémonie funèbre et nocturne eut lieu aux Invalides, dans la nuit du 14 au , devant une assistance triée sur le volet.

Cette cérémonie franco-allemande, conçue pour coïncider avec le 100e anniversaire du retour des cendres de l’Empereur en France, eut lieu dans une atmosphère glaciale, dans tous les sens du terme, en raison de la crise qui avait éclaté entre le Reich et Vichy, après le renvoi de Pierre Laval. La cérémonie manqua toutefois son effet de promotion de la collaboration, puisque la manœuvre d’Hitler consistant à attirer Pétain à Paris pour installer un nouveau gouvernement collaborationniste à Versailles échoua. Goguenards, les Parisiens murmuraient : «Ils nous prennent le charbon et ils nous rendent les cendres ! »32.

La tombe de Napoléon II aux Invalides est située près de celle de son père, et porte l’inscription « Napoléon II – Roi de Rome »33.

Le , le sarcophage34 est déplacé dans la crypte, sous une dalle de marbre. Le tombeau est dominé par une statue de Pierre Charles Simart représentant Napoléon Ier en Imperator romain35.

 

 

 

 

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Napoléon II

I

Mil huit cent onze ! – Ô temps où des peuples sans nombre
Attendaient prosternés sous un nuage sombre
Que le ciel eût dit oui !
Sentaient trembler sous eux les états centenaires,
Et regardaient le Louvre entouré de tonnerres,
Comme un mont Sinaï !

Courbés comme un cheval qui sent venir son maître,
Ils se disaient entre eux : – Quelqu’un de grand va naître !
L’immense empire attend un héritier demain.
Qu’est-ce que le Seigneur va donner à cet homme
Qui, plus grand que César, plus grand même que Rome,
Absorbe dans son sort le sort du genre humain ?

Comme ils parlaient, la nue éclatante et profonde
S’entr’ouvrit, et l’on vit se dresser sur le monde
L’homme prédestiné,
Et les peuples béants ne purent que se taire,
Car ses deux bras levés présentaient à la terre
Un enfant nouveau-né.

Au souffle de l’enfant, dôme des Invalides,
Les drapeaux prisonniers sous tes voûtes splendides
Frémirent, comme au vent frémissent les épis ;
Et son cri, ce doux cri qu’une nourrice apaise,
Fit, nous l’avons tous vu, bondir et hurler d’aise
Les canons monstrueux à ta porte accroupis !

Et lui ! l’orgueil gonflait sa puissante narine ;
Ses deux bras, jusqu’alors croisés sur sa poitrine,
S’étaient enfin ouverts !
Et l’enfant, soutenu dans sa main paternelle,
Inondé des éclairs de sa fauve prunelle,
Rayonnait au travers !

Quand il eut bien fait voir l’héritier de ses trônes
Aux vieilles nations comme aux vieilles couronnes,
Eperdu, l’œil fixé sur quiconque était roi,
Comme un aigle arrivé sur une haute cime,
Il cria tout joyeux avec un air sublime :
– L’avenir ! l’avenir ! l’avenir est à moi !

II

Non, l’avenir n’est à personne !
Sire, l’avenir est à Dieu !
À chaque fois que l’heure sonne,
Tout ici-bas nous dit adieu.
L’avenir ! l’avenir ! mystère !
Toutes les choses de la terre,
Gloire, fortune militaire,
Couronne éclatante des rois,
Victoire aux ailes embrasées,
Ambitions réalisées,
Ne sont jamais sur nous posées
Que comme l’oiseau sur nos toits !

Non, si puissant qu’on soit, non, qu’on rie ou qu’on pleure,
Nul ne te fait parler, nul ne peut avant l’heure
Ouvrir ta froide main,
Ô fantôme muet, ô notre ombre, ô notre hôte,
Spectre toujours masqué qui nous suis côte à côte,
Et qu’on nomme demain !

Oh ! demain, c’est la grande chose !
De quoi demain sera-t-il fait ?
L’homme aujourd’hui sème la cause,
Demain Dieu fait mûrir l’effet.
Demain, c’est l’éclair dans la voile,
C’est le nuage sur l’étoile,
C’est un traître qui se dévoile,
C’est le bélier qui bat les tours,
C’est l’astre qui change de zone,
C’est Paris qui suit Babylone ;
Demain, c’est le sapin du trône
Aujourd’hui, c’en est le velours !

Demain, c’est le cheval qui s’abat blanc d’écume.
Demain, ô conquérant, c’est Moscou qui s’allume,
La nuit, comme un flambeau.
C’est votre vieille garde au loin jonchant la plaine.
Demain, c’est Waterloo ! demain, c’est Sainte-Hélène !
Demain, c’est le tombeau !

Vous pouvez entrer dans les villes
Au galop de votre coursier,
Dénouer les guerres civiles
Avec le tranchant de l’acier ;
Vous pouvez, ô mon capitaine,
Barrer la Tamise hautaine,
Rendre la victoire incertaine
Amoureuse de vos clairons,
Briser toutes portes fermées,
Dépasser toutes renommées,
Donner pour astre à des armées
L’étoile de vos éperons !

Dieux garde la durée et vous laisse l’espace ;
Vous pouvez sur la terre avoir toute la place,
Etre aussi grand qu’un front peut l’être sous le ciel ;
Sire, vous pouvez prendre, à votre fantaisie,
L’Europe à Charlemagne, à Mahomet l’Asie ;
Mais tu ne prendras pas demain à l’Eternel !

III

Ô revers ! ô leçon ! – Quand l’enfant de cet homme
Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ;
Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ;
Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble
Au peuple émerveillé qu’on puisse tout ensemble
Etre si grand et si petit ;

Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles ;
Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles
Autour du nouveau-né riant sur son chevet ;
Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde,
Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde
Selon le songe qu’il rêvait ;

Quant tout fut préparé par les mains paternelles
Pour doter l’humble enfant de splendeurs éternelles ;
Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ;
Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire,
On eut enraciné bien avant dans la terre
Les pieds de marbre des palais ;

Lorsqu’on eut pour sa soif posé devant la France
Un vase tout rempli du vin de l’espérance,
Avant qu’i eût goûté de ce poison doré,
Avant que de sa lèvre il eût touché la coupe,
Un cosaque survint qui prit l’enfant en croupe
Et l’emporta tout effaré !

IV

Oui, l’aigle, un soir, planait aux voûtes éternelles,
Lorsqu’un grand coup de vent lui cassa les deux ailes ;
Sa chute fit dans l’air un foudroyant sillon ;
Tous alors sur son nid fondirent pleins de joie ;
Chacun selon ses dents se partagea la proie ;
L’Angleterre prit l’aigle, et l’Autriche l’aiglon.

Vous savez ce qu’on fit du géant historique.
Pendant sic ans on vit, loin derrière l’Afrique,
Sous le verrou des rois prudents,
– Oh ! n’exilons personne ! oh ! l’exil est impie !
Cette grande figure en sa cage accroupie,
Ployée, et les genoux aux dents.

Encor si ce banni n’eût rien aimé sur terre !
Mais les cœurs de lion sont les vrais cœurs de père.
Il aimait son fils, ce vainqueur !
Deux choses lui restaient dans sa cage inféconde,
Le portrait d’un enfant et la carte du monde,
Tout son génie et tout son cœur !

Le soir, quand son regard se perdait dans l’alcôve,
Ce qui se remuait dans cette tête chauve,
Ce que son œil cherchait dans le passé profond,
– Tandis que ses geôliers, sentinelles placées
Pour guetter nuit et jour le vol de ses pensées,
En regardaient passer les ombres sur son front ;

Ce n’était pas toujours, sire, cette épopée
Que vous aviez naguère écrite avec l’épée ;
Arcole, Austerlitz, Montmirail ;
Ni l’apparition des vieilles pyramides ;
Ni le pacha du Caire et ses chevaux numides
Qui mordaient le vôtre au poitrail ;

Ce n’était pas le bruit de bombe et de mitraille
Que vingt ans, sous ses pieds, avait fait la bataille
Déchaînée en noirs tourbillons,
Quand son souffle poussait sur cette mer troublée
Les drapeaux frisonnants, penchés dans la mêlée
Comme les mâts des bataillons ;

Ce n’était pas Madrid, le Kremlin et la Phare,
La diane au matin fredonnant sa fanfare,
Le bivouac sommeillant dans les feux étoilés,
Les dragons chevelus, les grenadiers épiques,
Et les rouges lanciers fourmillant dans les piques,
Comme des fleurs de pourpre en l’épaisseur des blés ;

Non, ce qui l’occupait, c’est l’ombre blonde et rose
D’un bel enfant qui dort la bouche demi-close,
Gracieux comme l’orient,
Tandis qu’avec amour sa nourrice enchantée
D’une goutte de lait au bout du sein restée
Agace sa lèvre en riant.

Le père alors posait ses coudes sur sa chaise,
Son cœur plein de sanglots se dégonflait à l’aise,
Il pleurait, d’amour éperdu …
Sois béni, pauvre enfant, tête aujourd’hui glacée,
Seul être qui pouvais distraire sa pensée
Du trône du monde perdu !

V

Tous deux sont morts. – Seigneur, votre droite est terrible !
Vous avez commencé par le maître invincible,
Par l’homme triomphant ;
Puis vous avez enfin complété l’ossuaire ;
Dix ans vous ont suffi pour filer le suaire
Du père et de l’enfant !

Gloire, jeunesse, orgueil, biens que la tombe emporte !
L’homme voudrait laisser quelque chose à la porte,
Mais la mort lui dit non !
Chaque élément retourne où tout doit redescendre.
L’air reprend la fumée, et la terre la cendre.
L’oubli reprend le nom.

VI

Ô révolutions ! j’ignore,
Moi, le moindre des matelots,
Ce que Dieu dans l’ombre élabore
Sous le tumulte de vos flots.
La foule vous hait et vous raille.
Mais qui sait comment Dieu travaille ?
Qui sait si l’onde qui tressaille,
Si le cri des gouffres amers,
Si la trombe aux ardentes serres,
Si les éclairs et les tonnerres,
Seigneur, ne sont pas nécessaires
À la perle que font les mers !

Pourtant cette tempête est lourde
Aux princes comme aux nations ;
Oh ! quelle mer aveugle et sourde
Qu’un peuple en révolutions !
Que sert ta chanson, ô poëte ?
Ces chants que ton génie émiette
Tombent à la vague inquiète
Qui n’a jamais rien entendu !
Ta voix s’enroue en cette brume,
Le vent disperse au loin ta plume,
Pauvre oiseau chantant dans l’écume
Sur le mât d’un vaisseau perdu !

Longue nuit ! tourmente éternelle !
Le ciel n’a pas un coin d’azur.
Hommes et choses, pêle-mêle,
Vont roulant dans l’abîme obscur.
Tout dérive et s’en va sous l’onde,
Rois au berceau, maîtres du monde,
Le front chauve et la tête blonde,
Grand et petit Napoléon !
Tout s’efface, tout se délie,
Le flot sur le flot se replie,
Et la vague qui passe oublie
Léviathan comme Alcyon !

Victor Hugo
Les chants du crépuscule

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5 Commentaires

  1. Oh, là là !!!
    Quel article ! Quel article historique dans les deux sens !
    Mon ami Argo, homme d’une modestie exemplaire comme tout le monde le sait, ne cesse de féliciter avec son immense gentillesse ceux qu’il connaît comme étant des gens érudits.
    Mais il vient de signer par cet article, comme d’ailleurs tous les précédents, et comme je le sais depuis longtemps, son immense culture qu’il essaie de cacher dans sa modestie exemplaire. Cette culture qu’il possède est doublée d’un sens artistique peu fréquent dans ses nombreux poèmes à thèmes qu’il nous transmet régulièrement.
    Et, évidemment, dès que l’on parle art et histoire, notre Christine hautement diplômée en Lettres sort ses passions (elle sort souvent de ses gonds, tout comme les patriotes réfractaires que nous sommes dès que l’on parle de cette ordure de dictateur, mais ce n’est pas la même chose 😊).
    Bon, c’est un article extrêmement bien rédigé, mêlant l’histoire à la poésie, je l’avoue, qui me plaît énormément.
    Et je ne me coucherai pas ce soir moins bête comme l’on dit habituellement, mais je me coucherai ce soir moins ignare qu’hier soir.
    Merci à mon ami Argo et à Christine pour ces compléments, le tout étant extrêmement passionnant.
    Demain, je prends le temps quand même, comme tous les samedis après-midi, d’aller défiler à Toulon contre la dictature et le pass de la honte. Chaque semaine on me demande si je peux emmener une personne supplémentaire (car aller-retour = 40 km). J’accepte bien évidemment mais je vais devoir bientôt loin bus !!!!

  2. Très intéressant .
    J’ai commencé( je l’avoue) par lire le poème en diagonale car assez long…. ET PUIS j’ai lu des vers si beaux que j’ai tout lu et suis toute émue par la puissance du contenu de ces vers .
    Merci Argo pour l’article et Christine pour le complément et surtout ce poème de Victor Hugo, que je redécouvre des décennies plus tard .

  3. “Napoléon Ier confia son fils au patriotisme de la garde impériale.” Pas exactement Christine ; c’était à la garde nationale de Paris.

    Pour Napoléon II, beaucoup espérèrent le voir revenir en 1830. Mais Lafayette préférait le duc d’Orléans…

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