DÉDIÉ À RÉSISTANCE RÉPUBLICAINE, À SES ADMINISTRATEURS, POUR LEUR COMBAT, LEUR COURAGE, LEUR RÉSILIENCE, ET À TOUS, AFIN QUE JE N’ OUBLIE PERSONNE!
Mon père, militaire de carrière, avait été appelé en Algérie en janvier 1961. Nous habitions alors une ville de la banlieue parisienne. Vu les évènements qui s’y déroulaient, il avait jugé bon de nous mettre à l’abri à Tulle, préfecture de la Corrèze. Ma mère étant corrézienne, cela nous avait rapproché de la famille. Nous n’étions pas en terre étrangère. Hormis le soucis que nous nous faisions pour l’absent, avec toujours présente la crainte de recevoir une mauvaise nouvelle, (un de mes cousins fut tué là-bas, dans de tristes circonstances), nous commencions un peu à nous défaire de ce carcan d’angoisse qui nous étreignait dans notre ancienne résidence.
Ce conflit nous rattrapa d’une manière inattendue. Les généraux putschistes d’Alger furent détenus à la prison de Tulle, ainsi que de nombreux officiers. Et ce à partir d’août 1961. Salan, Challes, Jouhaud, Zeller pour les plus connus. Mais il y avait aussi les généraux Petit, Gouraud, Bigot, Faure, Nicot. Des colonels, des commandants, et même un lieutenant.
Pour les Tullistes, au début, on ne constata pas de grands changements. Sauf l’installation de deux escadrons de gendarmerie qui furent logés dans l’ancienne prison, non loin de l’école de la Bride, que je fréquentais. Les parents s’étaient émus de cet état de fait, craignant que des forces factieuses attaquent les gendarmes, mettant ainsi en péril la vie des enfants et aussi celle des habitants du quartier. Ils furent transférés dans des baraquements au dessus de la prison.
Il y eut aussi des problèmes avec les batteries de DCA installées au dessus de notre cité. Il avait été décrété l’interdiction pour les aéronefs de la survoler à moins de 3000 mètres d’altitude. Les contrevenants avaient droit à des coups de semonce à balles réelles. On craignait probablement une intervention aérienne? Bombarder les murs de la prison pour favoriser une évasion? Je ne l’ai jamais su. C’est ainsi que le 30 avril 1962 un avion se fait mitrailler sans être touché. Le 25 octobre de la même année, une personne, en pleine épreuve du brevet de pilote, est prise pour cible. Les Tulliste s’émurent de cet état de fait, craignant que les projectiles ne retombent sur l’agglomération. Les batteries furent retirées. Pour avoir assisté à ces deux évènements, je peux vous dire que c’est impressionnant.
Il y eut quelques tentatives d’évasion, mais qui n’aboutirent pas. Un colonel fut transféré aux Baumettes par hélico à la suite de ces tentatives. Par contre, la sécurité fut renforcée. Je peux en témoigner. Un jour où nous nous promenions en empruntant la route qui surplombait la maison d’arrêt, mon jeune frère jeta un pétard, qui explosa au pied de la prison. Il le fit à notre insu. Il faut dire que c’était un sacré garnement ; sa distraction favorite était de jeter un de ces dits pétards dans les roues des bicyclettes des agents de police. Il faisait le désespoir de ma mère. Juste après l’explosion, une cohorte de militaires avait surgi, mitraillettes au poing, avec des chiens. D’autres avaient des détecteurs de métaux, dits poêles à frire, et prospectaient les environs de l’établissement pénitentiaire. Nous n’en menions pas large, sauf le garnement en question. Il faut dire qu’il avait une vision toute personnelle de l’existence. Un jour, dans notre ancienne résidence, notre école fut l’objet d’un faux attentat à la bombe. On nous évacua. Mon petit frère, lui, se réjouissait : « Tu sais, me confia -t-il, l’école va péter, et on n’y retournera plus jamais!» Je ne partageais pas son enthousiasme, car nous avions une composition de géographie, et j’avais révisé toute la veille pour décrocher une bonne note. Pour en revenir à l’incident du pétard, les militaires ce jour-là ne s’intéressèrent pas à nous. Il n’y a pas plus innocent qu’une mère de famille avec des enfants. Ils regagnèrent leurs cantonnements après avoir procédé à une patrouille approfondie. Ouf, nous l’avions échappé belle!
Voilà, j’espère ne pas vous avoir ennuyés avec ces quelques anecdotes. En vous remerciant pour votre indulgence!
571 total views, 1 views today
« …LEUR COURAGE, LEUR RÉSILIENCE… » Vous voulez sans doute parler de leur RÉSISTANCE. La RÉSILIENCE est le degré de résistance aux chocs des matériaux, c’est un terme industriel qui n’a rien à voir avec avec Jean MOULIN.
J’étais enfant de troupe à l’E.M.P.T. de Tulle, pendant cette période précise. Nous ne parlions pas trop de tout ça entre nous, jeunes ados, mais je me souviens bien de l’ambiance qui régnait à l’époque dans la ville de Tulle.
Je croisais les enfants de troupe en ville. J’étais même copain avec l’un d’eux. Le fils d’un gendarme. Ils étaient sympas. Il y avait Lovy, Marbot, si je me souviens bien, plus les Récollets à une certaine époque. Mon père s’occupait du CDA (en fait le service de recrutement de l’Armée) place du Champs de Mars, jusqu’à sa retraite. Depuis le Champs de Mars a été démoli et une tour a été construite, tour qui abrite la cité administrative. Tulle a bien changé, les principales usines ont fermé, ainsi que la Manufacture d’armes. C’est un peu une ville morte.
Bonjour,
Comme vous le savez, Argo, mes deux grands-mères étaient corréziennes.
Et nous allions de temps en temps à Tulle, pendant les grandes vacances, depuis la petite ville de mes grands-parents.
Je me souviendrai toujours de ma mère, j’avais 5-6 ans, me désignant la prison en nous demandant d’avoir une pensée pour les militaires qui y étaient détenus.
Je dois dire qu’aller à Tulle était très pénible à ma mère.
A cause de la prison et du souvenir du massacre de juin 44 …
Ah le bon temps de l’enfance innocente !
J’ai moi-même une petite anecdote sur la même période et également relative à la guerre d’Algérie.
Un jour, dans la micheline, je ne me souviens pas de mon âge précis, mais moins de 10 ans sans doute, je vis un groupe d’hommes à l’allure infiniment misérable, l’expression abattue et exsudant la honte par toute leur attitude. Je n’en parlais à personne, mais cette rencontre me donna la première représentation de ce que tout un chacun redoute : l’infamie publique.
Plus tard dans ma vie, je compris : c’était des harkis qui allaient au camp qui leur était réservé dans le département (Lot-et-Garonne).
Je ne dis pas que j’éprouvais de la compassion pour eux à ce moment-là, n’ayant pas alors assez de vécu sans doute pour cela.
Mais c’est un des événements marquants de mon enfance, comme plus tard la rencontre de prisonniers enchaînés, dans les rues de Cahors. Mais c’est une autre histoire !
Bientôt, ce sont tous les patriotes qui seront en prison, surtout s’ils refusent de se faire piquer !!!
Je ne vais pas commenter votre article. Je vais tout simplement vous remercier, vous féliciter d’entretenir une Mémoire occultée au mieux déformée.
Lors d’une cérémonie en hommage aux disparus d’Oran j’avais mis en fond cette chanson de Léo Ferré (qui n’était pas ma tasse de thé); mais le ton et les paroles s’en accordaient. Et comme vous m’en donnez l’occasion je rappelle ce 5 Juillet 1962 où des centaines de Français furent massacrés en présence de 18.000 (dix huit mille) soldats Français.
Merci donc cher ami de rappeler qu’à une certaine époque les plus grands officiers de l’Armée Française choisirent l’Honneur.
https://youtu.be/vIVafGRu6K4
Sublime chanson de Léo Ferré, impossible de l’écouter sans avoir la gorge qui se noue, oui, avec le temps, (hélas), tout s’en va et c’est en effet déchirant, comme ses paroles et sa voix qui prononce chaque mot avec l’émotion la plus vraie.
Je me permet de vous faire parvenir la photo d’une plaque qui se trouve sur le Monument aux Morts de Noirmoutier-en l’Ile (85 Vendée) et ce qui me mets en colère c’est qu’il est indiqué mort pendant la guerre d’algérie (jusqu’à preuve du contraire, le 5 juillet la guerre était fini).
Il ne faut pas confondre théorie et pratique !! Le dogmatisme veut que l’on respecte la lettre; le réalisme constate que la guerre a continué après les accords d’Evian. Ce jeune militaire mort à 41 ans mérite une reconnaissance.
Tout à fait d’accord avec vous puisque les algériens n’ont jamais respectés le cessez le feu du 19 mars 1962 (ils sont toujours en guerre contre nous 60 ans après)
4000 militaires FRANCAIS appelés: officiers S/offs et hommes de troupe ont été placés de force suite aux accords d’EVIAN entre les mains du gouvernement provisoire Algérien en réalité entre les mains du FLN entre Avril et Juillet 1962 pour le maintien de l’ordre . Nous avons donc été pris entre les volontés du FLN et l’auto défense de l’OAS . Plusieurs sont morts ou ont été enlevés par le FLN . Le cessez le feu vous dites !! Mon cul ..
Ces morts ,ces disparus sont passés en pertes et profits .
Je peux raconter j’y étais!!!
@Gaulois en colère (à juste titre) et Florius.
La date retenue pour l’indépendance de l’Algérie est bien le 5 Juillet 1962…pour faire écho du reste à la date de la conquête du pays (qui n’avait pas de nom) qui fut le 5 Juillet 1830.
Cela étant çà n’enlève rien au massacre du 5 Juillet (un oncle a été enlevé ce jour là) et au non respect des accords déviants.
Pour cette date du 5 juillet qui fut l’horreur, il est bon de retenir que 18000 (dix huit mille) soldats Français sont restés l’arme au pied « contemplant » les enlèvements et massacres.
Mais je rends gloire et hommage au tout premier officier, lieutenant Rabah Kélif (musulman) qui a enfreint les ordres en sauvant plusieurs dizaines d’hommes, femmes, enfants.
Je n’oublie pas l’amiral Barthélémy qui lui également a enfreint les ordres de De gaulle (car c’est lui et lui seul qui a interdit l’intervention) en envoyant les fusilliers marins sur Oran.
Un livre ne suffirait pas pour narrer cette journée.
Les soldats que vous évoquez avaient été enrôlés dans la « Force Locale » à triste réputation (j’en sais quelque chose).
Pour conclure cher compatriote Florius je suis preneur de témoignages.
Enfin parmi toutes ces mauvaises nouvelles; une Bonne devrais-je dire excellente: les fouteux milliardaires se sont inclinés devant les « petits suisses ». L’addition est sâlée et non sucrée.
Merci pour ce témoignage. Je suis un peu curieux : Qu’est devenu votre petit frère ?
Il a finalement bien tourné, après nous avoir fait tourner en bourrique bien des fois. C’était un hyper actif, toujours à l’affût d’une bêtise! Il est retraité après une carrière dans le commercial!
Juste une remarque…. Je réfute le terme de putschistes, en préférant celui de Patriotes Libérateurs. Bonne journée.
J’ai employé les termes de l’époque, mais je suis de votre avis. Mon père, militaire, adulait ces généraux.
Je suis d’accord avec vous. Les Généraux n’avaient nullement l’intention de renverser 2gole mais ils demandaient simplement « A quoi cela sert de faire tuer nos Soldats, alors que l’Algérie aura son indépendance ? »… ils ont fait ce que le capitaine Jean-Pierre FABRE-BERNADAC a fait avec sa lettre signée par plusieurs généraux.