Dimanche cinéma : revoyez “Z”, de Costa-Gavras, pour mieux comprendre la dictature que nous subissons

Oui, nous sommes dans une dictature qui ne dit pas encore son nom, mais elle est terrible, et elle vise à asservir, humilier et faire taire le patriote. Qu’il soit américain ou français. Un modèle, la Chine, actuelle ou celle de Mao, il y a peu de différences.

Costa-Gavras a connu un autre modèle, la Grèce des colonels (de 1967 à 1974) et que ces colonels, historiquement, soient de l’extrême-droite de l’époque ne change rien à l’affaire. C’est la même horreur qui s’abat sur nous. Celle du totalitarisme, celle du communisme, celle de Pol Pot, celle de Pinochet… Qu’ils soient de droite ou de gauche, tous les totalitarismes se ressemblent, et Costa-Gavras, avec Z comme avec l‘Aveu, savait de quoi il parlait.

Hanté par le totalitarisme, par le déni de liberté, il a fui son pays natal, la Grèce à cause des positions anti-royalistes de son père. Ensuite il a vu et vécu la guerre froide, a côtoyé des exilés, lu et vu des récits des horreurs réservées  aux opposants politiques, que ce soit par les communistes ou par les colonels…

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Z s’est inspiré de la réalité historique, à savoir l’assassinat du député grec Grigoris Lambrakis en 1963, le juge d’instruction de l’affaire fut Kristos Sarzekakis, qui deviendra en 1985 président de la république grec. Costa-Gavras a adapté le roman de Vassilis Vassilokos. Pour les différences entre le film et la réalité voir le lien sur Lambrakis

Dans les années 1960, dans un pays méditerranéen (il est suggéré de manière allusive qu’il s’agit de la Grèce), dans le contexte de la Guerre froide, les corps de la gendarmerie et de la police estiment qu’il est de leur devoir de s’opposer, par tous les moyens, aux mouvements considérés comme subversifs, qu’il s’agisse du communisme, de l’anarchisme ou du pacifisme.

Le nouveau et charismatique chef de l’opposition parlementaire, surnommé le Docteur, quitte la capitale et arrive dans la grande ville du nord du pays pour tenir une conférence en faveur du désarmement. Avant même le début de la conférence, une contre-manifestation commence. Des heurts ont lieu entre les partisans du Docteur et les contre-manifestants, tandis que les forces de l’ordre font preuve d’une passivité évidente. Un député, membre du même parti que le Docteur, est tabassé. Lorsque le Docteur, après son allocution, traverse la place au milieu de la confusion, un triporteur surgit. Au moment du choc, le Docteur s’écroule. Il va décéder à l’hôpital de ses blessures. La préfecture publie immédiatement un communiqué officiel : il s’agirait d’un malheureux accident, causé par deux ivrognes.

Un jeune juge d’instruction est chargé de l’enquête. Le jeune magistrat n’éprouve aucune sympathie pour la gauche politique, ni pour le communisme, ni même pour le parti du Docteur. Mais, intègre, il tient à faire toute la lumière sur l’incident. Il découvre rapidement des indices et des contradictions qui lui font conclure qu’il s’agit en fait d’un assassinat, exécuté par des membres d’une organisation d’extrême droite, les CROC (Combattants royalistes de l’Occident chrétien). Surtout, alors que, dans son entourage, tous lui demandent de s’en tenir à la thèse de l’accident, il comprend que toute l’affaire a été préméditée, montée et planifiée par les commandants de la gendarmerie de la région

Suite sur wikipedia

L’oeuvre est magnifique, immense, et elle fait parfaitement ressentir ce qui se passe dans la tête d’un homme face au totalitarisme.

Et, cerise sur le gâteau, c’est magnifiquement joué, avec des acteurs extraordinaires, pour les plus connus, Jean-Louis Trintignant, Yves Montand, Charles Denner, Irène Papas, Bernard Fresson… On rêve de pouvoir voir à nouveau un film contemporain avec tant de vrais talents, du réalisateurs aux acteurs. 

Régalez-vous.

La bande-annonce, à elle seule, vaut tous les extraits du film. Elle dit tout, elle montre tout. Elle fait peur, car elle montre la force de nos ennemis, elle montre qu’ils sont prêts à tout, qu’ils sont capables de tout. Mais au-delà de l’aspect didactique il faut jouir du plaisir de voir du vrai cinéma, de bons acteurs, magnifiquement dirigés et filmés. Et puis, même si cela nous parle trop de notre vie, cela reste une histoire, et l’homme a besoin d’histoires de se constituer. Tout adulte est resté l’enfant quémandant son histoire avant de s’endormir. C’est sans doute pour cela que la télé est devenue si vide, si imbuvable, si dépourvue de vrais films, de vrais cinémas.

 

A ne pas manquer, cette excellente interview de Costa-Gavras expliquant que si, effectivement, on reconnaît la Grèce, chacun, en Argentine, en Inde… peut reconnaître ce qui se passe dans son pays aux mains des dictateurs. Comme nous. 

 

Complément de Jules Ferry

On peut acheter le DVD mais on le trouve aussi sur YouTube (il y a finalement pas mal de films complets et de bons documentaires d’histoire). On peut désactiver les sous-titres (en bas à droite, 2ème icône).

 

 

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9 Commentaires

  1. Mon souci avec ce film qui est un culte chez moi, est qu’il a été tourné en Algérie, à l’époque des colonels locaux mais je m’égare sans doute. Sinon, j’ai vu le film dix fois…

    • C’est comme avec les chasseurs des Inconnus : il y a les bons colonels et les mauvais colonels…

  2. Film passionnant, comme je le confiais récemment , mais qui je pense trouve un surcroit d’intérêt au bout de plusieurs visionnages, lorsque l’on découvre au delà des portraits très caricaturaux des nervis du CROC ( Bozuffi en petite frappe pédophile est assez convainquant ) le subterfuge subtil avec lequel le metteur en scène croque ( lol) les représentants des forces du bien et nous les rend “forcément ” sympathiques. Au bout d’un certain temps, on se rend compte que les héros progressistes relèvent encore plus du cliché que les fachos d’opérette du camp d’en face:Le couple Papas-Montand glamour low-cost, le petit juge Trintignant d’une intégrité pinochesque…
    Un très bon film, à comparer ensuite avec un autre chef d’oeuvre: Ghost Writer , de Polanski, où cette fois les libéraux sont démasqués à la fin du film.
    Nom de Zeus .

  3. j’aime le passage où il se demande pourquoi ces idées déclenchent tant de violence.
    La présentation donne envie de le voir, surtout avec une telle pléiade de grands acteurs français,
    merci à Jules Ferry pour le lien

  4. Quels acteurs ! Quel film ! Merci Christine !

    Jules Ferry, votre lien est parfait : la qualité de la vidéo d’origine… turque, est excellente.

    La différence avec les gauchistes, c’est que nous sommes capables d’admirer le talent de gens n’ayant pas la même idéologie. J’ai peu d’intérêt pour la personne d’Yves Montand et ses choix politiques mais je l’adore en tant qu’acteur : Le Salaire de la peur, I comme Icare, L’aveu, La Folie des Grandeurs, Police Python 357… non, franchement, il nous manque.

    Maintenant, la Grèce, en 45, dut affronter une terrible guerre civile et, pour une fois, les communistes perdirent. Il n’empêche que ce petit pays devait encore faire face, dans les années 60, aux mouvements d’extrême-gauche et au danger turc.

    Je ne suis pas sûr qu’une dictature communiste comme en Albanie, en Yougoslavie ou en Bulgarie (en gros 1945-1989) aurait fait mieux que celle des “Colonels” qui n’a duré, finalement que… 7 ans.

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