Dans les âges sombres que nous vivons, écoutez Barbara pour vous donner le courage de résister

La belle, la sauvage, l’étrange, la passionnée… Barbara la femme libre.  Auteur, poète, musicien, compositeur, chanteuse… Elle avait tous les talents. Et toutes les forces. Et toutes les envies de vivre, malgré tout.

Quelle voix, quelles passions, quelle force…

J’ai eu la chance d’entendre Barbara en concert, c’était il y a plus de 30 ans. Cela m’a marquée à vie. Un moment hors du temps, un moment de beauté, d’enchantement où j’ai eu le sentiment d’avoir rencontré le surhumain. Le critique Garcin disait que les concerts de Barbara étaient des messes. C’était exactement cela, on touchait au sacré.

Nous étions dans une petite salle de province, un gigantesque hangar destiné aux brocantes… qui n’était en rien équipé pour la musique, pour le son… Ce fut magique. Quand je pense au fric dépensé par des municipalités avides de paraître dans des Zéniths, des auditoriums… et que je me souviens de ce qu’une Barbara était capable de faire avec rien, je ricane. Ou je pleure. Comme je pleure sur Molière qui pendant des années a fait rire la France entière en jouant dans les granges, sur les places publiques… Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, disait Alfred de Musset !

Bref, le fameux concert de Barbara se termina par un moment inoubliable, j’en ai encore des frissons en y pensant. Après la dernière chanson, bien sûr, tout le monde debout à crier « une autre »… et voilà la grande dame qui repart avec Nantes et chacun de retenir son souffle, d’allumer un briquet. L’étoile a chanté dans une salle noire, proche du sacré, avec des centaines de petites lumières tremblotantes disant leur amour, leur admiration, criant « merci ! ».

Nantes, magnifique cri d’amour au père mort, malgré les souffrances, les blessures, la rancune,  la haine… pour l’inceste subi de 10 à 18 ans (1).


.
On l’aimait Barbara mais elle nous aimait aussi et le disant en chanson, magnifiquement 

.

Mon préféré, l’Aigle noir. C’est avec ce titre que j’ai connu Barbara, alors que j’étais enfant. Je l’ai entendu un jour, je ne sais ni où ni quand, mais je sais que ce fut un choc absolu. Et longtemps, dans les moments difficiles de ma vie, je suis allée me réconforter à cette voix, cette chanson qui me disaient que même quand on a vécu des moments difficiles l’espoir existe, qu’on peut transformer les blessures en création, en oeuvre d’art, en beauté. Que rien ne vaut la vie, malgré tout.

Je ne sais si l’Aigle noir évoque l’inceste ou les années d’errance pour échapper aux nazis puisque sa famille était juive. Les deux peut-être… Mais peu importe, c’est beau. Et c’est ça qui compte. Et quand les poils se lèvent sur les bras devant tant de beauté, tant d’émotion, le reste ne compte plus.


.

Autodidacte, elle avait commencé à jouer du piano d’instinct, sans avoir pris de cours ; elle chantait comme ses modèles, Edith Piaf, Juliette Gréco… Elle chante dans les cabarets, fait tous les métiers, pour pouvoir faire le seul qui compte : chanteuse, musicien… On la surnommait « la chanteuse de minuit ». Elle chantera aussi Brel, Brassens… tous les grands. Elle n’aimait pas l’école et n’y était pas allée longtemps mais elle avait le sens du beau et de l’important.

Mais c’était, surtout, une amoureuse, une vraie, qui a su transformer ses cris d’amour en chanson, permettant à chacun de s’identifier à elle. Ainsi le fameux « dis, quand reviendras-tu ?  » écrit pour l’un de ses amis. Poignant, beau à pleurer.


.

Elle a chanté avec les plus grands, Brel, Brassens, Halliday, Moustaki… Hymne à l’amour, encore et toujours. Magnifique message d’amour et de beauté que cette Dame Brune en duo.

Barbara a su transformer la boue en or… 

Ne saurons-nous pas, nous, malgré les horreurs que nous vivons, malgré nos peurs pour l’avenir des nôtres et de la France, continuer à lutter, jusqu’à la mort pour préserver les trésors de notre civilisation, trésors que Barbara incarne si bien ? 

 

NOTE (1)

« J’ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. J’ai tellement besoin de ma mère, mais comment faire pour lui parler ? Et que lui dire ? Que je trouve le comportement de mon père bizarre ? Je me tais. Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l’horreur. J’ai dix ans et demi. Les enfants se taisent parce qu’on refuse de les croire. Parce qu’on les soupçonne d’affabuler. Parce qu’ils ont honte et qu’ils se sentent coupables. Parce qu’ils ont peur. Parce qu’ils croient qu’ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret. De ces humiliations infligées à l’enfance, de ces hautes turbulences, de ces descentes au fond du fond, j’ai toujours resurgi. Sûr, il m’a fallu un sacré goût de vivre, une sacrée envie d’être heureuse, une sacrée volonté d’atteindre le plaisir dans les bras d’un homme, pour me sentir un jour purifiée de tout, longtemps après. »
Mémoires de Barbara

 
 
 

 485 total views,  1 views today

image_pdf

16 Commentaires

  1. Bonjour
    Non seulement la mélodie et l’accompagnement de L’Aigle noir sont magnifiques ,mais ils sont » »chimiquement purs » c’est a dire pour moi que l’ on peut se permettre de faire de petits arrangements sans jamais dénaturer la ligne mélodique de base C’est a cela que l’on reconnait les chefs- d’oeuvre …. Ps je suis pianiste

  2. Merci de nos faire démarrer ce dimanche par les chansons de Barbara.
    Je n’ai pas eu la chance de la voir en spectacle mais quand il m’est arrivé parfois de passer par le petit village de Précy sur Marne où Barbara a fini sa vie , je pensais à chaque fois à cette grande dame .
    De ses blessures elle en a fait des chansons qui parlent à l’âme de tout un chacun.
    J’aime beaucoup cette chanson qui a consacré le nom de grande dame brune qui allait si bien à Barbara
    Le contraste entre le chant, pour le moins sobre, de Moustaki et le phrasé de Barbara tout en nuances offre une petite pépite dans l’histoire de la chanson Française .

  3. Merci Christine de tout coeur pour Barbara. Et aussi pour votre joli texte.

    • 😉 J’ai eu beaucoup de plaisir à l’écrire, à partager mon admiration, mon émotion…

  4. Barbara, c’est le talent à l’état pur. Elle n’a pas besoin du déhanché grotesque de certaines  » stars  » actuelles. Sa voix unique , un piano ou un accordéon et le charme opère.

  5. J’ai toujours puisé ma force dans les chansons de Barbara ! Elle est irremplaçable, et nous manque terriblement.

  6. quel plaisir de réentendre cette chanteuse, et l’aigle noir que j’aimais aussi , mais « dis, quand reviendras tu » aussi et aussi Nantes ..l’aigle noir j’avais entendu que c’était son père …elle est partie tôt tout de même après une vie recluse à ses derniers moments !

Les commentaires sont fermés.