Jones, Bonham, Page et Plant : Led Zeppelin !
Led Zeppelin, le groupe que vous aimerez haïr. De leur vivant, ce fut l’adage d’une presse majoritaire. « De ces curés sans Dieu mais gorgés d’eau bénite » (François-Xavier Testu) qui dénoncèrent l’hubris des quatre Anglais. Oubliant qu’en ces temps-là, les années 70, la scène rock n’était qu’une gigantesque Babylone. Que dans cette course à l’abîme, la nef des fous dégueulait de piqués de la seringue et de Jack Daniel’s. Que si Le Zep s’y adonna, disons sans avarice…, il n’en eut pas l’apanage. À la même époque, que l’on sache, les Stones sur lesquels la presse yankee se manualisait ne tuaient pas le temps au bilboquet…
Mais laissons cela.
Qui ne dit rien de la geste zeppelinienne et de ses 9 albums dont ces fab four, les vrais, commotionnèrent le monde, du 12 août 1968 au 25 septembre 1980. 40 ans déjà que Led Zeppelin connut, ce jour-là, son dernier trou d’air avec la mort de son batteur, John Bonham. Ultime et définitive sortie de piste pour celui que ses pairs regardent aujourd’hui comme leur coryphée. De ce jour, le dirigeable resta au sol.
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Encloué mais intact. Offert à l’admiration de ses procureurs d’hier. Lesquels ont recouvré la vue : à leurs yeux, Le Zep serait désormais le champion des seventies. Selon nous, le combo du siècle. Une raison à cela : une suprême intelligence au service de 4 stradivarius connectés l’un à l’autre comme l’on ne l’avait jamais vu. Comme l’on ne le verra plus. De là, les cimes, en live surtout, qu’ils atteignirent. À une hauteur qui va plus loin que les mots. Plus loin que cet horizon réputé indépassable.
Au départ, pourtant, le pari semblait risqué : deux prodiges de studio (Jimmy Page à la six-cordes, John Paul Jones à la basse et au clavier) d’un côté, deux cambroussards, de l’autre : Robert Plant, le beau gosse à la gorge de feu, et son ami, le cogneur John Bonham. Sans oublier le cinquième Zep, qui protégera ses poulains comme une louve, le manager Peter Grant. Le genre, « Le coeur sur la main quand il faut, et la main sur la figure quand c’est nécessaire ! », selon le mot d’Henri Jeanson. Cinq hommes pour le moins dissemblables. Mais que l’amour du blues sublima. Unit même, telle une phalange.
1969 : d’emblée, le Zep frappe fort. Avec deux albums produits par le sorcier Page, metteur en scène des sons qu’il veut blues, mais pas seulement. Car entre les telluriques reprises de l’incontournable Willie Dixon (You Shook Me, I Can’t Quit You Baby), « Led Zeppelin I » enchâsse un joyau folk (White Summer), une gemme gospel (Your Time Is Gonna Come) et deux bombes incendiaires (Good Times, Bad Times et Communication Breakdown). Un premier opus qui ne serait pas le chef-d’œuvre que l’on sait, sans l’homérique Dazed And Confused, glaçante épopée d’ombres et de lumières, dont les échos psychédéliques s’échappent de l’archet diabolique qui serpente sur la guitare de Page. Un titre que le groupe, à la manière d’un orchestre symphonique, magnifiera sur scène dans des versions dantesques dépassant les quarante minutes.
Dito avec le titre phare de « Led Zeppelin II », Whole Lotta Love. Whole Lotta Love et son riff légendaire. Whole Lotta love et sa fabuleuse section expérimentale : réverb’ diaboliques du Thérémine, saturation de breaks mégatonniques, groove monstrueux d’un drumming en contrepoint des feulements de Plant, sans oublier le solo légendaire de Page, tout passe et s’y surpasse. Blues, là encore, avec The Lemon Song et sa fabuleuse partie centrale, prétexte aux joutes feutrées entre la basse funky de Jones et le swing d’une batterie buissonnière. Blues toujours avec cette variation échevelée d’un titre de Dixon, Bring It On Home. Plus loin, Heartbreaker et son mythique riff d’intro, qui ouvre la voie au hard rock. Plus loin encore, Le Zep prouve qu’il est un groupe de contrastes, aussi à l’aise dans l’onirisme (Thank You, Ramble On) que dans le moelleux, avec l’aérien What Is And What Should Never Be. Le temps d’une tournée triomphale qui les conduit, notamment, à l’Olympia le 10 octobre 1969 puis, le 9 janvier 1970, au Royal Albert Hall de Londres, Led Zeppelin, qui vient de détrôner les Beatles dans un sondage du Melody maker, décide de renverser la table.
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Direction les vastes prairies de l’insouciance avec le très acoustique « Led Zeppelin III », sorti en octobre 70. Certes, le Zep électrique bouge encore, et même furieusement. Ainsi du riff hypnotique traversé des hurlements Viking d’Immigrant Song ou du mercureux Celebration Day. La tonalité majeure de l’album n’en est pas moins chagrine. En témoignent les aquarelles acoustiques que dessinent Friends et ses bouffées orientalisantes, l’élégiaque Tangerine ou le tendre That’s The Way. Un temps, la joie revient (Bron-Y-Aur Stomp et Gallows Pole). Puis disparaît brutalement, cédant la place à cette pyramide imprenable qu’est Since I’ve Been Loving You. Blues lent, atmosphérique, d’une intensité émotionnelle exceptionnelle, une telle pièce atteste la suréminence du quartet. Quatre géants doués d’un sens de la dramaturgie musicale qu’aucun de leurs nombreux suiveurs n’égalera jamais. N’empêche : « Led Zeppelin III » déconcertera les fans, allant jusqu’à diviser la presse (minoritaire) ordinairement favorable au dirigeable. L’échec critique est aussi commercial. Qui ne place pas moins nos héros sur le toit du monde. Car les tournées demeurent triomphales, faisant de ces Quatre Cavaliers de l’Apocalypse les nouveaux (très) riches de la scène rock.
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Reste que le Zep veut aller plus loin. Prouver qu’il peut atteindre la culmination suprême. Le 19 novembre 1971, l’Olympe est en vue : « Led Zeppelin IV » est dans la cire. C’est à ce jour leur plus grand succès ; l’un des disques aussi les plus vendus de l’histoire (37 millions d’exemplaires). Prodige d’éclectisme, creuset d’influences musicales multiples, le « IV » offre la quintessence du Zep. Black Dog, sa métrique infernale et son solo diluvien versent le premier sang. Hymne à la joie en même temps qu’ode évidente à Chuck Berry, Rock And Roll suit de près. Lequel se perd dans l’éther de The Battle Of Evermore, sublime ballade dont les entrelacs acoustiques se goûtent dans une giration d’éblouissements. Qui cède la place à l’iconique Stairway To Heaven dont le souffle épique ne s’épuisera jamais. Misty Moutain Hop et son riff tournoyant réchauffent le métal que les transes orientales de Four Sticksportent à incandescence. Avant de s’effacer devant Going To California, sublime flânerie à cordes que Jones enluminede son hululante mandoline. Le dantesque When The Levee breaks de Memphis Minnie ferme la marche. Son accord en vrille et, surtout, le drumming colossal de Bonham sont légendaires. Mille rappeurs US l’ont depuis samplé sans vergogne…L’année 72 se partagera entre scène et studio. La scène, ses planches, bref, ce moment de vérité où leur don d’improvisation étincelle. Des sets de quatre heures ne sont pas rares ; Dazed And Confused et Whole Lotta Love, écrin d’un prodigieux medley où les quatre revisitent l’histoire du rock’n roll, cumulant à eux seuls l’heure et demie. Témoin le triple CD sorti en 2003, How The West Was Won, compilant deux heures et demie de leurs extraordinaires concerts californiens de juin 72.
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D’avril à juin de cette même année, le quatuor enregistre douze nouveaux titres. Ne pas refaire le « IV », surprendre et se surprendre soi-même, tel est – tel fut toujours – le credo du Zep. Pari gagné avec « Houses Of The Holy » disponible en mars 1973. Qui marque un net changement de cap. Abandonné le blues. Place aux brillantes incursions reggae (D’yer Mak’er), funk (The Crunge), folk rock (Over The Hills And Far Away) et progressives (avec le sépulcral No Quarter et The Rain Song, majestueuse ballade droit sortie de l’empyrée zeppelinien).
Sans oublier The Song Remains The Same, sidérant maelström de guitares tantôt éruptives, tantôt arpégées que Bonham et Jones magnifient de diaboliques syncopes. Merveille pagienne, surtout, compositeur, guitariste, arrangeur, producteur et… bâtisseur de cathédrales. Au zénith de sa popularité, le Zep enflamme l’Europe. À Hambourg, le 21 mars 1973, on prétendra les avoir vus marcher sur l’eau. Page confirmera : ce soir-là, à l’évidence, quatre éléments créèrent le cinquième. Même impression au Palais des Sports de Saint-Ouen les 1er et 2 avril 1973. Bientôt, les stades américains rendent grâce. Deux dernières dates (filmées, on y reviendra) au Madison Square Garden de New York les 27 et 29 juillet 1973 les mènent au bord de l’épuisement.
Le temps alors de s’abîmer dans une salutaire récollection. 18 mois durant. Le moment surtout de concevoir une nouvelle galette, double cette fois. La pierre angulaire du Zep, le suc du dirigeable : « Physical Graffiti ». Quinze titres livrés le 24 février 1975, témoins d’un style entre tous magnificent. Hard rock en taille-douce avec Custard Pie,The Rover, The Wanton Song et Sick Again, blues épique (In My Time Of Dying), country céleste (Bron-Yr-Aur) ouroborative (Black Country Woman), sans rien dire de l’élégie qui coule dans l’oriental In The Light et l’intimiste Ten Years Gone. Enfin, et surtout, diamant sur la couronne, LE morceau du Zep, celui qui fascinera les hommes dans 1000 ans encore, l’hypnotique, le martial, le colossal Kashmir, ou « l’accord parfait entre l’énergie rock et la transe orientale », selon les jolis mots de Guesdon et Margotin (« Led Zeppelin, La totale », 2018, Ed. E/P/A).
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Le public ne s’y trompe pas, qui se rue dans les bacs puis dans les salles pour communier avec ses héros. Rencart historique à l’Earls Court de Londres. Là, cinq soirs durant, deux ans avant Spielberg, 85 000 personnes se bousculeront pour une rencontre du troisième type. Le destin veille, pourtant. Maupiteux, il se revanchera de ces nouveaux démiurges. Le 4 août 1975, sur l’île de Rhodes, une voiture quitte violemment la route. À l’intérieur, Plant et sa famille. Transfusée d’urgence, Maureen, sa femme, échappe in extremis au trépas. Brisé de toutes parts, le chanteur ne remarchera plus avant six mois. La tournée américaine prévue pour septembre s’envole. L’avenir même du groupe est menacé. Qui décide de courir sus à l’adversité en composant son septième opus.
Au terme d’un mois d’écriture à Malibu puis 18 jours – tendus – d’enregistrement entre novembre et décembre 75 aux Musicland studios de Munich, « Presence » paraît le 31 mars 1976. « Un cri des profondeurs, la seule chose qu’on pouvait faire, à ce moment-là », dira Plant, rivé dans sa chaise roulante. Album sombre et douloureux, en effet, que ce « Presence » sans notes acoustiques ni claviers. Des guitares, une armée de guitares qui hurlent, caressent et volettent sous les doigts experts du ci-devant Jimmy. « Presence » est son album et son combat. Il sera son titre de gloire. Celui aussi de Bonham, dont la rythmique n’a jamais été aussi riche. Bonzo, le surnom de Bonham, symbole même de l’oxymore musical : cogneur et dentellier, tambour rock, jazz, progressif et bien plus encore ; celui dont Steve Smith dira : « Nul autre mieux que lui n’avait assimilé le swing de Gene Krupa et de Cozy Cole, le tranchant de Buddy Rich, les influences de Max Roach et d’Elvin Jones, sans oublier la touche funk de Bernard Purdie, d’Al Jackson et des batteurs de James Brown… » . On ajoutera : l’insigne virtuosité de son ami, le très rock Carmine Appice. Deux titres dépassent les cinq autres. Achilles Last Stand d’abord : 10’26 minutes de symphonie rock à la gloire des guitares. Manière de cavalcade progressive nervurée de boléros et autres marches militaires, véritable épopée à laquelle la British New Wave Of Heavy Metal (Iron Maiden surtout) devra tant, Achilles est le nouveau fait d’armes de Bonham. Un de plus.
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Nobody’s Fault But Mine signe le retour aux sources, ergo au blues. À l’origine, le titre éponyme de Blind Willie Johnson que les 4 subsument : Page par ses riffs barbelés, Bonzo, avec ses rythmes heurtés et ses silences soudains, manière habile de relancer la machine, sans rien dire du brûlant solo d’harmonica d’un Plant miraculeusement retrempé. En regard, les autres titres semblent d’un moindre éclat. On aimera tout de même Candy Store Rock,jouissif Rockabilly en même temps qu’hommage à l’un de ses rois, le regretté Scotty Moore ; Hots On For Nowhere et Royal Orleans funks rock sautillants, sans oublier les puissantes saccades de For Your Life. Enfin, Tea For One et son riff obsédant, slow blues funèbre que Page adorne d’arpèges délicats avant de signer un solo dont chaque note flotte dans une sublime réverbération. Ultime pièce d’un album qui exsude l’émotion d’un groupe meurtri, en proie aux doutes (sa pochette énigmatique en témoigne) et qui, pour la première fois, éprouve le sentiment de sa mortalité…Le succès remporté par « Présence » ne sera que fétu de paille. Les ventes seront finalement les plus mauvaises du groupe. Page et Plant n’en font pas moins l’un de leurs favoris. « Il sonne comme le marteau des Dieux », résumera Plant à la sortie de l’album. Pour conclure, trente ans plus tard : « Presence contient parmi les moments les plus passionnés de tout Led Zeppelin – remuants, mal à l’aise, drogués et douloureux ! » À nos yeux, de la musique qui va droit au cœur sans s’arrêter aux tympans.
Les ventes repartent en flèche le 22 octobre 1976. Ce jour-là, le Zep sort enfin le disque que le monde réclamait de ces maîtres des planches : un live. Mieux que cela, il en fait la bande originale d’un film. De fait, « The Song Remains The Same » est un curieux mélange : mi-live avec une compilation des trois ultimes shows de leur tournée américaine au Madison garden de New York (27, 28 et 29 juillet 1973), mi-fiction. Laquelle offre à chaque musicien de se présenter « hors cadre », en famille ou dans ses rêveries profondes, non sans une certaine naïveté parfois. Le résultat ne se fait pas attendre : pilori médiatique et scepticisme des fans. Certes, 44 ans plus tard, certaines scènes fictionnelles trahissent quelque enflure. Au moins traduisent-elles « ce que nous étions », dira Page. Quant au concert, c’est du grand Zep. Pas le meilleur, peut-être. Fin de tournée : les héros sont fatigués…Mais dont certaines prises demeurent exceptionnelles : ainsi du morceau éponyme, du vaporeux No Quarter, de l’électrique Celebration Day ou de la ruisselante The Rain Song. Avec un regret cependant : le set acoustique, curieusement absent. N’importe, on l’a dit, disque et films seront de grands succès commerciaux : 16 semaines en tête des charts anglais !
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Les mois passent. Plant se remet. S’annonce alors ce qui doit être la plus grande tournée américaine du Zep. Ce qu’elle est d’abord. L’Amérique reste l’Amérique… Le destin aussi, hélas. Qui les accable une nouvelle fois : le 23 juillet 1977, Bonzo et d’autres sont impliqués dans le tabassage d’un assistant du promoteur Bill Graham. Fin de partie chez les Yankee : Led Zeppelin n’y mettra plus les pieds. Trois jours plus tard, la tragédie s’invite : Karac, 5 ans, le fils de Robert Plant est emporté par une infection foudroyante. La malédiction ne frappe plus seulement le clan Kennedy ; elle devient zeppelinienne. Stupeur et tremblement à bord du dirigeable. Dévasté, Plant se mure dans son chagrin. En octobre, Page est contraint de faire taire les rumeurs de séparation. En vain : le dirigeable n’est plus qu’un fantôme. Un an de silence. Lourd… comme du plomb.
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Octobre 78, Robert Plant s’arrache à sa prostration et relève le gant. Pour ce qui sera, ils l’ignorent encore, le chant du cygne de Led Zep, son 8ème opus : « In Through The Outdoor ». Enorme succès dès sa sortie le 15 août 1979. Album circonstanciel s’il en est. Car si Jones y prend l’ascendant, c’est, sur toute chose, parce que Page est à la colle… avec Sister Morphine ; les injonctions du temps et ses rythmes synthétiques faisant le reste. Traduction : le « Dream Machine », ce clavier Yamaha polyphonique le plus sophistiqué de l’époque dont s’est entiché Jonesy (le surnom de Jones), donnera le la à ce nouveau disque aussi high tech que les studios d’Abba dans lesquels il sera conçu. Petites concessions, grands effets : son mat, vocaux lointains, électronique envahissante, c’est beau, c’est propre et sans arête : ce n’est donc pas Led Zeppelin. Ou pis, du Zep javellisé, les pieds en dedans, la classe éco du grand dirigeable. Reste l’intelligence dont les Dieux ont lauré les quatre hommes. Grâce à elle, si l’on ne vibre plus (ou rarement), du moins ne s’ennuie-t-on jamais. Intelligence des ambiances orientales de la plage inaugurale de ce nouveau trente, de son pont jazz-rock arpégé mais hélas empesé par les échos lointains des tambours patauds de Bonzo. In the evening aura sa revanche les 4 et 11 août acclamée à Knebworth par 200 000 personnes.
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Intelligence du piano tendu de Jones dans Sounth Bound Saurez, sincère hommage au rythm’n’blues de la nouvelle Orléans mais rapidement usé aux coudes. Intelligence sans tache cette fois d’une des deux gemmes de ce nouvel opus : Fool In The Rain. ou la fusion jouissive de rythmes latino, de sambas échevelées et d’un purdie shuffle qui démontre à nouveau, l’immense palette du jeu de Bonham. Intelligence du piano Honky Tonk de Jones dans le sautillant mais dispensable Hot Dog. Intelligence évidente de l’ambitieux Carouselambra, titre marathon jalonné de mille ambiances et d’autant de collages musicaux mais qui finit par dérouter par le vombrissant bavardage du synthé de Jones. Reste deux titres : All my love est une ballade pop noyée sous des nappes synthétiques par trop datées. Plant et ses vocaux chaleureux gorgés de feeling, y rend un hommage à son fils défunt, ce qui nous interdit d’en dire plus. I’m gonna crawl ferme la marche. L’œuvre, le grand oeuvre du ZEP s’achève ici, par l’étincellement de ce blues qui sonne comme un retour aux sources. Blues moderne s’entend – dès l’intro, l’élégiaque synthé de Jones le rappelle avec classe -, mais blues mahousse : sens du drame, culmination du solo sépulcrale de Page, hurlement aux étoiles d’un Plant survolté, Bonham, Dieu Thor des batteurs, entre cris et chuchotements, décidément, avec I’m gonna crawl, le Zep a rebranché le courant.
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Mais les héros sont recrus. Nouvelle retraite forcée, nouveau drame : en octobre, un jeune homme de 19 ans est retrouvé mort d’une overdose dans la maison de Page… De son côté, Grant ressort la planche à billets : l’Amérique a faim, glisse-t-il à ses poulains. Plant renâcle. Puis se laisse convaincre. Une tournée européenne de 14 dates est mise sur pied en juin et juillet 80, prélude à une gigantesque tournée dans le Nouveau Monde. Le Zep, hélas, ne visitera que le Vieux. Et encore, une partie seulement. Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Autriche et Suisse seront seuls concernés. Pour des concerts inégaux, hélas, que la presse française prendra plaisir à dézinguer. « A 32 ans, Bonham est vieux », lâchera Manœuvre. Dans deux mois, il sera mort.
Nous sommes le 24 septembre 1980. Dans son manoir d’Old Mill House à Windsor, Page a convoqué ses trois compères pour répéter dans un studio voisin. D’humeur sombre, Bonzo estime qu’ils n’y sont pas. Et comme souvent, en pareil cas, il noie son désarroi dans l’alcool. Bientôt, il sera saoul perdu. On l’emmène se coucher. Demain, c’est sûr, sera un autre jour. Le 25 au matin pourtant, Bonzo ne reparaît pas. Deux techniciens tenteront de le réveiller. En vain. Jones y va à son tour avec Benji Lefevre, le technicien vocal de Plant. Il faut se rendre à l’évidence : Bonham est mort, suffoqué par ses propres vomissures. Le 4 décembre 1980, c’est officiel : Led zeppelin, c’est fini.
Depuis 40 ans, Page, Plant et Jones tentent d’exister. Disons plutôt « survivre ». Car, selon Peter Grant, « Comment est-ce possible d’exister après Led Zeppelin ? ». De fait, chacun compose et joue sa propre musique. Sous les applaudissements parfois, mais pas toujours. Page créera Firm, croira en Coverdale. Naufrage dans les deux cas. Depuis 40 ans, seuls, en couple ou même à trois, Page, Plant et Jones puisent dans le répertoire du Zep. Pour le presque meilleur en 2007, à l’Arena de Londres, ou pour le pire lors du Live Aid à l’été 85. « Presque meilleur », car si Jason s’appelle Bonham, le génie, comme la fortune, est aveugle. Lui en vouloir ? Non, bien sûr, puisque Bonzo n’eut et n’aura jamais son égal, fût-il de son sang. Leur en vouloir ? Pas davantage.
L’alchimie de ces quatre-là était de l’ordre du divin. « Coda » (1982), les « BBC sessions » de 1997 ou le triple CD live « How The West Was Won » (2003) le démontrent à suffisance. Or, depuis le 25 septembre 1980, Dieu prend des cours de batterie…
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j’ai toujours préférais Raimbow , Black Sabbath , Deep Purple , Thinlizzy , Nazareth… a led zeppelin , il y’a toujours eu un truc qui ne passé pas avec ce groupe . puis lorsque ils ont commençaient a délirer sur l’orient et se convertir a l’islam soufis , là j’ai dis stop , qu’ils aillent se faire voir . puis lorsque j’ai appris dans un vieux hard rock magazine qu’ils avaient violaient une groupie en lui introduisent un poisson vivant dans le vagin , là je me suis dit , des »mecs » comme ça ne méritent que le garrotage !
@ Joël , oui Eddie Van Halen était un grand et l’un des plus grand guitare héro de l’histoire du rock . R.I.P
Pas le même style, mais un virtuose de la guitare tout-de-même, je viens d’apprendre avec tristesse la mort d’Eddie Van Halen, fondateur du groupe, d’un cancer à 65 ans.
Haaaa Stairway to Heaven ! J’ai lâché l’affaire depuis un petit bout de temps ! Je tenais la première partie au tempo correct et la presque totalité du solo. J’ai décidé, il y a peu, avant la parution de cet article que j’allais reprendre ce morceau. Qui est jouissif à jouer !
France :
Bonzo’s Montreux, tiré de l’album CODA, un régal :
https://www.youtube.com/watch?v=DhK-zu_KI2I
Encore merci France, pour cet article qui nous a fait revivre cette période si particulière!
Merci pour cet article, j’ai vraiment passé un bon moment de levture. 😊 Led Zep, un groupe légendaire.
BM 77, Merci beaucoup pour vos compliments. Oui, je le confesse, bien que n’étant pas batteur (soupir ….), j’ai un très grande admiration pour Bonzo. Au point qu’il m’arrive de n’écouter que lui dans tel ou tel morceau du ZEP. Bonzo fait VIVRE sa batterie par mille trouvailles (triolets fabuleux grâce à un pied droit exceptionnel, contre-temps, brusques cascades, rythmes jazzy, funk…). Quand, la plupart du temps, la batterie sert à impulser le rythme, la sienne est un instrument à part entière. Il était puissance, douceur et, par-dessus tout : I-MA-GI-NA-TION.
Page le répète à l’envi : je n’ai jamais joué avant et après lui avec un batteur d’un tel niveau. Quant à Jones, immense musicien s’il en est, ses mots sont connus : « John était un très grand musicien »… Un regret éternel : l’alcool (dépression et mal du pays) l’a tué. Ou plutôt deux : le deuxième étant de ne les avoir jamais vus sur scène à l’époque -la meilleure- où vous avez eu cette chance. Bien à vous FRANCE
Hervé, vous citez les Who et Keith Moon et France parle de Led Zeppelin sans Bonham . En perdant leur batteur ils perdaient une partie de leur âme et leur force créatrice qui faisait la particularité de ces groupes légendaires . Mick Jagger sans les Stones n’a pas fait des miracles , et c’est ainsi pour tous ceux de ces groupes qui vivait la musique dans une symbiose parfaite de tous ses membres qui, en ne faisant qu’un , créaient cette incroyable et unique énergie musical qui à l’époque, nous a tous emporté .
France ,qui se fait le chantre de 4 anglais ce n’est pas commun.
Blague mise à part , j’ai moi même eu la chance de voir l’un des concerts de Led Zeppelin en 1973 au parc des sports de St Ouen, qui se situait ,ou se situe toujours , je ne sais pas , sur l’ile des Vannes à l’Isle st Denis .
J’y ai vu aussi Deep purple, à peu prêt à la même époque . Bon, il faut admettre que jusque là , j’étais plutôt fan des Stones bien que j’appréciais dans une moindre mesure Led Zeppelin ou Pink Floyd , mais un pote inconditionnel du groupe, m’a persuadé de l’accompagner pour les voir, et là, j’ai pris toute la formidable énergie de Zeppelin dans l’estomac et j’en suis ressorti groggy et convaincu! Led Zeppelin a déclenché une nouvelle vague qui ne s’est plus arrêtée par la suite.
J’avoue que j’ai une préférence pour les 4 premiers albums , après ,ce qui m’a gêné, mais pas que chez le Zep, c’est l’intronisation systématique des synthés surtout à partir de la seconde moitié des années 70. Et je trouve que cette évolution technique n’a pas toujours été très « heureuse » ,pour certains groupes et chanteurs de l’époque.
Quelques uns s’en étaient fait une spécialité comme Emerson Lake and Palmer ou Electric like orchestra mais eux maitrisaient plutôt bien le truc .
Led zeppelin est incontournable dans l’histoire du rock et de la pop, parce qu’il a été à la jonction du blues boom anglais des John Mayall, Pretty thing et autres Yardbirds dont Jimmy page était un des membres , et du hard rock et plus tard du métal des ACDC et Metallica.
J’aimais aussi à l’époque le Cream , Beck Bogart Appice que vous citiez plus haut , ou encore Cactus, tous d’excellents combos, avec des musiciens qui étaient tous plus excellents les uns que les autres dans leurs spécialités . On pourrait citer parmi ceux ci ;Jack Bruce , Carmin Appice, Ginger baker , Jeff Beck , Clapton Ok! OK !Mais aucun de ces groupes n’avaient la flamboyance, et pour reprendre un terme franchouillard, le panache, du grand Led Zep qui se révélait non seulement en studio, mais prenait toute sa dimension sur scène.
En tout cas, France, je ne peux que vous féliciter pour l’article que vous avez commis . Je n’ai jamais lu un texte aussi bien écrit et aussi détaillé sur la vie de ce groupe .
Croyez en un ex lecteur de Best et rock ‘n folk de la grande époque . Celle des posters au milieu du magazine qui se retrouvaient systématiquement sur les murs des chambres d’ados de l’époque!
Pour finir mon titre préféré enfin celui qui pour moi est symbolique du groupe c’est « good times bad times » , il n’y a quasiment pas d’introduction ça percute direct , c’était en 1969 , imaginons le gars de l’époque qui pose sa galette de Led Zep I sur la platine et reçoit ça pour la première fois dans ses esgourdes !
France , une petite question, Etes vous, vous même batteur ? Parce qu’il me semble que vous semblez témoigner d’un plus grande intérêt , disons même, une certaine affection pour John Bonham!
Merçi
Encore merçi pour cette article rafraichissant qui nous ramene à nos echanges rock’n folesques de mai dernier , j’ai enfin pu degotter la pochette réeelle de physical graffitie a st mark place street NYC direction Tomkins Park
Led Zeppelin , evidemment ..une epoque , un mode vie , une transgression aussi , un peu comme les Whos et pour les memes raisons ,Physical graffitie et Tommy , la terreur de mes voisins de l’epoque …parceque quand meme Stairway to eaven à 2h du mat servi par des enceintes Kenwood .. je me suis pas fait que des amis , mais bon , mon fils ainé est un fan de ledzep et on se passe volontiers Kashmir comme d’autres vont à la messe sauf que un shot de RYE remplace l’elevation et la clochette qui va avec ,avec Wole lotta love , là çà devient de l’extase … une pensée pour un autre batteur degenté .. keith Moon le Bonham des Whos …; bon dimanche à vous , portez vous bien et faite chauffer le vinyl rendez vous en 1975 .
Led Zeppelin avaient un batteur exceptionnel
https://youtu.be/UvOm2oZRQIk
Led Zep, Creedence, Ten Years After, Deep Purple… Je me demande si la longueur des cheveux n’influence pas la qualité de la musique. Beethoven, Mozart, Bach avaient les cheveux longs. Iam, 113, NTM, Sektion d’Assaut ont les cheveux courts voir rasés. Samson cheveux longs, Samson cheveux courts, c’est la même chanson…
toute une epoque,mon époque.Des souvenirs de concert a visage humain dans des petites salles.
TRUST TELEPHONE ou ACDC,j en passe et de meilleurs.Cette époque n existe plus,a nostalgie quand tu nous tient!!!!.
Merci de m’avoir rappelé ce temps ou batteur dans un petit groupe je me faisais des cloques aux doigts à force de taper comme un sourd sur ma batterie… Nostalgie.
J’adore le travail de « France ».
Un article comme le sien demande des heures et des heures de travail.
Et quel plaisir de trouver un morceau inconnu. Ou très connu !
Continuez !
Non, sur la photo de l »article, dans l’ordre de gauche à droite :
Jones, Bonham, Page, Plant.
Bravo Joël c’est toi qui as gagné, confirmation de France !
Superbe travail de France ! Bravo !
Quelle excellence dans vos rubriques musicales ! Il semble que votre éclectisme en musique ne puisse se comparer qu’à la justesse de vos avis !
Je suis avidement vos rubriques quotidiennes et politiques, mais vos récréations musicales enchantent !
Bravo pour « l’ensemble de votre œuvre »!
Merci PIerre pour ces compliments qui nous touchent beaucoup !
Bonjour,
Ne serait-ce pas: Page, Bonham, Plant et Jones
possible… j’ai modifié la présentation de France car je ne sais pas sur quelle illustration il se fondait… mais je ne suis pas physionomiste… je vais corriger selon vos indications..