Il était impossible qu’Annie Cordy aimât l’islam et le néopuritanisme de « gôche »

Je n’ai connu Annie Cordy, récemment décédée, que comme une « vieille dame » et découvre avec intérêt quelques-unes des vidéos où elle interprète ses grands succès populaires.

Mon grand-père était allé voir à Paris « La Route fleurie » avec cette grande artiste et Bourvil en 1952 au tout début de sa carrière, alors qu’il était encore un jeune homme à marier. Il avait le même âge qu’elle et c’est le seul spectacle parisien que ce paysan avait vu de sa vie. Il en parlait souvent comme d’un moment extraordinaire d’amusement dans son existence paisible mais triste.

En 2020, on ne peut être que surpris de l’extraordinaire liberté qu’incarnait Annie Cordy… et de la relative indifférence de la patriosphère au sujet de son décès. Johnny Hallyday, ne serait-ce que par le choix de ce pseudo américain, incarnait bien moins la France que la Belge francophone qui a fait rire des générations de Français.

Aujourd’hui, les pseudo-féministes et antiracistes lui tomberaient dessus, elle serait traitée de « fasciste » par les petits capos des goulags de la bienpensance que l’on connaît si bien.

D’ailleurs, Annie Cordy en tant que femme née en 1928 dans une France encore héritière alors des scories de droit romain du Code civil napoléonien avait eu une audace incroyable à se lancer ainsi dans une carrière de femme libre. De ce point de vue, elle avait été elle aussi une féministe par les actes. Au début de sa carrière, les régimes matrimoniaux faisaient encore de la femme une incapable majeure soumise à son mari…

Et c’est ce qui fait que j’aimais Annie Cordy : pas besoin de discours, de théorie philosophique, de prise de tête, le bonheur de vivre se communique par la thérapie du geste vu, de l’amusement communiqué, de la voix qui jubile, du sourire optimiste…

Artiste de farce, de télévision, spectacle bas-de-gamme pour ivrogne ou simplets ? Ce serait sous-estimer le fonds culturel dans lequel s’est insérée cette artiste unique en son genre.

Quelle force de caractère, quelle force physique aussi, il lui a fallu pour enchaîner près de 10.000 galas dans sa carrière (soit un tous les deux jours pendant 60 ans sur le plan mathématique !), interpréter 2000 chansons associées à des mimiques, des danses, des spectacles où ce qu’on voyait valait autant le coup que ce qu’on entendait, au milieu d’une carrière très diversifiée.

Annie Cordy était une artiste populaire, elle s’adressait à ce peuple méprisé de ses pseudo-élites et laissait indifférents les grands remplacistes.

La maîtrise dont elle faisait preuve pour incarner ce rôle de « rigolote » spirituelle suffisait à montrer qu’elle était d’une intelligence réelle.

Oui, Annie Cordy n’aurait pas pu interpréter en 2020 Conchita, bonne à tout faire de « La Madame », issue de l’immigration, appartenant à une autre classe sociale que celle qu’elle rêve de faire sauter aux petits oignons lors d’une révolution.

Elle n’aurait pas pu de nos jours en effet interpréter sans recevoir des menaces de mort une immigrée au service d’une Française riche, et pourtant, que de vérité dans cette évocation certes amusante de la lutte haineuses des classes et des origines entretenue par l’extrême-gauche au profit de l’immigration extraeuropéenne.

Tous les « antiracistes » auraient fait en sorte d’interdire ce sketch amusant servi par une voix talentueuse comme étant « raciste » à leurs yeux.

Annie Cordy et ses paroliers s’étaient très sûrement inspirés de « L’île des esclaves » de Marivaux ou encore de « Les Bonnes » de Jean Genet pour inventer ce personnage qui se plaint de « la Madame » et rêve de la remplacer, de la tuer.

N’en déplaise aux « snobs », ce qu’elle a su créer était unique, elle incarnait une artiste à part qui n’avait pas à rougir face à une culture plus « élitiste ».

Louis-Ferdinand Céline avait parfaitement caractérisé les origines de ce mépris pour la culture populaire, celle des fabliaux, celle de la langue rabelaisienne qu’une culture « classique » issue de la Cour aristocratique a eu tôt fait de dévaloriser.

Zola et Céline avaient entrepris de redonner sa place à la langue du peuple dans la littérature ; Annie Cordy a, à sa façon, apporté sa pierre à cette édifice dans son domaine, celui du spectacle populaire, par exemple quand elle choisit d’incarner une femme battue dans « Pourquoi tu me bats Léon ».

Femme battue, certes, parce qu’elle est une femme, mais cette chanson aurait pu être interprétée par un enfant ou un homme. On est loin des délires autour des « féminicides » du prétendu « néoféminisme » de gauche.

Annie Cordy avait justement les couilles de chanter une chanson asexuée où des femmes comme des hommes commettent des violences dans un bar parce qu’ils ont trop bu. Impossible là encore de ne pas penser à « L’Assommoir » de Zola.

Et je n’exagère pas à propos de l’impossibilité là encore qu’aurait eue Annie Cordy d’interpréter ce titre en 2020. Voir les réactions sur Youtube à propos de cette vidéo :

Je garde le meilleur pour la fin : la formidable « Bonne du curé » qui est entrée dans le patrimoine culturel populaire français.

Quelle idée géniale dans les années 1970 d’oser imaginer et incarner ce personnage gentiment blasphématoire, et ce qui est aussi génial, c’est que ce fut un très grand succès dans un pays encore largement catholique avec 1 million d’exemplaires vendus.

On aime et on accepte en France rire de la religion chrétienne, la tourner parfois en dérision. Cela fait partie de notre identité et cette culture est partagée par nos amis belges francophones.

Annie Cordy n’aurait jamais pu au contraire chanter en 2020 « La bonne de l’imam », elle aurait fini décapitée ou à tout le moins sous protection policière jusqu’à la fin de ses jours.

Une page se tourne. Annie Cordy était un de ces symboles d’une époque révolue. Elle disparaît comme cette époque de liberté s’échappe davantage jour après jour.

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10 Commentaires

  1.  »la bonne du curé  » une chanson paillarde très gauloise . oui Annie Cordy , c’été mon enfance dans une France encore joyeuse ou il faisait bon vivre . comment a t’on pus laisser ce pays de liberté et de cocagne s’enfoncer dans la barbarie et la haine de sois ?

  2. En tant qu’artiste de cinéma, elle n’était pas mal non plus. Je l’avais vue dans »le chat » avec gabin et Signoret en tenancière d’hotel.

  3. Merci, j’en profite d’ailleurs pour compléter un peu mon article car je m’étais aussi fait la réflexion que la caricature d’une immigrée d’origine « latine » (Espagne, Portugal, Italie…) avait été acceptée sans souci à l’époque à ma connaissance.
    Je ne suis pas sûr qu’on pourrait faire une caricature semblable à propos d’une « Fatima » issue de l’immigration africaine et/ou musulmane sans être taxé de racisme de nos jours…
    Et pour preuve :
    https://www.voici.fr/news-people/actu-people/michel-leeb-regrette-terriblement-son-sketch-de-lafricain-juge-raciste-666494
    https://www.ladepeche.fr/2019/10/27/danse-avec-les-stars-shym-accusee-de-racisme-apres-son-imitation-de-laccent-antillais,8507902.php
    https://www.purepeople.com/article/aya-nakamura-victime-d-une-imitation-jugee-raciste-elle-reagit_a352709/1

  4. Très bel hommage posthume à Annie Cordy.
    Je n’étais pas particulièrement intéressée par son répertoire ni ses spectacles et pourtant, quelle générosité, quel talent, et sans prétention !
    Je vais partager sur ma page fb.

  5. Comme on disait à l’époque , on se marrait bien !Avec un Henri Salvador ou une Annie Cordy qui faisaient rire les enfants dont j’étais, et les parents, de par leurs chansons à double interprétation.
    Aujourd’hui, c’est plus compliqué .
    Pour en revenir à Annie Cordy , c’était en dehors de la comique populaire , une artiste complète comme on disait à ‘époque. Sachant parfaitement danser , chanter et occuper l’espace d’ une scène de music hall, ce qui n’est pas donné à tout le monde . On dirait aux EU : An entertainer . Un mot qui dit bien le rôle de ces artistes ; des gens qui suscitent l’enthousiasme , l’envie de bouger de chanter de rire . Le talent de savoir animer une salle de spectacle et faire réagir unanimement sans distinction le public n’est pas donné à tout le monde et je respecte beaucoup ces gens qui ont su parfois nous faire oublier les affres de la vie tout cela, souvent ,avec beaucoup d’humilité.
    De grands artistes furent « entertainers » de salle de music hall à leurs débuts .Ella Fitzgerald par exemple!
    Rien à voir avec certains humoristes cyniques qui s’attribuent le rôle de porte parole de ci ou de çà !
    Il faudrait créer une autre race d’ humoristes, chargée de se moquer de ces gens qui ont pris la grosse tête, pour les faire redescendre un peu sur terre !

  6. Merci Maxime pour ce doux rappel.
    Merci Annie, vous avez diverti mes jeunes années et depuis je vous garde dans mon coeur. Reposez en paix.

  7. Grand merci Maxime pour ce qui n’est pas un discours funéraire, mais un poème à la défunte. Un poaime ais je envie de dire. J’ai du écouter deux trois fois cette personne dans ma vie et pour autant, c’est ici l’occasion d’exprimer mon véritable respect à cette artiste à son tomber de rideau ! Elle en a fait plus pour le véritable féminisme que la volée de toutes ces enragées que l’on voit se prendre pour des meneuses de revues sur les devant de l’arrière scène ! Bravo Annie ! Nous savons, nous, que le Ciel t’a accueilli dans un grand éclat de rire !

  8. Bravo Maxime pour cet article qui rend grandement hommage à Annie une femme d’exception qui a fait vivre dans la bonne humeur des générations d’européens !
    Merci Annie que ton âme repose dans le firmament 💞

  9. Magnifique.Quelle grande dame et meneuse de revue et actrice de formidables téléfilm, elle savait passer du rire aux larmes avec brio.
    Un peu de la vraie France qui s’en va et ne reviendra plus, toute mon enfance, les Carpentiers, le rire et la joie de vivre à la française.Merci Madame, on peut espérer que ça ira mieux demain…..

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