Commémorer l’USS Indianapolis et non l’US Floyd Minneapolis

Mémorial USS CA-35 à Indianapolis

Au lieu de se focaliser sur le 75ème anniversaire de la pire tragédie de l’US Navy, la société américaine est en proie à un naufrage racialiste provoqué par une bavure policière et dont les capitaines floydiens font dans la récupération via les réseaux sociaux.

Si l’Union soviétique paya le plus lourd tribut humain lors de la seconde Der des der, les Américains contribuèrent de manière colossale à la victoire soviétique. Sans leur aide matérielle, Staline n’aurait jamais atteint Berlin de sitôt. Mais les Américains aussi essuyèrent des pertes pourtant évitables.

En juillet 1945, la guerre est terminée en une Europe devenue le plus grand plateau de transferts de populations de tous les temps. Mais dans le Pacifique, chaque île est toujours défendue avec acharnement par les Nippons.

1/9 USS Indianapolis « Indiana » en bref

Croiseur lourd mis en service en 1931, catégorie Portland, référence CA-35. Longueur 180 m, maître-bau ou empattement 20,12 m, tirant d’eau 6,40 m, 4 turbines pour 108.000 cv, 32,5 nœuds ou 60 km/h, 3 tourelles de 3 canons 203 mm, deux catapultes pour avions de reconnaissance.

À la pesée, 10.422 tonnes à vide et 12.959 tonnes à pleine charge. À titre comparatif, le Bismarck faisait respectivement 41.700 et 50.300 tonnes Krupp. Indépendamment de toute considération éthique, ce cuirassé allemand est un chef-d’œuvre absolu de technologies avant-gardistes.

USS Indianapolis

2/9 La mission nucléaire d’Indiana

L’USS Indianapolis compte plusieurs victoires à son actif durant la Guerre du Pacifique mais, endommagé par un kamikaze pendant la Bataille d’Okinawa d’avril à juin 1945, le croiseur se voit contraint de rejoindre le dock.

Le 16 juillet 1945, sous la direction de son capitaine Charles B. McVay, Indiana fraîchement retapé quitte San Francisco pour Pearl Harbour. Il y a 1197 hommes à bord.

Indiana transporte des composants nucléaires : tête et détonateur de la bombe Little Boy Hiroshima et Fat man Nagasaki. La mission est ultrasecrète et aucun destroyer n’assure la sécurité, discrétion oblige.

Mare Island, San Francisco

Indiana quelques jours avant son dernier voyage

3/9 Indiana, la fusée marine

La distance San Francisco-Pearl Harbour – 4454 km ou 2405 milles marins – est parcourue en un temps canon pour l’époque : un peu moins de 75 heures, moyenne près de 60 km/h ! Comme si la victoire proche donnait des ailes à Indiana… Étape suivante : l’Île Tinian qui héberge la piste de décollage des B-29 fatidiques.

26 juillet 1945 : Indiana accoste au quai de Tinian et y décharge sa cargaison nucléaire. L’USS a donc rempli son contrat en dix jours à peine : relier San Francisco à Tinian, 9260 km tout de même !

Tinian 1945

4/9 Ligne Tinian-Guam, objectif Golfe de Leyte

Indiana se rend ensuite vers l’île toute proche Guam où les instructions attendent McVay : objectif Leyte où se déroulent des entrainements opérationnels avant l’assaut du Japon.

2200 kilomètres séparent Guam de Leyte, Philippines. McVay demande une escorte pour s’y rendre. Son haut-commandement refuse sous prétexte qu’il n’y a pas de risque dans le secteur.

Le 28 juillet, Indiana lève l’ancre pour Leyte. Durant le parcours, McVay ordonne la ligne droite au détriment du zigzag de rigueur, prétextant ici un mauvais temps profitable.

5/9 Maudit I-58

Dans la nuit du 29 au 30 juillet, en Mer des Philippines, le lieutenant de sous-marin japonais Mochitsury Hashimoto n’en croit pas ses yeux : un croiseur Portland sillonne les mers, non escorté ! Une proie facile même pour un commandant d’U-boot non expérimenté. La mer est calme et Indiana vogue tranquillement à 17 nœuds, 31 km/h.

De son sous-marin I-58, il lance quatre torpilles à influence magnétique, deux atteignent leur but. La coque tribord est perforée et la salle des machines inondée. Deux des quatre moteurs sont HS. Le navire se met rapidement à la verticale, rendant impossible toute opération d’évacuation dans le respect des procédures.

Indiana coulera en 12 minutes. Certains matelots sautent dans la mer, les autres attendent l’immersion, une chute de plus de 20 mètres pouvant se révéler mortelle.

Environ 300 marins sont emportés par Indiana, une centaine meurt d’épuisement avant le lever du soleil. Les quelque 800 survivants affrontent d’abord l’hypothermie, ensuite la faim, la soif, les masses gluantes de pétrole et les requins. Au contact de la chaleur du jour, le sel marin fait éclater la peau.

Certains bénéficient de canots, d’autres s’accrochent aux débris d’Indiana ou n’ont que leur gilet de sauvetage Kapok. La terre émergée la plus proche est à 450 kilomètres.

6/9 Dieu se nomme Gwinn

Le haut-commandement de l’US Navy n’est pas informé de la tragédie. Les secours se mobiliseront suite à un bienveillant hasard.

Le 2 août, un Lockheed Ventura survole la région. Son antenne de navigation tombe en panne et le pilote Wilbur Gwinn se rend en queue d’appareil pour évaluer les dégâts. C’est tout à fait fortuitement qu’il aperçoit une étrange nappe de pétrole. L’appareil descend en altitude et les naufragés sont repérés.

À 15h30 apparait le premier hydravion Catalina. Son équipage doit faire feu pour éloigner les squales et récupérer les premiers matelots. Au soir, le destroyer USS Cecil Doyle est sur place.

Sur 1197 vaillants partants de San Francisco et prêts à en découdre pour boucler la guerre au plus vite, seuls 316 rejoindront la terre ferme à Guam.

Wilbur Gwinn, surnommé Angel

7/9 Ce n’est pas la fin du cauchemar

 

Le naufrage n’est pas immédiatement rendu public et l’US Navy entame l’enquête après avoir eu la certitude que le Japon capitulera. Entre-temps, les deux bombes atomiques ont été larguées.

 

Survivant, le capitaine McVay passe devant la Cour martiale. Il sera le seul officier américain à être accusé d’avoir contribué à la mise hors service définitive de son navire. L’US Navy perdra plus de 700 navires entre 1941 et 1945.

Du fait du laps de temps étrangement court entre la notification et l’entame du procès, McVay ne bénéficie que de quelques jours pour préparer sa défense. On l’accuse de non-respect de tactique du zigzag entre Guam et Leyte. À noter que le commandant Hashimoto a également été entendu. Il a clairement indiqué que zigzag ou pas, c’était une proie facile pour lui vu l’absence de destroyers anti-sous-marins.

Même si les marins rescapés font bloc autour de McVay, le capitaine est reconnu coupable de négligences selon le prononcé de novembre 1945. En 1949, il quitte la marine pour une retraite anticipée et met fin à ses jours en 1968 après des années de dépression.

Charles Butler McVay, 1898-1968

8/9 Le bouc émissaire porte le chapeau

Les supérieurs de McVay sont bien plus blâmables. En effet, personne n’a remarqué qu’Indiana n’était pas arrivé aux Philippines conformément au planning à savoir le 31 juillet. Pire encore, les Américains ont intercepté et décodé le signal envoyé par le sous-marin I-58 à sa base. La copie du radiotélégramme a été envoyée à la base de Guam où l’on a considéré cela comme une fabulation d’opérateurs japonais voulant épater la galerie : 48 heures perdues, elles qui auraient pu épargner des centaines de vies !

Dans les années 1990, il est clairement apparu que le haut-commandement avait minimisé le danger du parcours Guam-Leyte afin d’octroyer les destroyers à d’autres fins opérationnelles : erreur d’affectation et de répartition des forces.

Les survivants ont lancé une campagne de réhabilitation qui aboutira à une résolution du Congrès et en 2000, le capitaine McVay est lavé de tout soupçon relativement à la perte d’Indiana. En 2018, l’ensemble de l’équipage obtiendra la médaille d’or du Congrès américain.

En 2017, le navire de recherche RV Petrel localise l’épave de l’USS Indianapolis. Elle repose par 5500 mètres de profondeur en Mer des Philippines.

Le drame d’Indiana

9/9 Jacques Brel, Amsterdam

Une autre hypothèse circule. L’amiral Ernest King a fait pression pour entamer le procès de Charles B. McVay, une démarche décisive. Or, Ernest King avait autrefois servi sur le navire du père de l’accusé etMcVay senior l’avait réprimandé pour avoir fait entrer en douce une prostituée sur le navire. Le paternel McVay a toujours prétendu que c’était la véritable cause de la mise en accusation de son fils.

Ainsi donc, l’action en Cour martiale aurait une genèse des plus triviales, oscillant autour d’une fille de joie. Jacques Brel nous éclaire à ce propos.

Dans le port d’Amsterdam

Y a des marins qui boivent

Et qui boivent et reboivent

Et qui reboivent encore

Ils boivent à la santé

Des putains d’Amsterdam

De Hambourg ou d’ailleurs

Enfin ils boivent aux dames

Qui leur donnent leur joli corps

Qui leur donnent leur vertu

Pour une pièce en or

On reproche à Trump son manque de prévisibilité et son discours en rétropédalage ou zigzag. C’est précisément ce qu’aurait dû faire l’USS Indianapolis pour augmenter ses chances d’échapper aux Nippons.

Mers-el-Kébir, c’était le 3 juillet 1940. Un drame par le prisme pétainiste-résistant et non américano-japonais certes, mais qui a rendu hommage aux matelots français ?

Richard Mil+a

Jacques Brel, Amsterdam, Olympia 1964

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2 Commentaires

  1. Tant de vies sacrifiées j’espère que tous ces héros ne voient pas ce que l’on a fait du monde pour lequel ils sont morts .

  2. Merci Richard pour cette passionnante page d’histoire qui rappelle l’un des plus épouvantables drames de la mer largement méconnu. Je connais cette histoire parfaitement et elle a fait l’objet d’un livre en français publié par Calmann-Levy en 1960 sous le titre « Huit cents hommes à la mer » de l’auteur R.F. Newcomb. Si, comme moi, vous êtes passionné aussi par les histoires de mer, j’autorise RR à vous transmettre mes coordonnées pour pouvoir bavarder ensemble entre belges de souche (DOC, dénomination d’origine contrôlée). Cordialement,

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