Comprendre Katyn, c’est comprendre Staline

« On ne peut exterminer la mémoire ! » ♦ Grafika patriotyczna ou Graphisme patriotique

.

La Pologne commémorera sous peu le 80ème anniversaire de l’un des épisodes les plus sombres de l’an 40 avec une intelligentsia polonaise décimée en quelques semaines. Les faits eurent lieu un mois avant l’invasion de la France. Ironie du sort, en polonais kat signifie bourreau.

 

Katyn est l’éponyme d’un carnage en cinq localités. Méthodes des envahisseurs d’un État totalitaire comme l’URSS et l’Allemagne nazie ? Terreur policière, déportations massives et génocide industriel. Le bloc arabo-musulman a connu et connaîtra ses mini-Katyn à échelle locale.

 

1/8  Contexte géographique

Pologne 1939

Frontières post Première Guerre mondiale

Pologne 1940

Après mise en service du pacte Ribbentrop-Molotov

L’URSS accapare 51,4% du territoire

.

Katyn se situe en Russie, à 20 km à l’ouest de Smolensk.

 

2/8  La genèse : le pacte Ribbentrop-Molotov

Le point de départ de cette sinistre mise à mort est l’annexe secrète du Ribbentrop-Molotov du 23 août 1939 ou liquidation et partage de la nation polonaise. Ainsi débute la planification du quatrième démantèlement de la Pologne après ceux de 1772, 1793 et 1795.

 

Lorsque l’Armée rouge entre en Pologne le 17 septembre 1939, l’URSS n’a pas au préalable déclaré la guerre à la Pologne. Staline justifia cette agression par la nécessité de rétablir l’ordre public après la chute de l’État polonais et de protéger Ukrainiens et Biélorusses de l’est de la Pologne contre les attaques allemandes : une agression préventive dans toute sa splendeur qui aura fait plus de victimes que l’assaut de la Wehrmacht en logiciel Blitzkrieg.

En d’autres termes, et ceci est décisif dans la logique du processus criminel stalinien, les Polonais des territoires de l’Est furent reconnus comme citoyens soviétiques et non comme prisonniers de guerre. En conséquence, les Polonais se sont vu refuser la protection accordée aux prisonniers de guerre en vertu de la Convention de Genève.

Ayant servi dans une « armée capitaliste », les prisonniers de guerre polonais furent traités comme des criminels, accusés d’avoir participé à des activités contre la classe ouvrière et le prolétariat.Fin 1939, ils sont considérés comme des ennemis féroces du pouvoir soviétique, qui plus est catholiques dans la majorité des cas alors que seul Staline est Dieu.

Après le chaos général de septembre 1939 et le manque de directives claires face à cette occupation germano-soviétique, 125.000 prisonniers – dont 10.000 officiers – sont aux mains du NKVD et non du commandement militaire, ce qui représente une violation du droit international.

3/8  Lieux d’internement : Ostachkov, Kozelsk, Starobilsk

Les officiers capturés furent d’abord internés dans des camps de transit de l’Armée rouge situés près de la frontière polono-soviétique. En novembre 1939, ils furent transférés plus profondément en URSS, cette fois dans des camps sous tutelle NKVD.

Du nord au sud. Ostachkov : internement des policiers. Kozelsk, Starobilsk : internement des officiers. À Kozelsk et Starobilsk, les sbires NKVD épluchaient le passé des officiers et sondaient leur moral. À Ostachkov, les officiers de police furent traités bien plus sèchement, surtout ceux ayant poursuivi des communistes polonais avant la guerre. Pour eux, la déportation équivalait déjà quasi à la peine de mort.

Au sein de ces camps, la vie religieuse restait intense et des messes étaient célébrées parfois en catimini.

Avril 1940

Transfert des camps d’internement vers les lieux d’exécution (flèches rouges)

 

4/8  Le déclencheur 794/B

 

En dépit de l’internement, le NKVD constate la fibre patriotique toujours vivace de prisonniers ne rêvent que de se battre pour la restauration de la souveraineté polonaise. Ce patriotisme inquiète le Kremlin qui y voit là une source de troubles intérieurs potentiels. C’est ici qu’intervient Beria : il faudra discrètement faire taire des ennemis des Soviets ne rêvant que du rétablissement d’une Pologne indépendante.

Le 5 mars 1940, le patron du NKVD Beria écrit à Staline : Dans les camps de prisonniers de guerre et dans les prisons des régions occidentales de l’Ukraine et de Biélorussie, un grand nombre d’anciens officiers de l’armée polonaise, d’anciens employés de la police polonaise et des services de renseignement, des contre-révolutionnaires nationalistes polonais actuellement détenus sont tous des ennemis féroces du pouvoir soviétique, remplis de haine envers le système soviétique.

Beria présente son projet de solution finale au Politbureau et obtient le feu vert suivant la décision secrète P13/144 signée par Saline et de hauts dignitaires. Elle relève de la liquidation de 14.700 personnes détenues à Ostachkov, Kozelsk et Starobilsk, sans autre forme de procès. Beria ordonne également l’expulsion vers le Kazakhstan de familles de prisonniers de guerre polonais internés dans ces trois camps.

Document 794/B de Beria à Staline, 5 mars 1940

Conséquence : décision secrète P13/144

5/8  Une balle dans la nuque

L’action débute le 3 avril 1940. Le NKVD procède à la liquidation des camps de Kozelsk, Starobilsk et Ostachkov. Durant six semaines, les officiers de l’armée, du renseignement, du contre-espionnage et de la police d’État seront véhiculés vers leur destin, de même que d’autres Polonais internés sur les territoires annexés par l’URSS.

Durant la tragédie, le gouvernement polonais émigré est interné en Roumanie et aucune instance n’est en mesure de protéger les droits des Polonais.

Les dernières études menées par un groupe d’historiens polonais mentionne 21.892 victimes (dont plus de 14.000 prisonniers de guerre et près de 7.500 prisonniers civils) de cette folle industrie administrative stalinienne de la mort.

 

Lieu et nombre des exécutions sur fond de carte actuelle

Kalinin 6287, Katyn 4404, Minsk 3870, Kharkov 3896, Kiev 3435

6/8  Tout n’est que rapport de forces internationales

Après Katyn, de sombres ​nuages s’accumulent sur le Kremlin et les Soviétiques ont vent dès mars 1941 du Plan Barbarossa alors que la « soviétisation » de l’est de la Pologne se poursuit. Même après l’invasion par la Wehrmacht, la population continue d’être massivement déportée toujours plus profondément en Union soviétique. Le NKVD poursuivra ses actions de purification jusqu’au son des bottes allemandes.

L’Occident n’a évidemment plus d’autre choix que d’aider l’URSS à combattre le nouvel ennemi commun. Le lendemain de l’invasion allemande, le Premier ministre polonais et commandant en chefSikorski salue dans un discours radio le combat de l’URSS et « la lutte conjointe contre l’Allemagne ». Il évoque également la restauration de la frontière polono-russe d’avant septembre 1939.

Sans rien savoir de Katyn, il demande la libération des prisonniers de guerre et civils déportés vers l’URSS. Malheureusement, environ 15.000 Polonais manquent à l’appel.

En 1943, des troupes allemandes stationnées dans les forêts de Katyn découvriront un peu accidentellement les fosses communes de Katyn. Une nouvelle tombant à pic pour l’Allemagne nazie propagandiste : après la défaite de Stalingrad, la révélation du massacre fut l’occasion d’attirer l’attention sur les crimes commis par un membre de la coalition antihitlérienne. Les nazis espéraient ainsi diviser les partenaires de cette coalition, conscients entre autres des nombreuses divergences entre le gouvernement polonais en exil et les autorités soviétiques.

 

7/8  1943 : étouffons l’affaire d’un commun accord

Cela s’appelle la raison d’État, plus précisément des États.

 

13 avril : la radio allemande diffuse le premier bulletin accusant l’Union soviétique d’avoir assassiné des officiers polonais peu de temps après l’invasion germano-soviétique de 1939. En réponse, les Soviétiques rapportent qu’il s’agit de prisonniers de guerre polonais employés dans des travaux de construction et tombés entre les mains de tortionnaires allemands.

15 avril : le gouvernement polonais en exil charge son représentant en Suisse d’approcher la Croix-Rouge pour l’ouverture d’une commission d’enquête. Le lendemain, Hitler et Goebbels font de même tandis que la Pravda accuse les Polonais de collaborer avec l’Allemagne nazie.

21 avril : Staline envoie un message secret à Churchill et Roosevelt, accusant Sikorski de collusion avec Hitler et le gouvernement polonais d’hypothéquer toute alliance avec l’URSS. Étant donné la grande autorité d’un Staline vainqueur à Stalingrad, Roosevelt et Churchill ne souhaitent affaiblir l’unité des Trois Grands et l’on fermera ainsi les yeux sur « l’affaire Katyn »

28 novembre : lors de la conférence secrète de Téhéran, la nouvelle frontière orientale de la Pologne est fixée selon les souhaits de Staline. L’Ukraine et l’ouest de la Biélorussie intègrent les frontières de l’URSS et le gouvernement polonais en exil n’en est point informé. La Pologne géographique de l’entre-deux-guerres ne renaîtra plus…

Le 13 avril 1990, 47 ans jour pour jour après la déclaration radiophonique de Goebbels, Mikhaïl Gorbatchev reconnaît publiquement l’entière culpabilité de l’URSS.

8/8  Pologne souveraine

 

En Pologne d’après-guerre, Katyn fut un sujet entièrement tabou et quitte à l’évoquer, les médias polonais adhéraient fidèlement à la Grande Encyclopédie soviétique attribuant la responsabilité à l’Allemagne nazie. Les censeurs avaient également pour tâche d’empêcher la publication des identités des victimes.

Aujourd’hui, la droite (ultra)nationaliste et les nombreux cercles patriotiques polonais entretiennent la mémoire de ce qu’ils considèrent comme un génocide à l’encontre de la patrie. Seuls quelques internautes agités complotistes pro-russes entretiennent encore le mythe de la responsabilité nazie.   

On a beau acclamer Poutine pour sa fermeté mais lorsqu’il se lance dans ses superbes envolées historiques, il omet systématiquement Katyn. Comme tous les grands chefs d’orchestre, Vladimir n’aime pas les fausses notes.

Dans son malheur, la France 1940 n’a pas connu de telle décimation de son intelligentsia. Mais la France a connu Verdun et aucun clavier ne saura jamais définir ce charnier, certains Poilus considérant la balle dans la nuque comme la délivrance suprême. Honneur à leur sacrifice et honneur à un Zemmour né pour qu’ils ne soient pas morts pour rien.

Richard Mil+a

Manifestation des ultras à Cracovie, 2014

À quand nos banderoles POITIERS 732 ?

Mémorial au cimetière de Powazki, Varsovie

 662 total views,  3 views today

image_pdf

6 Commentaires

  1. Il semblerait que les Polonais qui profitent des € de l’UE certains d’entre eux serait attiraient par Poutine . Très critiques envers l’UE alors qu’ils ne se sont pas privés d’acheter des avions américains plutôt qu’européens premier accroc
    et sans complexe ils jouent les donneurs de leçon . Qu’ils se retirent de l’UE !

  2. Vous rapportez , Richard , que certains Polonais eux mêmes, du fait de la propagande soviétique qui s’appliquait aussi à la Pologne d’après guerre , niaient ou doutaient de la culpabilité des Russes dans ce massacre.
    Je pense aussi que la situation géographique des populations polonaises concernées y sont pour quelque chose. C’était l’ Est de la Pologne et en grande partie l’Ukraine de l’ouest qui faisait partie intégrante de la Pologne donc le secteur occupé par les Soviétiques qui s’étaient entendu avec les nazis sur le dos de la Pologne pour faire leur pactes.
    Les Russe avaient mis un contrat sur cette région de l’Ukraine et la partie polonaise de la Biélorussie et ils se sont débarrassés de tout ce qui faisait les forces vives de ces régions en éliminant toute trace de ce qui avait pu faire la Pologne pour le remplacer par leur système et leurs hommes .Pour y parvenir ils ont donc liquidés les cadres , ils ont déportés les familles et après guerre ils ont parachever le tout en légitimant leur forfait avec l’ensemble de la communauté internationale par les accords de Yalta.
    En cela l’histoire de ma famille paternelle est emblématique de cette période puisque habitant près de LVOV , grand père officier dans la gendarmerie et tué dans forêt de Biélorussie en 1940, grand mère et tantes déportées au Kazakhstan, et mon père contraint de fuir à 17 ans avec nombre de jeunes polonais pour ne pas subir le même sort .Fait Prisonnier rapidement par les soldats Roumains qui étaient alliés aux Allemands à l’époque , les Roumains les relâchant presque aussitôt n’ayant pas les moyen pour nourrir tous ces prisonniers. Ce qui n’a pas empêché mon père d’attraper le paludisme la région étant très marécageuse Ils se sont ensuite rendu en Suisses puis après un périple de plusieurs semaines se sont retrouvé dans une France qui venait de subir l’attaque Allemande et rassemblés à Coëtquidan à l’école des officiers pour acquérir une formation de base pour combattre. Ce que je sais c’est qu’il a été fait prisonnier en Alsace mais qu’il a pu en échapper en se plaquant contre la paroi d’un fossé loirs d’une pause , les Allemands encadrants les prisonnier à cheval ne l’ont pas vu de leur hauteur . Je ne sais pas par contre si c’est lorsque les polonais ont été envoyés sur le front pour renforcer les troupes Françaises sur place ou lorsqu’il s’est rendu en France pour rejoindre le gros des forces polonaise de Sikorski, en exil . Il a ensuite été envoyé de France vers l’Angleterre et participé avec l’armée Anders dans le 2ème corps Polonais de la 8ème armée anglaise à l’assaut victorieux mais très lourd en perte humaine du monastère de Montecassino qui a permis aux armées alliées de continuer leur progression vers le nord. Après la guerre Il est resté en France car il avait noué des liens avec des gens qui l’avaient aidé lors de son évasion.
    Mais il ne pouvait rentrer dans une Pologne qui lui était interdite par le régime Stalinien. Pour les raisons que vous expliquez parfaitement .
    Après leurs libération des camps du Kazakhstan, ma Grand mère et mes tantes ont été “invitées” par les autorités à déménager pour peupler les nouvelles contrées de Silésie obtenues par les accords de Yalta pour la Pologne sur l’Allemagne de l’Est. Donc voilà l’exemple parfait d’une famille qui a été profondément impactée par le totalitarisme stalinien. Devrais-je remercier Staline d’être à l’origine de mon existence? C’est toujours la question que l’on peut se poser en pareil cas, puisque mon père a rencontré ma mère en France , pendant son exil forcé.

    • Bonjour @Antiislam et @Richard Mil

      Nous avons regardé, mes enfants et moi, le documentaire d’Arte. Passionnant et glaçant. Devant les crimes de masse des communistes, comment peut-on encore aujourd’hui adhérer à cette idéologie ?

      Idéologie qui “bouffait du curé” mais dont les acteurs contemporains s’allient si bien avec les islamistes (villes PC du 93 par exemple).

      On apprend qu’il y avait des “quotas” d’opposants politiques à abattre et que l’on prenait des passants dans la rue pour respecter les consignes. Et que l’objectif des Soviétiques (puis des nazis, après eux) était d’abattre l’élite du pays.

      Décidément, nazis, communistes, islamistes : même combat !

Les commentaires sont fermés.