INTERVIEW- La spécialiste de l’Irak Myriam Benraad analyse les enjeux et les conséquences du terrible attentat qui a frappé la communauté chiite de Bagdad dimanche.
LE FIGARO: L’État islamique a revendiqué l’attaque qui a fait au moins 119 morts dans le quartier chiite de Bagdad. Pourquoi viser spécifiquement les chiites?
MYRIAM BENRAAD*: Cet attentat se situe dans la continuité de la stratégie poursuivie par l’État islamique qui s’est constitué en Irak en 2006 sous le nom d’«État islamique en Irak» et visait d’abord et spécifiquement la communauté chiite. Et ce pour des raisons d’abord religieuses: les chiites sont considérés par les djihadistes comme des «rejectionnistes» (en arabe: «rawafidh») qui rejettent l’orthodoxie sunnite, et sont donc des mécréants au même titre que les chrétiens ou les Yézidis. Rappelons qu’en 2006, c’est une véritable guerre civile qui régnait en Irak, opposant chiites et sunnites dans un nettoyage ethnique mutuel. Cette raison religieuse se double d’une raison plus politique: l’État islamique est obsédé par l’idée que l’État irakien serait à la solde de l’Iran et des Américains. Cette idée est à la base de son projet politique qui a voulu se constituer en alternative sunnite à cet état corrompu.
Pourquoi une recrudescence d’attentats maintenant?
Il faut remettre cette attaque dans le contexte d’une recrudescence générale du mode opératoire de l’attentat suicide par Daech. Al-Adnani, le porte-parole de l’État islamique, avait annoncé que 2016 et en particulier le mois de Ramadan seraient les plus sanglants de ces dix dernières années. Ils ont tenu leur promesse meurtrière: cet attentat est sans doute l’un des plus meurtriers des 13 dernières années en Irak. Ensuite, il faut placer cet attentat dans le contexte de l’après Falloudja. La libération de Falloudja fin juin a été un véritable choc pour l’État islamique. Cette ville était le bastion historique de l’avant-garde de l’EI. C’est là-bas que, dès 2004, le fondateur de Daech, Al-Zarqaoui, et ses lieutenants ont fait leurs armes. La perte de la ville a suscité une haine inouïe chez les djihadistes, surtout étant donné la manière dont elle a été libérée. En effet, Falloudja a été libérée par l’armée irakienne et par des milices chiites, et cette libération s’est accompagnée d’exactions envers des civils sunnites. Dans une logique de loi du talion, Daech s’en prend aux civils chiites.
Il semble que la perte de territoire par Daech se traduise en recrudescence d’actes de terrorisme…
Il y a une dimension réactive: plus l’État islamique perd du territoire, plus il renoue avec l’action clandestine et les attentats-suicide qui étaient le mode opératoire privilégié de ses premières années en 2004-2006. Ses échecs territoriaux le font renouer avec une guérilla urbaine asymétrique contre laquelle la coalition internationale et le gouvernement irakien ont bien du mal à lutter.
Les autorités irakiennes semblent impuissantes à conjurer la menace djihadiste, y compris au cœur de Bagdad qu’on croyait pourtant épargnée. Mais y a-t-il encore un État irakien?
L’État irakien est un État totalement failli. Il est impuissant à stopper la «milicisation» progressive du territoire, où les milices chiites se livrent en toute impunité à des exactions. Le premier ministre al-Abadi, qui avait promis à son arrivée au pouvoir en 2014 de rétablir les institutions, s’avère incapable de normaliser la situation. Depuis 13 ans, les élites irakiennes, rongées par la corruption, sont incapables de reconstruire un État. Cet attentat nous montre, que, contrairement à ce qu’on avait pu croire en 2014, Bagdad n’est pas une enclave sécurisée, et que l’État islamique y est bien implanté.
*Myriam Benraad est chercheuse à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM) ainsi qu’à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Elle est spécialiste de l’Irak. Son dernier livre, intitulé Irak, la revanche de l’histoire, est publié aux éditions Vendémiaire.
MYRIAM BENRAAD*: Cet attentat se situe dans la continuité de la stratégie poursuivie par l’État islamique qui s’est constitué en Irak en 2006 sous le nom d’«État islamique en Irak» et visait d’abord et spécifiquement la communauté chiite. Et ce pour des raisons d’abord religieuses: les chiites sont considérés par les djihadistes comme des «rejectionnistes» (en arabe: «rawafidh») qui rejettent l’orthodoxie sunnite, et sont donc des mécréants au même titre que les chrétiens ou les Yézidis. Rappelons qu’en 2006, c’est une véritable guerre civile qui régnait en Irak, opposant chiites et sunnites dans un nettoyage ethnique mutuel. Cette raison religieuse se double d’une raison plus politique: l’État islamique est obsédé par l’idée que l’État irakien serait à la solde de l’Iran et des Américains. Cette idée est à la base de son projet politique qui a voulu se constituer en alternative sunnite à cet état corrompu.
Pourquoi une recrudescence d’attentats maintenant?
Il faut remettre cette attaque dans le contexte d’une recrudescence générale du mode opératoire de l’attentat suicide par Daech. Al-Adnani, le porte-parole de l’État islamique, avait annoncé que 2016 et en particulier le mois de Ramadan seraient les plus sanglants de ces dix dernières années. Ils ont tenu leur promesse meurtrière: cet attentat est sans doute l’un des plus meurtriers des 13 dernières années en Irak. Ensuite, il faut placer cet attentat dans le contexte de l’après Falloudja. La libération de Falloudja fin juin a été un véritable choc pour l’État islamique. Cette ville était le bastion historique de l’avant-garde de l’EI. C’est là-bas que, dès 2004, le fondateur de Daech, Al-Zarqaoui, et ses lieutenants ont fait leurs armes. La perte de la ville a suscité une haine inouïe chez les djihadistes, surtout étant donné la manière dont elle a été libérée. En effet, Falloudja a été libérée par l’armée irakienne et par des milices chiites, et cette libération s’est accompagnée d’exactions envers des civils sunnites. Dans une logique de loi du talion, Daech s’en prend aux civils chiites.
Il semble que la perte de territoire par Daech se traduise en recrudescence d’actes de terrorisme…
Il y a une dimension réactive: plus l’État islamique perd du territoire, plus il renoue avec l’action clandestine et les attentats-suicide qui étaient le mode opératoire privilégié de ses premières années en 2004-2006. Ses échecs territoriaux le font renouer avec une guérilla urbaine asymétrique contre laquelle la coalition internationale et le gouvernement irakien ont bien du mal à lutter.
Les autorités irakiennes semblent impuissantes à conjurer la menace djihadiste, y compris au cœur de Bagdad qu’on croyait pourtant épargnée. Mais y a-t-il encore un État irakien?
L’État irakien est un État totalement failli. Il est impuissant à stopper la «milicisation» progressive du territoire, où les milices chiites se livrent en toute impunité à des exactions. Le premier ministre al-Abadi, qui avait promis à son arrivée au pouvoir en 2014 de rétablir les institutions, s’avère incapable de normaliser la situation. Depuis 13 ans, les élites irakiennes, rongées par la corruption, sont incapables de reconstruire un État. Cet attentat nous montre, que, contrairement à ce qu’on avait pu croire en 2014, Bagdad n’est pas une enclave sécurisée, et que l’État islamique y est bien implanté.
*Myriam Benraad est chercheuse à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM) ainsi qu’à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Elle est spécialiste de l’Irak. Son dernier livre, intitulé Irak, la revanche de l’histoire, est publié aux éditions Vendémiaire.
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L’orgueil aussi démesuré que leur ego de ces gens-là (on se demande bien pourquoi !) les met dans l’incapacité de raisonner et donc, de se maîtriser. S’ils s’estiment blessés, vexés, ils se vengent en tuant en représailles ! Les fauves et autres bêtes sauvages auxquels on les compare (à tort) n’agisent mâme pas comme ça ! C’est mesurer la bêtise crasse de ces gens et leur Q.I qui n’est même pas au niveau des pâquerettes, car les pâquerettes sont intelligentes qu’eux !
Exactement HATHORITI ! J’ai beaucoup de respect et même de l’admiration pour les fauves et les bêtes sauvages, qui ne tuent jamais pour rien. La « cruauté » de certains félins par exemple, serait plutôt une sorte de jeu, de curiosité ( ? ) avant d’achever leur proie ??
Mais « ces gens-là » dont nous parlons, ne sont même pas au niveau des bêtes qu’ils méprisent ; pour eux le chien est complètement méprisé, tué, voire torturé à l’acide !
Quand on pense qu’ils sont obligés de se laver très souvent les mains PENDANT 3 ANS, s’ils ont eu le malheur de toucher… un chien mouillé….
Heureusement pour ces débiles, que la honte ne tue pas.