A lire et relire, un superbe livre de Jacqueline de Romilly, hélléniste, première femme à enseigner au Collège de France et membre de l’Académie française, Pourquoi la Grèce.
J’ai commencé, dimanche dernier, à vous donner, en guise de pause dominicale, des extraits de ce livre majeur où elle condense toute une vie à examiner la littérature grecque pour en découvrir les secrets.
Et ces secrets nous disent mieux que tout autre ouvrage ce que nous sommes, tout simplement, et pourquoi l’islam nous est étranger, à jamais.
Voici le numéro 2, les numéros suivants arriveront à l’occasion d’autres pauses dominicales, sans que ces dernières leur soient exclusivement consacrées.
Il s’est donc passé quelque chose, en ce Vème siècle avant J-C, qui allait au-devant de l’intelligence et de la sensibilité humaines, quelque chose qui prédisposait ces oeuvres à jouer le rôle qu’elles ont joué dans l’histoire de notre culture.
Mais quoi ?
La réponse que nous cherchons doit, on le voit, être double. Il faut en effet se demander ce qu’il pouvait y avoir en Grèce, dès l’origine et jusqu’à la fin, qui mette ainsi à part la civilisation grecque et lui assure ce rayonnement sans pareil. Et il faut aussi se demander ce qui s’est passé à Athènes, au Vème siècle avant J-C, pour rendre compte du décalage et de la brusque intensification du phénomène.
[…]
On peut dire que, de façon très générale, certaines évidences étaient apparues à tous. Chacun sait ainsi que la Grèce et Athènes sont été animées par un désir unique de comprendre l’homme. Chacun sait qu’elles ont voulu rendre compte de la vie humaine en termes de raison, et qu’elles ont instauré la civilisation du « logos ». Par là, il est évident qu’elles allaient au-devant des curiosités que nourriraient les hommes en d’autres lieux et d’autres temps.
[…]
J’ai voulu montrer que toutes les oeuvres de la civilisation grecque dans l’Antiquité, et plus particulièrement celles d’Athènes, au Vème siècle avant J-C, se distinguaient par un effort exceptionnel vers l’humain et l’universel ; et j’ai voulu justifier le rayonnement sans pareil de l’héllénisme au-dehors par cette orientation si remarquable. Mais quel sens faut-il donner à ces mots ?
[…]
Dirons-nous que ces héros ou personnsages sont humains ? Mais que veut dire cet autre mot ? […] Il peut vouloir dire qu’en les imaginant et en les présentant, l’auteur a adopté le point de vue le plus large possible et qu’il n’a pas voulu s’enfermer lui-même dans sa situation de Grec, d’Athénien, d’aristocrate. Cela est vrai par exemple quand Thucydide se refuse à employer une chronologie fondée sur les calendriers variables de chaque ville et qu’il date les évènements par les saisons et les moissons. Cela est vrai encore quand il écarte tant qu’il peut les noms propres, les intrigues locales, les prétextes, ne retenant que les grands traits, intelligibles en tout temps. Mais on peut aussi dire, du point de vue du personnage lui-même, qu‘il est humain et universel, losqu’il apparaît dépouillé, à son tour, de tout son poids de particularités sociales ou nationales, héréditaires ou culturelles, pour n’apparaître que comme le type même de ce qu’implique son destin.
L’Andromaque de Giraudoux est subtile, personnelle, unique. L’Andromaque d’Euripide ne l’était pas encore : elle était essentiellement la mère angoissée et la captive démunie ; elle était plus proche d’un type humain tout simple. Et avant elle, l’Andromaque d’Homère n’était qu’une femme et une mère, comme toutes les femmes et toutes les mères. On ne savait rien de sa vie et de ses goûts ; et elle n’avait rien subi que la crainte de voir son époux partir à la guerre -un sort terriblement commun dans tous les pays et dans tous les temps. Ce dépouillement même la rendait, quoique bien vivante et présente, plus universelle.
Mais c’est là encore trop simplifier ! […]
Cette quête implique que l’on serre une idée de près, et que par suite on ne fournisse une réponse à la question « Pourquoi la Grèce ? » qu’une réponse unique, susceptible de décevoir. Car l’on ne dira pas ici ce qui, dans la pratique, a pu, à toutes les époques, attirer les gens vers la culture de la Grèce antique. […] Il n’en sera pourtant pas question ici.[…]
Tous les peuples ont eu des mystères et des sacrifices, que nous connaissons mal et du dehors : ceux de la Grèce nous touchent, au contraire, parce qu’ils ont été amalgamés dans une culture littéraire et humanisée, qui en a conservé la trace, et qui, au passage, très vite, nous les a plus ou moins expliqués. On voit la littérature les évoquer, les transposer, et s’enrichir d’eux. De même, les grands mythes sur l’univers et la vision tragique du monde n’ont été connus et n’ont pris de valeur qu’unis à ce souci de l’homme qui, dés le début, caractérise l’esprit grec. Et les dieux grecs ne touchent tant que parce que les oeuvres littéraires les évoquent avec éclat, les montrant toujours, précisément, inséparables de l’homme, liés à sa vie et définissant sa condition. […]
Les dimensions les moins rationnelles de l’héllénisme ne s’expliquent donc que liées à cet esprit propre de la culture grecque, qui est ici l’objet de notre recherche.
La suite à l’occasion d’une autre pause dominicale…
Christine Tasin
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Merci , Christine pour ce cadeau dominical…En fait, je vais acheter ce livre et puis, écrit par Jacqueline de Romilly, il ne peut qu’être passionnant…Quant au titre de l’ouvrage, je serais tenté d’y ajouter, pour prolonger le questionnement et la quête du savoir : « aujourd’hui ? » Et, là je vous rejoins complètement, je crois…Car, plus qu’une question, il s’agirait d’une exhortation à comprendre
profondément « le mystère grec » et le mettre en relation avec les évènements considérables qui lui sont contemporains ou qui le suivent:
la naissance du bouddhisme, du christianisme et l’irruption islamique, de manière étrangement rythmique, au sein de l’Humanité.
Amitiés BJ
Oui Bruno tu fais partie de ceux qui ont compris l’importance de mon cadeau dominical et je t’en remercie
merci a toi christine.je pense que je vais offrir ce livre a la fille d’une amie.bon we.